Nouvelles

L’entremetteuse juridique

Main image

Céline Gobert

2012-04-24 15:00:00

Diplômée en droit aérien, rien ne prédestinait Caroline Haney à devenir recruteuse juridique. Aujourd’hui, alors qu’elle fête ses 15 ans de carrière, elle se confie à Droit-Inc…

« C’est le mari d’une collègue qui me savait retourner aux études qui m’a dit qu’un cabinet était à la recherche d’une recherchiste en recrutement sur une base temporaire », commence Caroline Haney, chasseuse de tête à Montréal. Aujourd’hui, à la tête de sa société Haney Recrutement Juridique, elle célèbre ses 15 années de carrière.

Tout a pourtant commencé par hasard. Début 1997, période pré internet, elle intègre le cabinet de recherche de cadres Bourbonnais, aujourd’hui membre du réseau Korn Ferry International.

« À l’époque je ne savais pas ce qu’était un chasseur de têtes, je me suis dit : pourquoi pas ? Ça va faire du bien et c’est intéressant. C’est le genre de boulot où l’on est payé pour frapper aux portes, pour offrir des emplois ; c’était à la fois positif et constructif. »

Caroline Haney célèbre aujourd'hui ses 15 années de carrière.
Caroline Haney célèbre aujourd'hui ses 15 années de carrière.
Trois jours plus tard, elle le sait: recruteuse. « Au bout de trois jours, j’ai dit au patron de l’époque : "écoutez je pense que j’ai trouvé ma vocation !" » Elle recrute alors des vice-présidents, des cadres supérieurs, parfois dans le secteur juridique. Quatre belles années, dit-elle, où elle apprend le métier auprès de huit associés. « Des vieux routiers du recrutement. »

Faut dire, dès le départ, elle possède les qualités essentielles à sa profession: curiosité, flexibilité, esprit ouvert. « Il faut se montrer curieux, poser beaucoup de questions, saisir le profil, avoir des critères, et garder l’esprit ouvert pour des candidatures un peu différentes. On parle à 200 personnes pour n’en retenir que 4 ou 5 », confie-t-elle. Car son travail exige des réévaluations de profils régulières en cours de processus ; ce dernier s’adaptant au marché.

Après Bourbonnais, elle se lance un nouveau défi : ce sera ZSA et le grand boom du recrutement juridique dont elle est à l’origine, toujours par hasard. « J’ai ouvert le bureau montréalais de ZSA qui n’existait pas à ce moment-là. Le milieu du recrutement juridique a alors explosé, c’est devenu une pratique consacrée. »

Elle en a été la première directrice. C’est alors que, « comme une traînée de poudre », courriels et sites juridiques spécialisés se répandent et facilitent l’expansion de son activité.

À trente ans à peine, Me Haney déroule alors un marché juteux et inédit. « Je me suis dit que ça marche ou pas, au moins si j’essaie, je n’aurai pas de regrets. » Et cela a plutôt bien marché. Au point qu’en 2004, un cabinet de recherche de cadres, Venatus Conseil, lui fait de l’œil. Elle accepte. « Une question d’opportunité, et je connaissais très bien la personne à la tête de la boîte, jugeant les finances et le juridique comme complémentaires. »

Le recrutement juridique s’étend alors au monde des affaires. « Ce n’est pas toutes les entreprises qui possèdent un avocat à l’interne », dit-elle.

Pour elle, c’est un retour aux bases, un changement au niveau de sa façon de fonctionner : peu de dossiers à la fois mais plus de profondeur. Deux ans plus tard, elle ouvre le premier cabinet boutique complètement spécialisé en recrutement juridique, la trame de sa carrière. « C’était maintenant ou jamais », a-t-elle pressenti.

15 ans

« Je me réveille aujourd’hui et ça fait 15 ans. Je n’ai pas vu le temps passer, je me sens à ma place, mais il y a encore plein de candidats intéressants que je n’ai pas rencontrés, plein de clients que je n’ai pas encore servis. »

« C’est tellement drôle... j’ai débuté, j’avais un papier, un crayon, un annuaire judiciaire, zéro client, zéro candidat, et j’ai commencé à appeler un à un les gens que je connaissais pour leur offrir mes services », se souvient-elle.



On lui répond alors : on n’a pas besoin de toi, on s’en sort bien tous seuls. « C’est typique des avocats ! Ils peuvent tout faire : le marketing, le recrutement, ils font tout, alors j’ai dû faire la démonstration qu’il y avait une valeur ajoutée dans le fait de passer par un recruteur : l’expertise, la connaissance du marché, on peut aller plus en profondeur. »

Quinze ans plus tard, elle a parlé à un avocat sur deux à Montréal. Si elle ne vous a pas rencontré, sachez qu’elle a quand même entendu parler de vous. Depuis, elle a recruté des chefs de contentieux, des vice-présidents, des directeurs, des conseillers juridiques, des associés, des sociétaires; rédigé des articles, développé des partenariats, donné des centaines de conférences en matière d’emploi, de développement professionnel et de gestion de carrière.

Mais elle a aussi collaboré avec pratiquement tous les cabinets nationaux et régionaux, ainsi qu’avec des cabinets internationaux à l’étranger, et vient tout juste d’achever l’élaboration d’un code d’éthique pour les chasseurs de tête, au sein de l’Ordre des ressources humaines.

« À chaque dossier, il y a l’effet de nouveauté. Quand le téléphone sonne je ne sais pas qui c’est, c’est tout un mystère ! Si je suis encore excitée après 15 ans, c’est qu’il y a quelque chose. »

Quelque chose comme le sentiment d’être constructif surtout, qui la garde très heureuse dans sa job. « Je vais te trouver un emploi », dit-elle au candidat. « Je vais te combler un poste », dit-elle au client.

« Ma valeur ajoutée c’est de demander : avez-vous pensé à telle chose, qui pourrait peut-être se faire ailleurs ? Mais aussi de questionner le poste en question, s’intéresser au développement du service juridique, y aller avec mes questions. »

Entremetteuse

« L’important c’est de trouver les trois meilleurs candidats qui vont le plus correspondre au poste. Le seul élément que l’on ne contrôle pas, c’est la chimie ; c’est comme un rendez-vous galant, une histoire d’amour, faut qu’il y ait un "fit". »

" Comme un bon vin ", dit-elle, elle a pris de la valeur, acquis une expérience inouïe qui lui permet aussi de poser un regard privilégié sur la communauté juridique.

« Je pense qu’il y a beaucoup de pression sur les cabinets en termes de performance, de rentabilité, et d’heures facturables. En contentieux, il faut faire de plus en plus à l’interne, être en mesure de déléguer aux cabinets externes, tout en ayant un bon deal au niveau de la livraison des services juridiques. »

Selon elle, on est actuellement en train de repenser le modèle d’affaires juridiques. Une « période charnière » qui va se réinventer, avec ce passage du pouvoir entre les baby boomers et les plus jeunes notamment.

« Le marché de l’emploi est difficile pour les jeunes avocats, c’est très dur de trouver un stage, de travailler après. Souvent on se retrouve avec des situations pas tout à fait parfaites, avec des contrats par-ci par-là, des parcours atypiques, des trous dans le CV. »

Son travail à elle, c’est de trouver des solutions, d’offrir ses conseils, chose qu’elle adore. « À qui peut-on parler quand on est sur le marché de l’emploi ? Le Barreau ? »

Ainsi se montre-t-elle sans a priori, ni préjugés, chaque candidat étant une « page blanche », qui évolue et à qui il faut donner une chance. « Si je fais une erreur, vous savez, il faut vivre avec. »

Quinze ans plus tard, elle n’imagine, même pas une seconde, faire autre chose que ce travail qu’elle juge tout aussi méticuleux qu’humain, et qui la passionne plus que tout au monde.

« J’espère que j’ai une bonne réputation, celle de donner des bons conseils, de faire du bon travail, d’avoir une bonne disponibilité. Je pense que cela paraît quand on aime ce qu’on fait. Un chercheur d’emploi je lui souhaite ce que j’ai trouvé. Vous savez si on n’est pas heureux au travail, on est heureux nulle part. »

8610

Publier un nouveau commentaire

Annuler
Remarque

Votre commentaire doit être approuvé par un modérateur avant d’être affiché.

NETiquette sur les commentaires

Les commentaires sont les bienvenus sur le site. Ils sont validés par la Rédaction avant d’être publiés et exclus s’ils présentent un caractère injurieux, raciste ou diffamatoire. Si malgré cette politique de modération, un commentaire publié sur le site vous dérange, prenez immédiatement contact par courriel (info@droit-inc.com) avec la Rédaction. Si votre demande apparait légitime, le commentaire sera retiré sur le champ. Vous pouvez également utiliser l’espace dédié aux commentaires pour publier, dans les mêmes conditions de validation, un droit de réponse.

Bien à vous,

La Rédaction de Droit-inc.com

PLUS

Articles similaires