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Demande d’action collective contre une firme de recrutement d’étudiants étrangers

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Radio -canada

2020-12-01 12:00:00

Des étudiants indiens dénoncent les pratiques de la firme Rising Phoenix International, qui fait du recrutement pour de nombreux collèges privés québécois.

Le Collège de l'Estrie (CDE) est situé à Sherbrooke. Il est géré par la firme Rising Phoenix International, qui fait venir chaque année des centaines d'étudiants indiens au Québec. Photo : Google Streetview
Le Collège de l'Estrie (CDE) est situé à Sherbrooke. Il est géré par la firme Rising Phoenix International, qui fait venir chaque année des centaines d'étudiants indiens au Québec. Photo : Google Streetview
À l’instar de milliers d'étudiants indiens, Kiranpreet Kaur a récemment quitté sa région du Punjab pour découvrir le Québec. Comme tant d’autres, elle a été conseillée par une firme de recrutement et des agents, dans son pays. Sa destination? Sherbrooke et le Collège de l’Estrie (CDE).

Avant de venir au Canada, en janvier dernier, Kiranpreet Kaur a payé la première année de la formation en comptabilité et gestion qu’elle désirait. Un montant de 15 837 $. Mais dès son arrivée au Québec et avant le début des cours permettant d’obtenir une attestation d’études collégiales, elle s'est rétractée et a demandé un remboursement.

L’établissement lui a refusé un remboursement complet, évoquant des milliers de dollars de pénalités et d'autres frais. Un peu plus de la moitié de la somme déjà dépensée pouvait lui être retournée, indiquait la direction du CDE.

Cette description est détaillée dans une demande d’action collective qu’a pu consulter Radio-Canada. Déposée le 27 octobre en Cour supérieure du Québec, elle vise spécifiquement le CDE, mais aussi la firme de recrutement Rising Phoenix International. Cette dernière gère un vaste réseau de collèges privés au Québec.

Tel que révélé la semaine dernière par Radio-Canada, le nombre d’inscriptions d’étudiants indiens a connu une hausse spectaculaire au Québec depuis 2017. Dans le milieu, on évoque un marché lucratif, avec des frais de scolarité d’environ 25 000 $ et une vive concurrence entre les établissements pour attirer cette population asiatique.

Interpellé par cette situation, le premier ministre François Legault a d’ailleurs demandé des vérifications, tout en soulignant que ce dossier ne « sent pas bon ». Trois jours plus tard, l’Unité permanente anticorruption (UPAC) a déposé des accusations contre d’anciens membres de la Commission scolaire Lester-B.-Pearson qui sont désormais actifs dans le réseau des collèges privés.

Un « stratagème de fraude » a été évoqué par l’UPAC, visant particulièrement deux responsables de Rising Phoenix International et, par conséquent, du CDE.

Un modèle d’affaires, déplore un avocat

Ces derniers mois, « plusieurs étudiants indiens nous ont approchés », explique l’avocat Tom Markakis, du bureau De Louya Markakis, qui défend cette demande d’action collective.

Il évoque des plaintes formulées par une cinquantaine d’étudiants. Ce nombre pourrait grimper à 200, précise-t-il.

On parlerait de « chantage » et de « pratiques abusives », lance le juriste.

Dans un courriel envoyé à Radio-Canada, la directrice générale du Collège Universel, Saloua Zraida, affirme que son établissement n'a plus « de lien d’affaires avec Rising Phoenix International » depuis septembre 2019. Photo : Radio-Canada
Dans un courriel envoyé à Radio-Canada, la directrice générale du Collège Universel, Saloua Zraida, affirme que son établissement n'a plus « de lien d’affaires avec Rising Phoenix International » depuis septembre 2019. Photo : Radio-Canada
« C’est chaque fois un parcours qui se ressemble. Ces gens ont voulu étudier ici, avoir une meilleure vie. Ils ont été recrutés par des agents, mais ils ont réalisé que Sherbrooke n’était pas le meilleur environnement, pas la meilleure école pour eux », détaille Me Markakis.

Impossible pour ces Indiens d’obtenir un remboursement des frais déjà payés, ajoute-t-il.

« C’est toujours le même modus operandi. C’est un problème de fonds, il y a un modèle d’affaires », ajoute-t-il.

Selon les témoignages qu’il dit avoir reçus, ces pratiques ne se limiteraient pas au collège privé de Sherbrooke, mais seraient également fréquentes dans d’autres établissements.

« C’est inquiétant », estime Tom Markakis, en parlant des conséquences pour cette « population vulnérable ».

« Ces étudiants arrivent dans un nouveau pays, ils ne connaissent pas tous les rouages », ajoute-t-il.

« En raison du processus judiciaire en cours », Rising Phoenix International n'a pas voulu « commenter » cette « situation ».

La firme a néanmoins « à cœur le bien-être et le succès de ses étudiants », assure David Dayan, directeur exécutif de l'entreprise, dans un courriel envoyé à Radio-Canada. « C’est pourquoi nous prenons cette situation très au sérieux. Nous sommes toutefois confiants que les conclusions de ce processus témoigneront de notre engagement. »

Pas la première affaire judiciaire

Déjà, l'an passé, Rising Phoenix International a dû faire affaire avec la justice. Le Collège Universel, un établissement privé de Gatineau, avait saisi la Cour supérieure, à la suite de « différents conflits » et « désaccords », peut-on lire dans un jugement rendu le 3 décembre 2019.

Rising Phoenix International était en charge du recrutement en Asie pour le Collège Universel depuis décembre 2017. La firme avait le mandat de recruter « des étudiants étrangers provenant d’Inde, de Chine et de Corée du Sud », moyennant une commission perçue sur les frais de scolarité. Une entente de cinq ans avait été signée.

Le « conflit » aurait débuté, selon le document judiciaire, après le printemps 2019 et le départ de certains étudiants, qui ont demandé un remboursement. La firme « reproche à l’établissement d’avoir unilatéralement modifié l’horaire de cours, empêchant les étudiants d’exercer un emploi à temps partiel pendant leurs études ».

Selon le collège, « l’exode provient plutôt de fausses représentations (faites) auprès des étudiants, tant sur le nombre de jours par semaine de cours que sur les exigences académiques de certains programmes ce qui entraîne des échecs pour de nombreux étudiants. »

Le Collège Universel déplore notamment des « défauts de paiement des frais de scolarité », perçus dans un premier temps par Rising Phoenix International, la « circulation de fausses informations » aux « étudiants » ou encore une « concurrence déloyale » et une « mauvaise foi »; des éléments contestés par l'entreprise de recrutement.

La juge Suzanne Courchesne évoque quant à elle une situation « préoccupante », avec la « sollicitation d’étudiants » du Collège Universel « par le Collège M du Canada, établissement dont les administrateurs sont les mêmes que ceux de » Rising Phoenix International.

Celle-ci, sur ordre de la Cour supérieure, a dû cesser de recruter des étudiants pour l'établissement de Gatineau et d'utiliser le logo et nom du collège à des fins publicitaires.

Le réseau de Rising Phoenix International

Accusées par l’UPAC, Caroline Mastantuono et Christina Mastantuono sont les actionnaires et administratrices de Rising Phoenix International, avec Joseph Mastantuono. Cette firme s'occupe du recrutement d’étudiants internationaux pour plusieurs établissements, mais aussi de la gestion de certains collèges. On retrouve parmi ceux-ci le CDE, à Sherbrooke, Aviron International, à Québec, le Collège de comptabilité et de secrétariat du Québec, à Longueuil, ou encore le Collège M du Canada, à Montréal. Ces trois personnes détiennent également la compagnie immobilière CDSQ Immobilier.

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