Covid-19

Chalets, Airbnb, quels sont vos droits en temps de pandémie?

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Jessica Chaput-turcotte

2020-11-27 13:15:00

Vous avez réservé un chalet pour Noël il y a des semaines, mais vous souhaitez maintenant annuler à cause de la deuxième vague. Des avocats expliquent...

Elise Thériault, avocate et conseillère budgétaire et juridique chez Option consommateurs.
Elise Thériault, avocate et conseillère budgétaire et juridique chez Option consommateurs.
Pour être remboursé, du moins selon les deux avocats que La facture a consultés, il faudrait pouvoir plaider le cas de force majeure devant les tribunaux. Bref, établir que la deuxième vague, comme la première, était totalement imprévisible et qu’il vous était impossible de remplir votre obligation contractuelle. Or, rien n’est moins sûr.

Bien entendu, si votre contrat prévoit déjà des clauses dans le cas où vous annulez, la réponse est plus claire. C’est le cas des locations faites sur la plateforme Airbnb, où les contrats sont généralement explicites sur les annulations.

Mais si aucune clause dans votre contrat n’offre de recours qui vous permet d’annuler comme vous l’entendez, ce sera alors aux tribunaux de trancher si vous êtes ou non dans un cas de force majeure.

Dans le cas des réservations de chalet, il est fort possible pour cela qu’ils prennent en considération ces deux éléments.

D’abord, que la deuxième vague n’était pas totalement imprévisible.

« Si vous avez réservé cet été pour le temps des Fêtes, il n’était pas complètement imprévisible que nous soyons reconfinés ou qu’il y ait des restrictions aux déplacements, puisqu’on parlait déjà de la deuxième vague », indique Elise Thériault, avocate et conseillère budgétaire et juridique chez Option consommateurs.

Ensuite, que le gouvernement n’interdit pas aux propriétaires d'offrir leur chalet en location, comme c’était le cas lors de la première vague.

« Seules les auberges de jeunesse situées dans une zone d’alerte maximale (dites rouge) sont actuellement tenues de suspendre leurs opérations », explique à cet effet le porte-parole du ministère du Tourisme, Jean-Manuel Téotonio.

« Outre celles-ci, les exploitants d’établissements d’hébergement touristique, dont les résidences de tourisme, lesquelles incluent les chalets, peuvent effectivement continuer d’offrir en location leur établissement partout au Québec dans le respect des directives émises par la Santé publique. »

Il n’est donc pas impossible pour les gestionnaires d’offrir le service, ce qui constitue leur obligation dans le contrat. Pour utiliser le jargon juridique, la pandémie n’est pas « irrésistible » dans ce cas.

Yan A. Besner, avocat expert en droit immobilier au cabinet Osler.
Yan A. Besner, avocat expert en droit immobilier au cabinet Osler.
Et en ce qui concerne les locataires, le gouvernement n'interdit pas les déplacements. Alors, de leur côté, le contrat n’est pas non plus impossible à exécuter.

« Quand on veut alléguer la force majeure, il faut que l’obligation soit vraiment impossible pour le visiteur, et non pas uniquement plus difficile ou déconseillé d’y aller », expose Yan A. Besner, avocat expert en droit immobilier au cabinet Osler.

« Quand ça devient une question subjective de satisfaire une obligation, on s’éloigne de l’événement de force majeure, ajoute Me Besner. S’il y avait un décret obligeant tout le monde à rester chez eux, ça commencerait à être impossible d’aller de Montréal à Saint-Sauveur pour utiliser un chalet qu’on a loué le week-end. Mais s’il y a une question de risque ou zone rouge, on s’éloigne des réclamations en cas de force majeure. »

Me Thériault abonde dans ce sens. « Si on s’engage à louer un chalet et que le chalet est disponible, il faut respecter notre obligation, explique-t-elle. La pandémie ne vous empêche pas de fournir votre prestation, qui est en fait de payer. »

Le fait sinon que le chalet ait été loué par quatre locataires de quatre adresses différentes, par une personne âgée de plus de 70 ans, ou encore par une maisonnée de plus de six personnes résidant en zone rouge n’est pas non plus suffisant pour les libérer du contrat.

Et même si on a conclu la réservation avant la première vague de la pandémie pour un séjour en décembre 2020, la force majeure ne s’applique pas, estime Me Thériault.

« C’est imprévisible, oui, mais ce n’est pas irrésistible, explique-t-elle, parce que vous pouvez aller au chalet au cours de la deuxième vague. La force majeure doit comporter les deux critères. »

Nul ne sait encore avec certitude comment les tribunaux vont interpréter la force majeure dans le contexte de cette pandémie. Il y a peu de précédents dans la jurisprudence.

Le test reste donc à faire et les cours peuvent encore réserver des surprises, prévoit Me Besner. « Tout ce qui est pandémie et effet des décrets du gouvernement, c’est quelque chose qui va être épluché par les tribunaux dans les mois et années qui suivent », fait-il valoir.

Alors, comment éviter les surprises

Pour éviter les tribunaux, nos deux experts conseillent de bien se renseigner et, si possible, de négocier avant de signer un contrat. Car, dans le cas de location de chalets et de condos, c’est ce qui fait loi.

Ainsi, si une clause prévoit que l’exploitant de votre chalet peut conserver le dépôt même en cas de force majeure, le contrat prévaudra.

Notez que, pour que cette clause s’applique, il faut que vous, le locataire, ayez consenti à cette clause et donc qu’elle ait été portée à votre attention AVANT l’achat, et non une fois le contrat signé.

Aussi, précisez exactement dans le contrat ce à quoi vous vous engagez en cas d’annulation.

« C’est toujours mieux de prévenir au lieu de guérir », conseille Me Besner.

« Rien n’empêche le locataire de préciser dans son contrat que si on est en zone rouge et que le gouvernement déconseille fortement de changer de région, il aura le droit de résilier le contrat avec un préavis de x jours. Évidemment, insiste-t-il, il faut que ça soit accepté par le bailleur. »

Me Thériault suggère pour sa part de rédiger le contrat de façon à « s’assurer que c’est possible d’annuler la réservation, même à courte échéance ».

« Il faut aussi vérifier quelles sont les pénalités si on choisit de ne pas aller au chalet, de façon à déterminer ce qu’on est prêts à payer », conseille Elise Thériault, avocate et conseillère budgétaire et juridique chez Option consommateurs.

Le ministère du Tourisme presse à cet effet les locataires de s’informer sur les politiques de remboursement.

Son porte-parole, Jean-Manuel Téotonio, invite les locateurs à faire preuve quant à eux de souplesse dans le cas de modifications ou d’annulations liées au respect des consignes sanitaires, mais rappelle qu’il s’agit ici d’une politique d’affaires propre à l’exploitant d’un établissement d’hébergement.

Politiques d’annulation chez Airbnb et à la Sépaq

Informez-vous aussi des politiques d’annulation que l’exploitant du service de location a mises en place dans le contexte de la COVID et qui peuvent compléter le contrat s’il n’y a pas de clause d’annulation, ou même remplacer cette clause, selon le cas.

Depuis mars, Airbnb soumet les contrats de location à sa Politique sur les cas de force majeure liés au coronavirus (COVID-19) si ces contrats n’offrent pas déjà des options souples d’annulation pour le locataire.

En vertu de cette politique, si vous avez fait la réservation au plus tard le 14 mars, vous devriez être remboursé, puisqu’Airbnb considère que la pandémie était imprévisible avant cette date.

Mais attention! Pour Airbnb, il y a une deuxième date tout aussi importante qui s’ajoute dans le calcul : la date de votre séjour. Celui-ci doit avoir lieu dans les 45 prochains jours pour être couvert par cette politique spéciale d’annulation.

Vous ne pouvez donc PAS annuler plusieurs mois à l’avance, puisqu’on ne sait pas si le confinement sera alors encore en vigueur.

Lorraine Lefebvre l’a appris à la dure. Son voyage était prévu en février 2021. Elle l’avait réservé bien avant la pandémie et elle avait payé la totalité du logement (4500 $). Lorsqu’elle a voulu annuler, son hôte au Mexique se montrait ouvert à rembourser, mais pas la maison mère de Airbnb : c’était encore trop tôt.

C’est uniquement parce que Lorraine a mis de la pression sur la compagnie – pendant trois jours! – qu’Airbnb a cédé.

Pour Éric Tétreault, ce n’est toujours pas réglé.

Il avait réservé son gîte à Londres bien avant la COVID-19. Son séjour prévu était en juillet. En mai, l’hôte de Londres lui a demandé d’annuler le plus tôt possible afin de lui permettre de relouer son gîte. Bon joueur, Éric a accepté d’annuler sa réservation rapidement avant la date permise par la Politique, ce qui a cependant permis à l’hôte de conserver les 600 $ du dépôt.

Il faut donc attendre que les dates de votre séjour soient couvertes par la politique de remboursement d'Airbnb. La plateforme publie régulièrement une mise à jour de ce calendrier.

Du côté de la Sépaq, on s’est aussi adapté à la situation de la pandémie. La Sépaq prévoit désormais que vous pouvez reporter votre séjour, si celui-ci « ne répond plus aux consignes de la santé publique ».

Vous pouvez également avoir un crédit ou encore, tout simplement, vous pouvez annuler avec remboursement de votre dépôt.

Dans la plupart des cas, cette information ne se trouve pas dans le contrat, mais elle est précisée sur le site Internet de l’organisme. De plus, la Sépaq envoie une infolettre aux clients qui ont une réservation active pour les aviser de leurs options.

Boîte à outils

Le gouvernement Legault n’interdit pas aux Québécois de se déplacer entre les régions ni de louer une résidence de tourisme, comme un chalet. Cependant, il leur demande :
  • de se rendre directement à leur point d’arrivée et de limiter leurs sorties une fois arrivés à destination.

  • d’observer les consignes de santé publique de la zone où ils se rendent, mais aussi les consignes de leur zone d’origine, si elles sont plus sévères. Par exemple, si on provient d’une zone rouge, seuls les membres d’une même bulle peuvent habiter sous le même toit… même en chalet! Au besoin, consultez la carte des paliers d’alerte de COVID-19 par région.


Sépaq : la foire aux questions vous renseigne sur vos options d'annulation

Airbnb : voyez si vous pouvez invoquer sa Politique sur les cas de force majeure liés au coronavirus (COVID-19)
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