Conseillers Juridiques

Ces avocats qui coûtent une fortune

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Rene Lewandowski

2011-10-28 15:00:00

Trop chers, les avocats? Plus de 3000 avocats et conseillers juridiques étaient à Denver cette semaine pour en discuter à l'occasion d'un congrès. Dont le boss des Affaires juridiques de la Banque Royale...

Il faut avoir vécu une situation de l'intérieur pour être capable de la critiquer ensuite, une fois qu'on en est sorti. L'avocat David Allgood peut en témoigner, lui qui a pratiqué 25 ans comme fiscaliste dans un grand cabinet d'avocats national, avant de faire le saut comme conseiller juridique dans une grande entreprise. Il a connu les deux côtés de la clôture de l'avocat: celui qui facture et celui qui paie les factures!

Alors il sait, lui, à quel point les services juridiques peuvent coûter cher si on ne les surveille pas avec attention.

Le plus grand défi de David Allgood, est de gérer le budget alloué aux avocats externes
Le plus grand défi de David Allgood, est de gérer le budget alloué aux avocats externes
«Gérer le budget alloué à nos avocats externes est mon plus grand défi», dit le grand patron des affaires juridiques de la Banque Royale du Canada, alors qu'il s'entretient avec La Presse en marge du congrès 2011 de l'Association of Corporate Counsel (ACC), tenu en début de semaine à Denver, au Colorado. Plus de 3000 avocats d'une quinzaine de pays - dont plusieurs Québécois - étaient présents pour cette grand-messe annuelle de ces avocats qui ont choisi de pratiquer en entreprise plutôt qu'en cabinet privé.

Allgood, 62 ans, dirige les affaires juridiques de la plus grande banque canadienne depuis 2000. À l'interne, son département juridique compte 165 avocats, l'équivalent d'un cabinet canadien de taille moyenne ou d'un très gros cabinet québécois. Une centaine travaille au Canada, dont près de 10 au Québec, principalement en droit civil. Les autres sont répartis dans 11 pays et veillent aux affaires juridiques de la banque à l'étranger, présente dans 55 pays. Ça en fait, des avocats à gérer!

Des avocats inefficaces

Et pourtant, ce ne sont pas ces avocats-là qui lui causent le plus de soucis, mais ceux des cabinets privés, fournisseurs de l'institution financière. Car ils coûtent la peau des fesses et ils risquent de demander encore plus dans les années qui viennent. Le 2011 Chief Legal Officer Survey, un sondage dévoilé cette semaine à Denver par l'ACC, révèle que les avocats externes ont augmenté leurs taux horaires en 2010 et ce, malgré le climat économique incertain. Pis, près d'un chef des affaires juridiques sur deux (43%) s'attend à ce que les taux augmentent encore en 2011!

La qualité des services s'est-elle améliorée pour autant? Pas nécessairement.

Norm Steinberg est prêt à trouver des solutions pour mieux servir ses clients
Norm Steinberg est prêt à trouver des solutions pour mieux servir ses clients
«Il y a encore trop de cabinets d'avocats inefficaces», dit David Allgood, qui a pourtant mis en place plusieurs nouvelles façons de faire pour réduire les coûts. La banque a notamment réduit le nombre de cabinets - à 150 - avec qui elle traite. De ses cabinets, elle demande désormais une estimation des coûts pour chaque mandat. Elle requiert aussi des méthodes de tarification alternatives - c'est-à-dire des façons de facturer autres qu'au taux horaire, qui a cette mauvaise habitude de prendre de l'altitude avec le nombre d'années d'expérience des avocats. Malgré cela, Me Allgood a encore l'impression de payer trop cher.

«De 10 à 15% de trop», dit-il. Ça paraît peu, mais comme la Royale dépense chaque année plus de 70 millions de dollars en frais juridiques, 15%, ça fait un gros pactole.

Un sujet chaud

David Allgood n'est pas le seul à penser cela. Selon le 2011 Chief Legal Officer Survey, plus du tiers (37%) des chefs des affaires juridiques interrogés ont déclaré vouloir embaucher cette année. C'est plus qu'en 2008 et 2009. Aussi, les départements juridiques des entreprises sont de plus en plus nombreux à recruter du personnel autre que des avocats, notamment des parajuristes et autres employés de soutien. Tout cela parce qu'ils estiment être mieux servis à l'interne que par les fournisseurs de services juridiques traditionnels.

Chez les cabinets d'avocats, les réactions sont partagées, mais la plupart prennent de plus en plus conscience qu'ils doivent changer leurs façons de livrer les services et de les facturer. Le mot à la mode ces temps-ci est la gestion de projet, qui permettrait, paraît-il, de mieux prévoir les étapes et les coûts associés à un mandat.

Brock Gibson estime que le taux horaire est la meilleure façon de facturer un service pointu
Brock Gibson estime que le taux horaire est la meilleure façon de facturer un service pointu
«Nous sommes toujours prêts pour trouver des façons de mieux servir nos clients», dit Norm Steinberg, président de Norton Rose OR, présent à Denver pour le congrès. Ce cabinet est membre du Value Challenge, initiative lancée par l'ACC il y a quatre ans pour mettre au défi les cabinets de livrer de meilleurs services à meilleur coût.

Brock Gibson, président du conseil de Blakes, adhère aussi à cette idée, mais estime que son cabinet offre déjà des services à très haute valeur ajoutée à ses clients.

«C'est notre engagement, c'est pour cela qu'ils viennent nous voir», dit l'avocat-patron. Il mentionne que la tarification alternative ne se prête pas à tous les types de services juridiques. Qu'elle cadre mieux avec des services de base à gros volume, moins pour des services spécialisés, dont l'issue et la durée sont souvent imprévisibles.

«Quand un client a besoin de services hyper pointus pour une transaction majeure, le taux horaire est encore la meilleure façon de facturer», dit Brock Gibson.
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4 commentaires

  1. STUPIFY
    STUPIFY
    il y a 12 ans
    Me
    J'ai entendu ça des dizaines de fois. Pourtant, la question reste toujours la même: pourquoi les banques et autres grosses entreprises pensent-elles encore qu'elles auront un meilleur service dans les plus gros cabinets, alors que dans la réalité, nous savons tous que ce n'est même pas vrai? Comme me disait un jour un avocat bien connu que je ne nommerai pas: si ça coûte si cher, c'est parce qu'il y a des acheteurs qui sont prêts à payer si cher. Tant qu'ils aura des "fidèles", il y aura une "religion". Que les entreprises qui disent payer trop cher aillent voir les plus petits cabinets, voire même les avocats solo. Peut-être seront-elles surprises de voir la qualité à bon prix de leurs services.
    En réalité donc, je n'ai aucune pitié pour les entreprises qui vont voir leurs "chums" des grosses boites et qui se plaignent ensuite que ça coûte cher.

    • DSG
      Re : Me
      > J'ai entendu ça des dizaines de fois. Pourtant, la question reste toujours la même: pourquoi les banques et autres grosses entreprises pensent-elles encore qu'elles auront un meilleur service dans les plus gros cabinets, alors que dans la réalité, nous savons tous que ce n'est même pas vrai? Comme me disait un jour un avocat bien connu que je ne nommerai pas: si ça coûte si cher, c'est parce qu'il y a des acheteurs qui sont prêts à payer si cher. Tant qu'ils aura des "fidèles", il y aura une "religion". Que les entreprises qui disent payer trop cher aillent voir les plus petits cabinets, voire même les avocats solo. Peut-être seront-elles surprises de voir la qualité à bon prix de leurs services.
      > En réalité donc, je n'ai aucune pitié pour les entreprises qui vont voir leurs "chums" des grosses boites et qui se plaignent ensuite que ça coûte cher.

      That's a very good point. Many a time I sat at a closing by myself with five lawyers from a big firm sitting across from me.

      Here’s another idea: hire qualified in-house counsel instead of mere simpletons that left big firms just to have more time to spend with their kids.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 12 ans
      Re : Me
      > J'ai entendu ça des dizaines de fois. Pourtant, la question reste toujours la même: pourquoi les banques et autres grosses entreprises pensent-elles encore qu'elles auront un meilleur service dans les plus gros cabinets, alors que dans la réalité, nous savons tous que ce n'est même pas vrai? Comme me disait un jour un avocat bien connu que je ne nommerai pas: si ça coûte si cher, c'est parce qu'il y a des acheteurs qui sont prêts à payer si cher. Tant qu'ils aura des "fidèles", il y aura une "religion". Que les entreprises qui disent payer trop cher aillent voir les plus petits cabinets, voire même les avocats solo. Peut-être seront-elles surprises de voir la qualité à bon prix de leurs services.
      > En réalité donc, je n'ai aucune pitié pour les entreprises qui vont voir leurs "chums" des grosses boites et qui se plaignent ensuite que ça coûte cher.

      Vous avez raison, partiellement. Les petits cabinets peuvent offrir des services d'excellente qualité, qui rivalisent avec les services des grands cabinets, et très généralement à meilleur prix. Ce que ne peuvent offrir les plus petits cabinets à une institution comme la RBC, c'est une équipe, avec des membres dans plusieurs des métropoles canadiennes. Cette structure, souvent nécéssaire aux dossiers des grandes institutions, est très dispendieuse et augmente substantiellement l'overhead des grands cabinets. Ajouter à cela le "prestige" que s'imposent les banques à faire affaire avec les grands cabinets et leur volonté d'exclure ceux-ci à titre de procureurs de leurs clients dans de potentiels litiges, le fait que bien des avocats de grands cabinets ne feraient pas ce travail et ni les sacrifices qu'imposent les clients d'un grand cabinet sans la rémunération qui vient avec et vous avez la recette pour des "avocats qui coûtent une fortune".

      Il n'y a pas qu'une face à cette médaille M. Lewandowski.

  2. Avocat
    Avocat
    il y a 12 ans
    Avocat
    "> En réalité donc, je n'ai aucune pitié pour les entreprises qui vont voir leurs "chums" des grosses boites et qui se plaignent ensuite que ça coûte cher."

    C'est ce qui rend l'existence même de l'ACC une hypocrisie... Ces gens-là multiplient les cocktails pour permettre aux cabinets de venir participer à grands frais d'installation et d'organisation pour ensuite que ces mêmes cabinets puissent facturer le tout aux membres de l'ACC. Jamais on n'a vu ces derniers mettre fermement le pied dans la porte...

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