La Presse

Le nouveau défi de Robert Dorion

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Rene Lewandowski

2008-01-18 07:30:00

Deuxième cabinet en droit des affaires au Canada, Gowlings souffre d'un manque de visibilité au Québec.

Robert Dorion, le nouveau patron, veut changer les choses. Réussira-t-il son pari?

À part sa femme et ses trois filles, l'avocat Robert Dorion n'a qu'une passion dans la vie: le droit, qu'il pratique avec dévouement depuis plus de 30 ans.

Oh, il a bien un petit penchant pour la politique, mais ça, il y a renoncé il y a bien longtemps, lorsque sa future - et toujours - épouse, lui a fait jurer de ne jamais en faire, avant de lui dire oui.

"Pour l'instant, ma promesse tient toujours!" dit, amusé, l'associé de 56 ans, alors qu'il reçoit La Presse dans une salle de conférence du cabinet Gowlings, au 39e étage de la Place Ville-Marie.

Au cours des prochains mois, son sens politique et de la diplomatie seront néanmoins mis à rude épreuve. Car le 1er janvier, il a été nommé l'associé-directeur - le grand patron - du bureau montréalais de Gowlings, en remplacement de Luc Lussoir qui dirigeait le cabinet depuis un bail.
C'est déjà difficile de diriger une entreprise, mais gérer les ego d'une centaine d'avocats et de professionnels du droit l'est encore bien davantage.

"Les avocats sont une race particulière, dit Scott Jolliffe, président du conseil de Gowlings à l'échelle nationale. Ils veulent être respectés, considérés et se sentir engagés. Gagner leur loyauté sera un grand défi pour Robert."

Objectif: visibilité
La tâche qui l'attend est de rallier tout ce beau monde à l'objectif que s'est fixé le cabinet pour les prochaines années: repositionner le bureau de Montréal comme un incontournable en droit des affaires.

"On veut être perçus comme l'un des cinq cabinets les plus importants à Montréal dans chacun de nos groupes de pratique", dit Robert Dorion.

Ce qui est loin d'être acquis. Avec 700 avocats, Gowlings est le deuxième cabinet en droit des affaires au Canada, tout juste derrière Borden Ladner Gervais, qui en compte 726, selon une récente compilation de la revue Commerce. Mais au Québec, le bureau est surtout reconnu en droit de la propriété intellectuelle et en droit du travail, et souffre d'un manque de visibilité en droit des affaires, au dire même du nouveau patron.

"On doit rehausser notre branding auprès de la communauté des affaires du Québec", dit-il.

Il faut dire que la présence de Gowlings dans le paysage juridique montréalais est relativement nouvelle. Issu de la fusion, en juillet 2000, entre Lafleur Brown et Gowling Strathy & Henderson, le cabinet, dans sa dénomination actuelle, n'a pas 10 ans. C'est peu, comparativement à d'autres, comme Ogilvy Renault ou Fasken Martineau, tous deux centenaires. D'autant plus que depuis le début du millénaire la concurrence s'est accrue avec l'arrivée dans la métropole de Blakes et d'Osler.

Ce n'est toutefois pas un hasard si Gowlings l'a choisi, lui, pour insuffler un nouvel élan au bureau de Montréal. L'automne dernier, après avoir consulté tous les associés de Montréal, le comité des nominations a rapidement conclu qu'il s'agissait du meilleur candidat - parmi quatre - pour relever ce défi. Le consensus, sans être unanime, penchait clairement vers Robert Dorion, à la fois pour son dynamisme que pour ses qualités humaines.

Un gars d'équipe
"Robert est un rassembleur, il est capable d'écouter et d'accepter le point de vue des autres", dit la plaideuse Joëlle Boisvert, associée au bureau de Montréal, visiblement ravie de la nomination de son nouveau patron.

Ses anciens collègues lui vouent une admiration sans borne. "Un homme brillant, très humain et un excellent avocat", affirme l'associée chez McCarthy Tétrault, Mireille Fontaine, qui l'a bien connu du temps où les deux travaillaient au défunt cabinet Guy & Gilbert.

"Un gars d'équipe, qui ne se prend jamais pour un autre, et dédié à ses clients", ajoute l'associé de Fasken Martineau, Serge Gloutnay, qui l'a côtoyé chez Desjardins Ducharme, où les deux juristes ont travaillé ensemble.

Même ses concurrents le louangent. "Je le prendrais dans mon équipe n'importe quand!" dit le coassocié-directeur de BCF, Mario Charpentier, qui a eu à travailler avec lui sur plusieurs dossiers.

Maître Charpentier s'étonne néanmoins de sa nomination, non pas parce qu'il le juge inapte à remplir ce rôle, au contraire, mais bien parce qu'il le trouve trop bon avocat pour se métamorphoser en gestionnaire. "C'est comme si on demandait à Sidney Crosby d'accrocher ses patins pour devenir coach!" dit-il.

Vrai que son curriculum vitæ parle de lui-même. En 2004, deux ans après s'être joint à Gowlings, Robert Dorion fut nommé chef du groupe de droit des affaires et a agi depuis dans d'importantes transactions.

En 2007, il a conseillé la famille Ostiguy dans sa vente d'Aliments Carrière au groupe agroalimentaire français Bonduelle. C'est lui aussi qui a représenté Le Groupe Laperrière & Verreault dans le cadre de la vente de ses actions à une filiale de FLSMIDTH & CO S/A.

"Robert est sûrement l'avocat de Gowlings qui facture le plus à Montréal!" dit l'ancien PDG d'Aliments Carrière, Marcel Ostiguy, son client depuis plus de 20 ans.

Son plan de match, Robert Dorion ne l'a pas encore communiqué à ses associés, et il en dira peu à La Presse. Pour lui, Gowlings a de bonnes fondations à Montréal; il ne manque plus qu'à construire une solide charpente.

Les prochaines semaines, il les consacrera d'ailleurs à rencontrer les chefs des groupes de pratique et tous les associés, afin d'en discuter avec eux.

Il souhaiterait néanmoins que les avocats de Gowlings soient plus présents dans les médias, s'impliquent davantage dans la communauté des affaires, multiplient les contacts et élargissent leur réseau.

Il a aussi l'intention de s'impliquer personnellement dans le recrutement pour combler des lacunes dans certains domaines. Pas au point que le bureau devienne un monstre, précise-t-il toutefois, mais assez pour que le cabinet compte de 120 à 150 professionnels d'ici cinq ans.

D'ici là, il compte bien s'accorder du temps pour analyser la situation et se faire connaître comme patron auprès de ses collègues.

"Comme en politique, c'est dans les 100 premiers jours qu'un chef peut imprimer sa marque, dit-il. Alors revenez me voir en avril."
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