Cinéma

Séance ciné : la loi dans la tourmente

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Céline Gobert

2013-02-03 17:14:00

Qu’elles soient judiciaires, sociales, morales : cette semaine, les lois sont malmenées sur les écrans. Deux films, et deux couples, sur la sellette…

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Novembre 2001. Les policiers débarquent chez Alain Marécaux, huissier de justice sans histoire, l’accusent de viols sur mineurs avec complicité de son épouse, l’embarquent en garde à vue, lui enlèvent ses trois gamins. C’est le début du cauchemar. L’Affaire d’Outreau : gigantesque erreur judiciaire française, orchestrée par un juge d’instruction trop sûr de lui et des médias sensationnalistes. L’homme va tout perdre : sa femme, son étude, ses gosses, sa réputation, des années de sa vie.

Pour parler d’un sujet encore brûlant et tabou, Vincent Garenq (Comme les autres), opte pour le réalisme brut, et l’exactitude des faits. Pour cela, il s’appuie sur le récit détaillé d’Alain Marécaux, et adapte son livre "Chronique de mon erreur judiciaire- Une victime de l’affaire d’Outreau ". Plutôt que d’analyser l’affaire dans sa globalité, il choisit le point de vue.

La mise en scène est sobre (pas de musique, pas d’effets visuels grossiers), mais soignée : nerveuse et brutale au début de l’affaire, plus apaisée à mesure que défilent les années, elle épouse viscéralement les émotions de la victime. Stupéfaction, colère, incompréhension, désespoir, résignation, soulagement.

Tout du long, le réalisateur refuse de s’apitoyer sur son personnage. Il s’appuie sur un réel, surpuissant, surréaliste, qui se suffit à lui-même. Et sur un acteur. Philippe Torreton, incroyable, habité par l’homme qu’il incarne. Jusqu’à perdre 27 kilos durant le tournage. Jusqu’à la dépression. Un immense comédien qui retrace avec justesse le calvaire et l’opprobre, et qui dénonce, jusque dans sa chair, un système judiciaire français défaillant.



J comme Jolie

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Malgré un engagement revendiqué pour les causes humanitaires et féministes (ses nombreuses adoptions d’enfants défavorisés ou son combat en tant qu’ambassadrice de l’ONU en témoignent), Angelina Jolie se traîne encore l’image d’une sulfureuse femme fatale, une Madame Tomb Pitt Raider trop glamour pour se permettre d’être sérieuse. Pour le coup, sa première œuvre en tant que réalisatrice (et scénariste, et productrice) risque d’en faire taire pas mal, puisqu’il aborde de plein fouet le conflit en Bosnie-Herzégovine.

Pour évoquer cette guerre sanglante et meurtrière, elle choisit deux points de vue : celui d’un couple, un soldat serbe et une bosniaque musulmane (superbes Goran Kostic et Zana Marjanovic), et celui des femmes bosniaques, violentées, violées, bafouées dans leur chair. L’ouverture, saisissante, résume à elle seule ses intentions : le couple, amoureux, presque insouciant, s’étreint langoureusement sur une piste de danse. Lorsqu’une bombe explose, elle vient faire voler en éclats à la fois les murs, leur amour, le pays tout entier.

En temps de guerre, plus de lois. La barbarie humaine se dévoile, les atrocités restent impunies, et, les instincts dominateurs masculins refont surface. C’est ce que choisit d’exposer Jolie au grand jour : les tortures, tant physiques que psychologiques, faites aux femmes, les viols répétés dont elles sont les victimes, les ravages d’une guerre, trop complexe pour que les rouages soient ici étudiés. D’ailleurs, quoiqu’en disent les critiques dont elle est l’objet, Angelina Jolie n’a nullement l’intention de prendre parti ou de disserter sur les causes et contextes du conflit. Ce qu’elle montre, c’est la souffrance féminine. Point barre.

Évidemment, et ce même si la cinéaste a du mal à rendre fluide ses basculements entre art de la mise en scène (parfois poseuse) et horreur du réel, le film est véritablement bouleversant. Jusqu’au crescendo final, clôture malsaine aux allures de tragédie grecque, elle assène de grandes claques au spectateur. Impossible d’en sortir indemnes.
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