La Presse

Le long chemin d'Olivier Kott

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Rene Lewandowski

2007-11-30 09:41:00

Patience! Patience! Olivier Kott a travaillé 18 ans sur un dossier de litige opposant son client Domtar à ABB-Alstom. Le jugement ultime de la Cour suprême vient de tomber la semaine dernière.

Dans la vie, l'avocat Olivier Kott déteste attendre. Au supermarché, il a toujours l'impression de choisir la mauvaise file et fulmine lorsqu'un client en arrière de lui se précipite à l'ouverture d'une nouvelle caisse pour payer. En auto, les feux rouges le font rager. Depuis 30 ans, Il part tôt au boulot pour éviter les embouteillages des ponts...

"Je n'aime pas perdre mon temps", dit-il, alors qu'il reçoit La Presse dans une salle de conférence d'Ogilvy Renault, au centre-ville de Montréal.


Mais au travail, cet associé de 53 ans est capable de patienter très longtemps pour gagner une cause. Même durant 18 ans s'il le faut, comme en témoigne ce jugement rendu la semaine dernière par la Cour suprême du Canada, et qui a donné raison à Domtar, son client, dans un litige l'opposant à ABB-Alstom... depuis 1989.

Il faut dire que l'attente en valait la peine puisque le plus haut tribunal au pays a maintenu une décision de la Cour d'appel de condamner ABB-Alstom à verser à Domtar près de 39 millions de dollars, en capital, intérêts et indemnités.

"On devrait recevoir le paiement dans les prochains jours!" dit Olivier Kott, visiblement ravi du dénouement.

Une histoire de chaudière
L'histoire remonte à 1987 - Domtar avait acheté au coût de 13 millions pour son usine de Windsor une immense chaudière haute comme un immeuble de 17 étages!- de Combustion Engineering, entreprise depuis acquise par ABB, puis par Alstom.

Tout allait bien, jusqu'à ce que, 16 mois après l'installation de la chaudière, les ingénieurs de Domtar décèlent des fissures dans les tubes des panneaux de sur-chauffage, causant des fuites de vapeur, augmentant ainsi les risques d'explosion.

Il a donc fallu arrêter la production afin de permettre au fabricant d'effectuer les réparations. Mais horreur! Parce que Combustion Engineering estimait que la cause des dégâts était due à une mauvaise utilisation, l'entreprise a refilé la facture des réparations -445 000$- à Domtar.

C'est là qu'Olivier Kott entre en jeu. En avril 1989, il reçoit un appel d'un ingénieur de Domtar. Non seulement la société papetière n'a pas l'intention de payer la facture des réparations, mais elle soupçonne de plus qu'il y aurait un vice caché dans les tubes en question. Domtar décide alors de remplacer trois sections de tubes par des panneaux d'un autre fournisseur... et de faire payer Combustion Engineering.

En juin 1989, Olivier Kott envoie donc une mise en demeure au fabricant, le sommant d'assumer les coûts des réparations, tout en se réservant d'autres recours pour dommages à venir.

De longues procédures
À l'époque, l'avocat ne pensait jamais que le litige irait aussi loin et prendrait tant de temps. Il croyait plutôt que Combustion Engineering serait raisonnable et que l'on trouverait un règlement à l'amiable en quelques mois. "Mais leurs dirigeants ne voulaient rien entendre", se rappelle-t-il.

Ainsi s'amorcent de longues procédures qui aboutissent en juillet 2002 -13 ans plus tard!- par un premier jugement de la Cour supérieure qui condamne ABB-Alstom à verser plus de 13 millions (le montant de 39 millions d'aujourd'hui inclut les intérêts et indemnités) à Domtar.

Pourquoi si long? Dès le début, Olivier Kott et son équipe avaient décidé de faire la preuve qu'il y avait un problème dans la conception du produit. La stratégie était de démontrer que des installations chez d'autres clients du fabricant étaient également problématiques.

Il fallait donc effectuer des recherches sur le terrain et surtout procéder à des interrogatoires préliminaires des représentants de Combustion Engineering pour découvrir la vérité.

Mais voilà, parce que les avocats du fabricant jugeaient que ce qui se passait ailleurs n'avaient rien à voir avec la cause, ils s'objectaient à toutes les questions. En tout, il y a eu plus de 40 objections... que le juge a toutes rejetées.

Ce n'était pas terminé pour autant, car il fallait maintenant réinterroger les témoins, dont certains avaient quitté l'entreprise ou avaient été réaffectés à l'étranger, quelques-uns jusqu'aux Philippines!

Une série de subpoenas ont donc été envoyés pour reparler à tout ce monde.

"On a joué au chat et à la souris pendant des années, explique Olivier Kott. Nos adversaires faisaient tout pour éviter que nous établissions notre preuve."

Au bout du compte, on a pu démontrer que plusieurs clients du fabricant avaient été victimes des mêmes problèmes et qu'il y avait effectivement un vice caché dans le produit.

Comme quoi, la patience est une vertu, même pour ceux qui détestent attendre!


UN JUGEMENT IMPORTANT
Le jugement rendu jeudi dernier par la Cour suprême est important. Il affirme entre autres que les fabricants et autres vendeurs professionnels sont présumés connaître les vices des produits qu'ils vendent et ont l'obligation de dévoiler ces vices à l'acheteur. Cela comprend aussi bien les vices qu'ils connaissent que ceux qu'ils sont présumés connaître.

Mais il dit aussi qu'un vendeur ne peut invoquer à de rares exceptions une clause d'exclusion ou une limitation de ses responsabilités (par exemple une
garantie) inscrite dans le contrat pour se soustraire de ses responsabilités à
l'égard d'un vice caché d'un produit vendu au Québec.

Ainsi, même si un produit a une garantie d'un an, le vendeur demeure responsable au-delà de cette période (en tenant compte de la durée de vie normale du produit) si l'acheteur prouve qu'il y a un vice caché. "Et le vendeur ne peut invoquer la clause limitative (la garantie dans ce cas-ci) pour se défaire de ses responsabilités ", explique Me Olivier Kott.

Mieux, pour établir qu'il y a vice caché, l'acheteur n'a qu'à démontrer qu'il y a un "déficit d'usage important " du produit. Par exemple, si la thermopompe que votre entreprise vient d'acquérir est incapable de climatiser votre bureau en dessous de 20 degrés, il s'agit d'un déficit d'usage important. En revanche, si vous vous attendez à climatiser votre bureau en dessous de 5 degrés, il sera difficile de prouver le vice caché car il ne s'agit pas d'un usage normal.

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