Entrevues

Un Français chez les Québécois

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Natacha Mignon

2009-12-21 14:15:00

D’un coté comme de l’autre de l’Atlantique, plusieurs avocats n’ont pas attendu la signature de l’entente France-Québec pour développer une pratique biculturelle et faire de bonnes affaires. Stéphane Minson, de Joli-Cœur Lacasse, est de ceux-là…

C’est à la suite d’un programme d’échange avec l’université ontarienne Osgoode Hall ,en 1995, alors qu’il était étudiant en droit en France, que Stéphane Minson, a attrapé le virus de l’Amérique du Nord.

« Après cette expérience, j’ai tout fait pour revenir au Canada, dit-il. J’avais compris que c’était là que je voulais vivre », raconte l’avocat de 39 ans.

DJCE en poche, Stéphane Minson arrive au Québec en 1998. Si ce diplôme de troisième cycle de droit des affaires est connu et réputé en France, ici, cela ne dit rien à personne. Le jeune homme doit donc retourner aux études, afin de passer les équivalences du barreau du Québec.

« Cela a été très difficile. C’était la première fois que j’étais confronté aux différences culturelles entre les deux territoires. Ici, on attendait de moi des réponses courtes et pratiques. C’était frustrant pour un juriste européen et c’était tout le contraire de ce que j’avais toujours fait en France !»

Est-ce que cela a été difficile pour vous de vous intégrer comme avocat au Québec ?

Stéphane Minson : Oui, oui et encore oui ! Quand on n’est pas du sérail, on doit entrer par la petite porte. Moi, j’ai commencé par exercer au sein d’un petit bureau spécialisé dans le droit de l’immigration, alors que pendant toutes mes études je n’avais fait que du droit des affaires. Il faut être franc, la course aux stages n’est pas vraiment pour les juristes étrangers, déjà parce qu’on arrive plus âgé sur le marché. Rien que cela suffit à nous faire échouer lors des premiers comités de sélection.
Joli-Cœur Lacasse, mon bureau actuel, a d’ailleurs refusé ma candidature à trois reprises ! J’y suis finalement rentré lorsque qu’ils ont absorbé mon premier bureau en 2001.

Comment êtes-vous parvenu à développer une pratique entre le Québec et la France ?

J’ai eu la chance que Joli-Cœur Lacasse ait parié, dès 2001, sur le développement des affaires à l’international, institutionnalisant des partenaires. Compte tenu de mon cursus biculturel, le bureau m’a laissé jouer la carte de l’implantation vers la France, et m’a donné les moyens de le faire.

Ma chance a été aussi d’avoir débuté par le droit de l’immigration. Cet aspect est souvent négligé dans les bureaux d’affaires. C’est une erreur car c’est un aspect primordial, quand on travaille entre deux pays.

Les clients n’attendent pas au final d’avoir une belle structure dans le pays d’accueil mais veulent faire du business, et ont besoin immédiatement d’expatrier leurs salariés. Autant dire qu’il faut savoir jongler avec les règles d’immigration, pour répondre à leurs exigences.

En quoi consiste aujourd’hui votre pratique entre la France et le Québec ?

Depuis 2002, j’accompagne des sociétés québécoises qui veulent s’implanter en France et en Europe, et réciproquement, j’accueille des sociétés françaises qui veulent faire des affaires en Amérique du Nord.

Encore aujourd’hui, et même si c’est un cliché, je suis frappé par les différences culturelles entre les deux territoires. La conséquence est que les entrepreneurs qui s’implantent de l’autre coté de l’Atlantique ont besoin d’un accompagnement solide, qui dépasse le cadre purement juridique. Il faut les aider à trouver des partenaires. Ca nous rapproche des grands bureaux comptables. Ca va peut-être vous amuser mais on les assiste pour trouver des partenaires financiers, des comptables, aussi bien que des déménageurs !

Est-ce que votre pratique entre la France et le Québec requiert une expertise particulière ?

Sur le plan technique, il faut bien connaître certains thèmes qui reviennent fréquemment. Je pense aux contrats d’agence et de distribution, et ce en droit français comme en droit québécois. Je pense aussi aux règles d’immigration.

De façon plus générale, être formé aux deux systèmes juridiques est un atout. En tant que juriste français, j’ai des connaissances en droit français que je n’ai pas besoin d’acheter sur place. C’est un point que mes clients apprécient. Pour moi cette connaissance est primordiale pour faire du bon travail et c’est pour cela que je me limite aux implantations entre l’Union européenne et le Canada.

Qu’attendez-vous de la mise en œuvre de l’Entente France-Québec ?

Cet accord va me permettre d’obtenir le titre d’avocat en France et de pouvoir exercer pleinement et sans restriction la profession là-bas. A mon avis, cet accord ne va être utile qu’aux gens, qui comme moi, font déjà des affaires entre les deux territoires, car ils y ont un intérêt direct évident.

Beaucoup d’avocats français ou québécois craignent l’application de cette entente car ils pensent réciproquement qu’elle va générer dans leur barreau une concurrence accrue de la part d’avocats étrangers « arrivés de nulle part ». Croyez-vous ces craintes justifiées ?

Non, je pense sérieusement que pour réussir en tant qu’avocat dans un pays qui n’est pas le sien, il faut en connaître la culture. Je n’imagine pas que quelqu’un s’improvise avocat au Québec s’il n’y est jamais allé, même avec le titre, et réciproquement. Le marché du droit est un marché complexe, ce qui fait qu’il n’y aura pas d’immigration massive.

Pour finir, je crois qu’il faut aussi voir cette entente comme une chance de la profession de s’ouvrir sur l’étranger et de créer de nouvelles opportunités pour des jeunes avocats qui seraient tentés par l’international.
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