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La Cour d’appel met fin à la controverse concernant l’obligation des villes de payer les frais de défense de leurs élus

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Valéry Kovalenko

2020-10-22 11:15:00

La décision confirmant le devoir de St-Constant de rembourser les frais d’avocat de l’ancien maire vient jeter un nouvel éclairage sur la question...

L’auteure de cet article, Valéry Kovalenko. Photo : LinkedIn
L’auteure de cet article, Valéry Kovalenko. Photo : LinkedIn
Dans une décision de 100 pages rendue le 7 octobre dernier, la Cour d’appel a tenu à remettre les pendules à l’heure relativement à la controverse entourant l’obligation des villes et des municipalités de payer les frais de défense de leurs élus en application de l’article 604.6 de la Loi sur les cités et villes 1 (ci-après « L.c.v. »).

Dans Ville de Saint-Constant c. Succession de Pépin, diverses accusations criminelles avaient été portées contre le maire de la ville de Saint-Constant, M. Gilles Pépin, à l’occasion de la réalisation de deux projets municipaux et d’une campagne de financement politique. Pour se défendre contre ces accusations, M. Pépin avait recouru aux services d’un avocat.

Or, la veille de l’enquête préliminaire, le ministère public avait annoncé le retrait de toutes les accusations. M. Pépin a donc mis la Ville en demeure de lui rembourser les frais encourus pour assurer sa défense, ce qu’elle a refusé de faire en soutenant que la protection financière était inapplicable lorsqu’un élu était accusé d’actes criminels se situant à l’extérieur du cadre de ses fonctions.

Dans cet arrêt, la Cour d’appel a pris le soin de clarifier le fardeau de preuve incombant à l’élu souhaitant bénéficier de la protection financière prévue par la loi. Ainsi, au stade de la demande effectuée par l’élu en vertu de l’art. 604.6 L.c.v., l’élu n’a qu’un fardeau léger, celui d’une preuve véritablement ''prima facie'', c’est-à-dire une preuve sommaire, superficielle et d’apparence, de démontrer que les reproches qui lui sont adressés demeurent dans le cadre général de ses fonctions. Cette demande n’a pas à faire l’objet d’un examen substantiel et approfondi et ne se prête pas à l’examen des différences entre ce qui a été fait par l’élu en exerçant ses fonctions ou dans l’exercice de ses fonctions, donc ce qui est séparable de ses fonctions et ce qui ne l’est pas.

En effet, ce n’est qu’au stade de la demande de remboursement des frais de défense, effectuée par la ville ou la municipalité, qu’une distinction de ce genre peut être faite, dont le fardeau relève de la ville ou de la municipalité. En d’autres termes, ce n’est que lorsque la ville ou la municipalité réclame le remboursement des sommes qu’elle a versées, que la Cour pourra procéder à la détermination du véritable contexte dans lequel l’acte ou l’omission a été posé et qu’elle pourra statuer de manière définitive sur la question de savoir s’il est séparable ou non de l’exercice des fonctions de l’élu.

Cette demande de remboursement ne peut être effectuée que si l’élu admet que cette demande de remboursement est justifiée ou que si la procédure entreprise à son égard est terminée.

La Cour prend également le soin de mentionner que ce n’est également que dans ces
circonstances que la ville ou la municipalité peut cesser de payer les frais de défense de l’élu.

Or, antérieurement à l’arrêt rendu par la Cour d’appel, certaines décisions judiciaires avaient porté à confusion quant au droit de la ville ou de la municipalité de cesser de payer les frais de défense de l’élu. Par exemple, à l’occasion d’une ordonnance de sauvegarde, la Cour supérieure avait permis à la municipalité de cesser de payer les frais de défense de l’élu, et ce, au motif que les honoraires engagés constituaient déjà une somme substantielle.

Dans une autre décision, la Cour supérieure a appliqué les principes élaborés dans l’arrêt de la Cour d’appel et a précisé, dans Ville de Montréal c. Montgomery, qu’au stade de l’ordonnance de sauvegarde, le fardeau de preuve que doit satisfaire l’élu n’est pas celui de la forte apparence de droit, mais bien celui de la preuve ''prima facie''. La Cour supérieure a également précisé qu’au stade de l’ordonnance de sauvegarde, il n’y a pas lieu, à ce stade-ci, de procéder à une analyse de la raisonnabilité des frais facturés à ce jour.

Nous accueillons donc favorablement les principes élaborés par la Cour d’appel dans l’arrêt Ville de Saint-Constant c. Succession de Pépin, lequel permettra, à notre avis, de dissiper tout doute quant au fardeau de preuve incombant à l’élu lorsqu’il effectue une demande de paiement de ses frais de défense en vertu de l’art. 604.6 L.c.v. et lequel précise les circonstances dans lesquelles les villes ou municipalités peuvent en demander le remboursement ou en cesser le paiement.

Sur l’auteure

Valéry Kovalenko est avocate chez Municonseil avocats, à Montréal.
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