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Alcan : Québec aurait dû se battre contre la vente

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Agence Qmi

2012-07-12 10:15:00

Il y a cinq ans, Alcan était vendue à l’Anglo-Australienne Rio Tinto pour 38,1 milliards $ US. Des acteurs de l’époque se demandent si le gouvernement du Québec n’aurait pas dû se battre contre cette vente. Qu’en pense Yves Fortier?

« Perdre un siège social ce n’est jamais agréable, on ne peut pas dire que ce soit une bonne affaire », a affirmé sans ambages l’ancien président du conseil d’administration d’Alcan, l’avocat Yves Fortier.

Yves Fortier avait des sentiments contradictoires à l'annonce de la vente d'Alcan
Yves Fortier avait des sentiments contradictoires à l'annonce de la vente d'Alcan
En entrevue avec Argent, il s’est remémoré l’annonce de la vente. En toute honnêteté, il a affirmé qu’il avait des sentiments ambivalents. « D’un côté, j’avais un œil qui pleurait et de l’autre j’étais content », se rappelle-t-il.

Heureux, car le président « avait bien fait son job » en allant chercher le plus possible pour les actionnaires (voir encadré), alors que le prix de l’aluminium se situait tout près de 3000 $ la tonne. « Encore aujourd’hui, il y a des gens qui me disent merci », nous a-t-il confié.

Comme grands bénéficiaires, il y avait bien sûr le grand patron Dick Evans, qui a touché 51 millions $, de même que d’autres cadres de l’entreprise, mais aussi des investisseurs institutionnels comme la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Mais, cinq ans plus tard, M. Fortier croit que Québec aurait pu se battre davantage. « Si la question est à savoir si on aurait pu faire quelque chose, la réponse est oui », selon M. Fortier.

Marc-Urbain Proulx, professeur à l’Université du Québec à Chicoutimi, est en accord. Il prend pour exemple la Saskatchewan, qui a montré les dents lorsque Potash Corp a été dans la mire d’intérêts étrangers.

« On dit toujours qu’on ne peut rien contre la doctrine néolibérale. Dans le cas de la potasse, on a bien vu le gouvernement fédéral qui a dit non. On a la preuve qu’on peut conserver la propriété de nos entreprises les plus structurantes », a-t-il affirmé.

Ces commentaires s’ajoutent à ceux de plusieurs politiciens et observateurs, comme François Legault et même Monique Jérôme-Forget, qui se sont questionnés sur la vente.

M. Proulx, observateur attentif d’Alcan depuis plusieurs années, se questionne surtout sur les orientations de Rio Tinto Alcan dans le futur.

« Les décisions se prennent à Londres. Et c’est clair qu’ils ne veulent pas faire de transformation, mais pour la région du Saguenay et pour le Québec, c’est primordial », a-t-il assuré.

On peut conserver la propriété des entreprises les plus structurantes, estime le professeur Marc-Urbain Proulx
On peut conserver la propriété des entreprises les plus structurantes, estime le professeur Marc-Urbain Proulx
C’est également ce qui interpelle Jean-Marc Crevier, conseiller régional pour la FTQ.

« On produit 1 million de tonnes par année et on ne transforme presque pas. C’est inadmissible. Bien sûr on a des entreprises comme De Vinci, mais c’est très peu. Et ce n’est pas avec Rio Tinto que ça va changer », a-t-il dit.

Autre point de questionnement, les pertes d’emplois chez Alcan. Selon des sources syndicales, environ 1000 postes sont disparus depuis 2007.

« On le voit très bien, on double la production et on élimine des emplois », a ajouté M. Proulx.

Selon Yves Fortier, Rio Tinto a investi et a rencontré ses obligations découlant de l’accord signé entre Alcan et Québec en 2006.

Rio Tinto Alcan va investir 3 milliards $, notamment pour le complexe Jonquière et la technologie AP60 (les phases 2 et 3 sont à venir).

L’entreprise a aussi conservé son siège social à Montréal. Selon les chiffres de l’entreprise, 800 personnes y travailleraient encore. Mais d’après nos sources, plusieurs postes du Saguenay ont été transférés vers la métropole.

Cette entente signée entre Alcan et Québec quelques mois avant sa vente, selon laquelle les droits hydrauliques ont été confirmés jusqu’en 2033, inquiète M. Proulx.

« On l’a vu avec le récent conflit à Alma. On s’est rendu compte que Rio Tinto pouvait vendre ses surplus d’électricité à Hydro-Québec [NLDR : qui a acheté à perte] durant le lock-out. On ne le savait pas lors de la signature et ça affaiblit le rapport de force avec l’employeur », a-t-il estimé.


Rio Tinto Alcan ou Vale Alcan ?

Tout a commencé par une offre hostile d’Alcoa, qui voulait faire l’acquisition du géant québécois de l’aluminium. L’ancien président du conseil d’administration Yves Fortier s’en rappelle très bien.
« J’avais eu un appel de Dick Evans (NDLR : le PDG de l’époque) un dimanche soir. Il m’avait dit : Alcoa va faire une offre demain matin. On devait se préparer. On a appelé nos avocats et on a fait face à la musique », a raconté M. Fortier.
L’offre était de 32 milliards $ US. Pas suffisant aux yeux du conseil. « À partir de ce moment-là, nous étions sur le marché. Il fallait aller voir ce que les autres allaient nous offrir », a-t-il constaté après coup.
La valse des négociations pouvait commencer. Les banquiers ont essayé d’obtenir une meilleure offre d’Alcoa. Peine perdue. Alcan a donc parlé alors avec tous les joueurs d’importance : BHP Billiton, Rio Tinto et la Brésilienne Vale.
« On a rencontré pas mal de monde. J’ai voyagé un peu partout. Mais à la fin il restait Rio Tinto et aussi Vale. Elles étaient coude à coude », a affirmé M. Fortier.
C’est dans les dernières 24 heures que tout s’est joué. Alcan a donc passé tout proche d’être achetée par la Brésilienne Vale. « Oui, c’était vraiment sur le fil d’arrivée », a confirmé l’ancien président du conseil.
Finalement, Rio Tinto a offert 101 $ US par action, largement au-dessus des espérances du marché. Un énorme profit pour les actionnaires, alors que le titre se transigeait aux environs de 35 $ US.
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