Pierre Arcand

Surfacturation: "Je n'en peux plus!"

Main image

Pierre Arcand

2012-08-27 14:45:00

Une jeune avocate se questionne de plus en plus sur les façons de faire douteuses de son cabinet en matière de facturation ou de surfacturation pour être plus précis. Le recruteur juridique Pierre Arcand remet les choses en perspective…

Question

Bonjour Me Arcand,

je suis une jeune avocate de trois ans d'expérience qui pratique en litige dans un grand cabinet du centre-ville de Montréal. Je vous écris pour vous parler d'une situation qui, je crois, se pratique dans à peu près tous les grands cabinets: la surfacturation. Quand j'ai commencé, en 2009, je ne m'en rendais pas vraiment compte, mais maintenant que je dois atteindre des objectifs d'heures facturables, ça me pèse de plus en plus. En fait, je me sens coupable de devoir gonfler le nombre d'heures facturées aux clients. À un point tel que je songe à quitter le droit tellement ça me dégoute. Je sais bien, tous les avocats le font, et mes collègues me disent que c’est la norme, mais cela excuse-t-il cette façon de faire? Qu'en pensez-vous, croyez-vous vraiment que l'on puisse travailler dans un grand cabinet sans encourager ce système bien malhonnête?

Merci de vos conseils

Une avocate qui se questionne...

Réponse

Cher lectrice,

Même si votre question est éloignée de l’aspect recrutement juridique, je trouve approprié d’y répondre. Premièrement, il est faut de prétendre que tous les avocats et tous les grands bureaux font de la surfacturation. Deuxièmement, vous ne devriez pas quitter le droit pour la raison énoncée mais probablement changer de cabinet ou encore faire le saut en entreprise.

 Me Pierre Arcand, recruteur juridique, répond à vos questions
Me Pierre Arcand, recruteur juridique, répond à vos questions
Ceci étant dit, je respecte beaucoup votre intégrité et je vous garantis que cette qualité serait appréciée dans la majorité des cabinets. Je ne suis pas aveugle et je ne considère pas la profession juridique comme étant blanche comme neige. S’il existe quelques politiciens ayant l’éthique élastique, s’il y a des fonctionnaires paresseux, des médecins qui tournent les coins ronds, des enseignants qui ne savent pas écrire et des journalistes pas très rigoureux…est-il surprenant qu’il y ait des avocats qui surfacturent ? Comme pour les exemples mentionnés, je crois qu’il s’agit d’une minorité qui malheureusement se retrouve plus souvent sur la sellette que la majorité consciencieuse et trop silencieuse.

Pour votre grand malheur, vous êtes tombée sur les mauvaises personnes. Alors que faire ? Éthiquement parlant, vous devriez dénoncer vos collègues…… Beau projet n’est-ce pas ? Dans les faits, quittez ce cabinet et n’y retournez pas. Certains vous diront que si vous ne faites rien la situation ne s’améliora pas. Moi je vous dis qu’il y a peu de chances qu’elle s’améliore même si vous la dénoncer. Dans la vie, il faut choisir ses batailles et vous ne gagnerez pas celle-là alors poussez-vous en douce. Dans quelques années, peut-être serez-vous en meilleure position pour dénoncer cette pratique ou certains collèges. Je vous conseille de vous pousser en douce, pas de rayez ces faits de votre mémoire.

Si vous me permettez d’élargir le débat, il est souvent difficile de déterminer là ou il y a vraiment de la surfacturation. On peut voir cette problématique de façon idéaliste et alors c’est très simple. On travaille à taux horaire et alors on facture toutes nos heures travaillées et seulement nos heures travaillées. Si on gonfle le temps travaillé alors il s’agit de surfacturation. C’est blanc ou c’est noir et c’est ce qui semble être le cas chez votre employeur. Par contre la réalité se décline souvent dans des teintes de gris.

Lorsque, dans un dossier de litige, on fait une recherche sur un point de droit mais qu’après avoir approfondit ce point, il appert qu’il est inutilisable dans le dossier en question, peut-on facturer le temps consacré ? Normalement oui, mais d’un point de vue client, on peut se dire que l’avocat aurait du savoir que ce point de droit était inutile. Alors on ne facture pas ou on facture à moitié ? Deux ans plus tard, un autre dossier nous permet d’utiliser la recherche faite précédemment. Elle est toute prête alors je ne devrais pas facturer le client…. Mais je n’ai pas facturé mon temps la première fois alors c’est correct de le facturer la deuxième fois ? Si je réutilise cette recherche à de multiples occasions, je fais quoi ? C’est là que ça devient gris…

Vu que le taux horaire varie en fonction de l’expérience et de la disponibilité de telles recherches, je crois qu’on ne devrait pas facturer la même recherche plus d’une fois, cependant les adeptes de la facturation au mérite vous diront que le client n’est pas lésé et qu’il bénéficie d’un service de qualité. Est-ce de la surfacturation ? Tout dépend de ce qui est présenté au client, tant au moment de la réception du mandat qu’au moment de la facturation. Si on est clair avec la question de facturation au mérite et qu’on l’emploi dans les deux directions, c’est acceptable. Cependant combien de juristes l’emploient vraiment dans les deux directions ?

Autres exemples : On pense à notre dossier dans la voiture ou dans la douche. Un meeting/lunch de deux heures avec des associés, on jase de tout et de rien mais en bout ligne on en arrive à une stratégie grandiose pour un dossier. Le même meeting mais on arrive à rien même si on a passé le plus clair de son temps à parler du dossier. On attend au Palais mais on traite deux autres dossiers en même temps plutôt que de simplement attendre son tour. Je pourrais continuer ainsi pendant des pages et des pages.

La transparence est la clé mais elle n’est pas toujours facile à utiliser.

Je termine en vous répétant qu’à mon avis la grande majorité des juristes respectent suffisamment leurs clients et se respectent suffisamment eux- mêmes pour éviter de profiter de situations ambigües afin de faire un profit injustifié sur le dos d’un client. Par contre, là où il y a de l’homme, il y a de l’hommerie….

Bonne semaine.

La Question au Recruteur

Chaque semaine, le recruteur juridique Me Pierre Arcand répond à une question posée par vous, chers lecteurs.

La Question au Recruteur de la semaine est choisie parmi toutes celles reçues sur le site. Toutes les questions sont bonnes pour autant qu’elles concernent votre carrière de juriste.

Sur l'auteur

Pierre Arcand s'est spécialisé en recrutement juridique après avoir pratiqué le droit pendant une douzaine d'années. Ayant été associé au sein de cabinets boutiques ainsi que d'un important cabinet de Montréal, il connaît bien la communauté juridique et les enjeux reliés à la pratique du droit tant en cabinet qu'en entreprise. Arcand et Associés, une entreprise spécialisée dans le recrutement de cadres et de professionnels, a été fondée en 1999. Pierre Arcand et son équipe apporte un soutien professionnel tant aux entreprises qu'aux cabinets qui cherchent à recruter les meilleurs candidats disponibles.
12669

Publier un nouveau commentaire

Annuler
Remarque

Votre commentaire doit être approuvé par un modérateur avant d’être affiché.

NETiquette sur les commentaires

Les commentaires sont les bienvenus sur le site. Ils sont validés par la Rédaction avant d’être publiés et exclus s’ils présentent un caractère injurieux, raciste ou diffamatoire. Si malgré cette politique de modération, un commentaire publié sur le site vous dérange, prenez immédiatement contact par courriel (info@droit-inc.com) avec la Rédaction. Si votre demande apparait légitime, le commentaire sera retiré sur le champ. Vous pouvez également utiliser l’espace dédié aux commentaires pour publier, dans les mêmes conditions de validation, un droit de réponse.

Bien à vous,

La Rédaction de Droit-inc.com

PLUS

Articles similaires