La Presse

Le Federer de l'arbitrage international

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Rene Lewandowski

2008-02-08 20:01:00

C'était un grand jour, vendredi dernier, pour quelque 650 avocats en provenance de 50 pays, qui s'étaient déplacés à New York. Réunis en congrès au luxueux Waldorf-Astoria, à l'occasion de la journée de l'arbitrage international, ils étaient venus assister à des ateliers et des conférences et pour échanger avec des collègues de partout dans le monde.

Cette année, ils venaient aussi pour célébrer le 50e anniversaire de la Convention de New York, traité signé en 1958 sous l'égide des Nations unies, et qui a donné naissance à l'arbitrage international. Depuis, plus de 140 pays membres se sont engagés à respecter les sentences des institutions arbitrales.

En soirée, tout ce beau monde avait rendez-vous au siège de l'Organisation des Nations unies. Malgré le froid et la pluie qui tombait sur Manhattan, rien n'aurait pu les empêcher d'embarquer dans la dizaine d'autobus qui faisaient la navette entre l'hôtel et le siège de l'ONU. Car un conférencier de marque les attendait, un Québécois de 72 ans, considéré par le magazine American Lawyer comme le meilleur arbitre international au monde, et qui l'a récemment surnommé le Wayne Gretzky de sa discipline.

"Je préfère qu'on me compare à Roger Federer!" dit, amusé, le président d'Ogilvy Renault, Yves Fortier, qui aime mieux le tennis au hockey, alors qu'il reçoit La Presse dans son bureau du centre-ville de Montréal.

L'ONU et le droit
Durant 25 minutes, Yves Fortier les a entretenus sur le rôle qu'ont joué depuis 1945 les Nations Unies dans le domaine du droit. Car peu de gens le savent, mais si les hommes et les femmes du monde entier bénéficient aujourd'hui des avantages transfrontaliers, c'est grâce aux nombreux traités émanant d'agences onusiennes. Qu'on pense au droit de la mer, à la convention sur les réfugiés, à l'énergie atomique, aux avions qui sillonnent les espaces aériens

"Le simple fait de pouvoir poster une lettre d'un pays à un autre est le résultat d'un accord onusien", dit Yves Fortier.

On sait aussi peu de chose sur l'arbitrage international. Il s'agit pourtant d'un domaine du droit en pleine croissance, et dans lequel les Canadiens, et surtout les Québécois excellent, fait remarquer Pierre Bienvenu, associé-chef de la direction d'Ogilvy Renault, lui aussi un expert en ce domaine, et qui vient d'être nommé coprésident de la section Arbitrage de l'International Bar Association, qui regroupe plus 30 000 avocats à travers le monde.

Avec la croissance des échanges internationaux, de plus en plus d'entreprises choisissent en effet l'arbitrage, plutôt que les tribunaux, pour régler des conflits.

"C'est moins long, moins coûteux, et, surtout, les entreprises préfèrent cette option plutôt que de risquer un procès dans des tribunaux étrangers", explique Yves Fortier.

Qu'est-ce que l'arbitrage international?
Chez Bombardier, par exemple, tous les contrats signés avec des entreprises situées hors des pays de l'OCDE contiennent des clauses d'arbitrage en cas de conflits, dit Daniel Desjardins, vice-président des affaires juridiques de l'entreprise. Il explique qu'en France, en Angleterre ou aux États-Unis, des juridictions mieux connues, l'entreprise opte pour une approche mixte: des clauses d'arbitrage pour les aspects techniques du contrat, mais avec le droit de recourir aux tribunaux pour les volets commercial et financier. Car, dit-il, l'arbitrage n'est sans risque: les sentences sont sans appel.

Les causes d'arbitrage international sont chapeautées par diverses institutions, selon le type de conflits. Les plus connues sont le Tribunal international d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale (Paris), de la LCIA (Londres), de l'American Arbitration Association (New York), le Tribunal arbitral du sport (Lausanne), la Chambre de commerce de Zurich et le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI).

Généralement, une cause est entendue par trois juges (ou arbitres); chaque partie choisit son arbitre, le troisième, le président, est choisi par les deux autres ou par l'institution arbitrale. Il s'agit d'un procès, où chaque partie y va de ses représentations. Les sentences sont sans appel.

C'est en 1992 qu'Yves Fortier a décidé d'orienter sa carrière vers l'arbitrage international, après avoir passé quatre ans comme ambassadeur et représentant permanent du Canada auprès des Nations Unies, à New York. À l'époque, le président d'Ogilvy Renault n'avait rien dans son portfolio. Depuis, il a siégé un peu partout, en Europe de l'Ouest, en Pologne, en République Tchèque en passant par la Russie, le Brésil et la Malaisie.

En ce moment, il préside un arbitrage, évalué à 50 milliards de dollars, considéré comme le plus important de l'histoire. La cause oppose les actionnaires de Yukos Oil Company à la Russie. Ils allèguent que l'entreprise a été expropriée en violation d'un traité sur l'énergie. Bien que la cause puisse être rejetée pour des raisons de juridiction, elle représente néanmoins pour plusieurs observateurs un test pour les lois internationales et sur leur capacité de limiter l'autoritarisme.

Yves Fortier n'est pas de cet avis. Car pour lui, l'arbitrage international fonctionne, et plutôt bien. "Un pays qui ne se conformerait pas à une ordonnance arbitrale deviendrait un paria au sein de la communauté internationale."

Un exemple? Récemment, des investisseurs canadiens, par l'entremise d'une compagnie chypriote, ont remporté une importante bataille contre le gouvernement hongrois, qui les avait expropriés après qu'ils aient rénové le nouveau terminal de Budapest. Résultat? La Hongrie a été condamnée à leur verser plus de 80 millions de dollars. "On a reçu le chèque moins de trente jours après le jugement!" dit Pierre Bienvenu, qui représentait les Canadiens.
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