Cinéma

Séance ciné : choisir son camp

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Céline Gobert

2012-06-01 17:00:00

Comment réagissez-vous aux secousses sociales actuelles ? Envie de décortiquer les arcanes du pouvoir ? Ou plutôt d’aller vous terrer, en paix, quelque part dans la nature? Au vidéo club, vous avez le choix…

P comme Pouvoir

Pour les avocat(e)s qui aiment décrypter le dessous des choses

Olivier Gourmet est Bertrand Saint-Jean, ministre des transports.

Entre discours médiatiques tous tracés, hypocrisie politique et jeux de pouvoirs, Pierre Schoeller (réalisateur de Versailles) le suit à la trace, dans l’envers du décor, piégé dans des mécanismes complexes, dépouillé, nu, un homme, seul, puissant et impuissant, enchaîné.

Alors que l’on suit, captivés, fascinés, cet Exercice de l’état, constamment à l’aise pour asséner ses vérités avec intelligence, on se rend compte à quel point La Conquête de Durringer était raté, tout riquiqui devant ce mastodonte-là, monstre de cinéma et bête politique furieuse.

Mise en scène tendue, dialogues acérés, intrigue qui ne relâche jamais la pression et sur ses protagonistes et sur les spectateurs: Schoeller a tout bon.

Il réinvente le film politique, lui redonne toutes ses lettres de noblesse, et d’un sujet a priori rébarbatif, il tire une fresque étudiée, subtile, éreintante.

Son film est tout simplement passionnant, dans sa volonté acharnée de décortiquer les arcanes du pouvoir et de l’élite dirigeante.

Forme et fond s’allient alors à la perfection pour démont(r)er enjeux et conséquences des rapports de force entre Etat et peuple, syndicats et ministres; fouiller, fouiner, taper là où cela fait mal.

Jusqu’où est-on prêts à sacrifier sa morale personnelle pour satisfaire ses ambitions de gloire ? Dans quelle mesure chacun demeure le pion de quelqu’un d’autre dans la farandole implacable des calculs politiques ?

Tout transpire la justesse dans cet Exercice de l’état : du jeu des acteurs (Blanc, Breitman et Gourmet, formidables) à la mise en scène inspirée (l’alternance pertinente entre instants de flottements et accélérations de rythme), Schoeller maîtrise de A à Z son propos, et scrute ses personnages avec un œil neuf, subtilement provocant aussi, lorsqu’il rapproche désir de pouvoir et érection nocturne, par exemple.

Entre réalisme brut et tragédie pathétique, sa plongée dans les coulisses gouvernementales est ambitieuse et réussie. Voilà (enfin !) un vrai film français ET politique, … sur la politique française.

P comme Pagnol

Pour les avocat(e)s qui ne rêvent que d’un retour aux sources

Plus de 20 ans séparent l’Auteuil Ugolin de l’Auteuil puisatier.

Mais, l’acteur- qui fait aujourd’hui ses premiers pas de cinéaste- ne semble pas avoir oublié ses premières amours: la Provence, le Sud, les cigales et l’accent qui chantent, et surtout, le texte et les mots de Pagnol.

Pour cette nouvelle proposition de La Fille du Puisatier, il remplace le duo de l’époque (Raimu/Fernandel) par leurs héritiers modernes (sensibles, crédibles) : lui-même, et Kad Merad. Pour adapter l’œuvre et le texte, il ne pouvait, de toute façon, que compter que sur des interprètes solides.

Ainsi, l’innocence d’Astrid Berges-Frisbey (Un barrage contre le pacifique), la fraîcheur d’Emilie Cazeneuve, la justesse de Darroussin, le talent d’Azéma se mettent-ils merveilleusement bien au service de l’histoire.

Derrière un récit aux ressorts dramatiques en apparence désuets (une jeune fille pauvre s’amourache d’un beau jeune riche, tombe enceinte et se voit rejetée par la famille), se cachent bien plus de choses qu’on ne le pense.

Notamment, les fondements de la société française, et des idéaux de début de siècle dernier encore bien ancrés dans certains modes de pensée, soit le respect des traditions familiales (et la difficulté de s’en extraire), l’émancipation des femmes, l’influence de l’éducation sur l’individu.

Toutefois, Daniel Auteuil n’exploite pas le matériau latent de manière trop poussée et préfère se concentrer (à raison) sur l’émotion de son récit, articulant son film autour de séquences mélodramatiques bien dosées, et de dialogues finement interprétés.

Le résultat est impeccable, tranquille, populaire et simple- dans le bon sens. Il ne révolutionne rien du tout (est-ce que le sujet s’y prêtait ?), mais impressionne par une rigueur formelle pas si évidente à instaurer, maintenir, sublimer.

On sent qu’Auteuil y a mis tout son cœur, et toute sa sincérité. C’est donc suffisant. Et beau, aussi.
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