Dites-moi le fond de votre pensée, je ne vous citerai pas…

Main image

Mathieu Rompré

2012-04-05 14:15:00

Face au Off, doit-on se taire ou peut-on tout dire? Est-il synonyme de devoirs pour le journaliste ? Quelles conséquences pour l'interviewé? Mathieu Rompré nous dit tout, ''on the record''...

C’est une méthode abondamment utilisée en politique par les spin doctors qui cherchent à couler de l’information au sujet d’un adversaire (parfois au sein du même parti). C’est aussi un outil journalistique redoutable, manié avec soin par les journalistes politiques ou d’affaires judiciaires.

N’en déplaise à l’éditeur de ce blogue qui a abondamment recours à cette technique, le fameux « off the record » est à mon avis un jeu dangereux dans lequel vous avez beaucoup à perdre et peu à gagner…

Loin de moi l’idée de miner l’importance de la méthode qui a révélé au grand jour des informations cruciales (on n’a qu’à penser au Watergate ou au scandale des commandites). Je crois toutefois que l’expert(e) juridique que vous êtes a beaucoup plus à perdre, qu’à gagner en ayant recours à ce procédé.

Si les séries télé et films hollywoodiens ont grandement popularisé et démocratisé la technique, la réalité, elle, a régulièrement rattrapé les interviewés qui se croyaient protégés par le sceau de la confidentialité.

Mathieu Rompré pense qu'il y a plus à perdre qu'à gagner à répondre en off
Mathieu Rompré pense qu'il y a plus à perdre qu'à gagner à répondre en off
Voici donc les principales raisons qui, selon moi, devraient vous convaincre d’éviter d’avoir recours au « off the record ».

1. Qu’est-ce qui est « off », exactement?

Il y a autant de définitions de l’expression « off the record » qu’il y a de journalistes. Pour certains, toute information donnée après avoir précisé que c’est en « off » ne devrait pas être publiée, mais plutôt servir de piste d’exploration au journaliste qui devra trouver des gens prêts à parler « on the record ». Pour d’autres (la majorité des journalistes), préciser qu’on donne du commentaire « off » engage seulement le ou la journaliste à ne pas dévoiler le nom de sa source.

2. Montrez-moi la loi ou la règle éthique qui traite du « off the record »

Certains assument (à tort) qu’il existe un règlement ou une loi obligeant les journalistes à respecter le « off the record ». Il n’en est rien. Seule la Fédération professionnelle des journalistes du Québec y fait référence à l’article 5b) de son Guide de déontologie dans les termes suivants : « Les journalistes ne sont pas tenus de respecter les règles de conversation (« off the record », « background », publication sans attribution) auxquelles ils n'ont pas donné un accord explicite. Ces règles doivent être établies avant la conversation et non après ». Aucun pouvoir contraignant. Aucune garantie de confidentialité. À mon avis, vous devenez en quelque sorte tributaire du sens éthique personnel du journaliste. Est-ce que vous le ou la connaissez suffisamment pour vous permettre de parler en toute confiance?

3. Même si votre nom n’y est pas, êtes-vous vraiment certain qu’on ne puisse pas vous reconnaître?

Le fait que vous soyez cité en tant que « source près du dossier » n’est pas forcément synonyme d’anonymat. La communauté juridique au Québec étant somme toute tissée assez serrée, il y a fort à parier que plusieurs de vos collègues auront tôt fait de vous reconnaître même si votre nom ne s’y trouve
pas.

Les journalistes de la génération montante ont de moins en moins recours à ce vocable lorsqu’ils cherchent à obtenir des confidences. Plusieurs disent qu’ils ne cherchent seulement qu’à obtenir une entrevue « de background », qui n’est pas pour attribution.

Je suis d’avis que le « off the record » et « l’entrevue de background » sont en fait du pareil au même et que, dans l’hypothèse où on ne cherche qu’à comprendre un phénomène, une transaction, un jugement ou une décision d’affaires, vous devriez être à l’aise de lire vos commentaires ou vos explications dans le journal le lendemain. Si ce n’est pas le cas, mieux vaut passer votre tour.
7354

Publier un nouveau commentaire

Annuler
Remarque

Votre commentaire doit être approuvé par un modérateur avant d’être affiché.

NETiquette sur les commentaires

Les commentaires sont les bienvenus sur le site. Ils sont validés par la Rédaction avant d’être publiés et exclus s’ils présentent un caractère injurieux, raciste ou diffamatoire. Si malgré cette politique de modération, un commentaire publié sur le site vous dérange, prenez immédiatement contact par courriel (info@droit-inc.com) avec la Rédaction. Si votre demande apparait légitime, le commentaire sera retiré sur le champ. Vous pouvez également utiliser l’espace dédié aux commentaires pour publier, dans les mêmes conditions de validation, un droit de réponse.

Bien à vous,

La Rédaction de Droit-inc.com

PLUS

Articles similaires