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"Ma carrière, une aventure très intéressante"

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Dominique Tardif

2012-12-19 14:15:00

Cette semaine, c'est au tour de Pierre Préfontaine, premier vice-président de CSL de raconter son parcours à Dominique Tardif. Il livre son regard sur la profession et revient sur ses plus grands défis.

1. Pourquoi avez-vous, à l’origine, décidé d’être avocat plutôt que de choisir un autre métier ? Était-ce "écrit dans le ciel", ou plutôt le fruit du hasard ?

Ce n’était pas "écrit dans le ciel" quant à moi. Mon père était administrateur scolaire et il n’y avait pas d’avocat dans la famille. Il était, cela dit, évident que je me destinais aux sciences humaines. Étant quelqu’un de relativement structuré et qui aime les choses "claires et nettes", le droit est venu à moi tout naturellement. À la faculté de droit, je me suis évidemment aperçu que le droit n’était pas toujours aussi clair que je le croyais au départ ! J’ai aussi réalisé qu’il s’agissait d’un secteur très vaste, allant bien au-delà du litige. J’ai beaucoup aimé mon cours de droit : ce fut une belle expérience m’ayant permis de rencontrer des gens formidables. J’y suis donc resté !

2. Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au cours de votre carrière ?

Mon plus grand défi en carrière a été de m’adapter aux changements que j’ai vécus et que l’entreprise a vécus. Je me suis joint à la compagnie à l’âge de 23 ans et y suis resté toute ma carrière.

Le plus grand défi de Pierre Préfontaine a été de devoir s’adapter aux changements
Le plus grand défi de Pierre Préfontaine a été de devoir s’adapter aux changements
Je me chargeais au départ essentiellement des affaires corporatives. Graduellement, mon champ d’activités s’est étendu au monde maritime, duquel je ne connaissais à l’époque que peu de choses. J’ai ensuite étendu mon intervention au monde réglementaire, comme le monde du camionnage et des autobus, dans lequel CSL faisait affaire outre le milieu maritime, était très réglementé.

Dans les années 90, l’entreprise a décidé d’exporter ses connaissances aux navires auto-déchargeurs : le bateau de lac est une chose, et le bateau océanique en est une autre. En 1992, nous avons donc ouvert nos bureaux à Boston. C’est à ce moment que ma pratique s’est véritablement étendue au monde maritime. L’année 1994 a marqué l’ouverture d’un bureau à Singapour, et j’ai ensuite travaillé dans des dossiers de construction maritime en Chine. La pratique devenait ainsi de plus en plus internationale, et il fallait s’adapter à travers tout cela. C’était un monde en constante évolution, ce qui a fait de ma carrière une aventure très intéressante, bien que parfois également stressante ! (Rires).

D’un jeune avocat d’abord soucieux des enjeux juridiques, j’ai graduellement compris que l’homme d’affaires, lui, est avant tout intéressé par la rentabilité de l’entreprise. Comme avocat, il est donc nécessaire de s’adapter aux gestionnaires avec qui l’on traite, de même qu’aux réalités de l’entreprise elle-même.

3. Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous à la pratique du droit ?

Je choisirais de mettre un frein à la complexification de la pratique du droit. Plutôt que de nous simplifier la vie, les ordinateurs et la technologie nous ont parfois fait "créer des monstres". Les contrats sont aujourd’hui d’une longueur parfois interminable, alors que les litiges impliquent de leur côté de longs délais et recherches. Par ailleurs, il n’est pas rare que deux organismes réglementaires essaient de réglementer la même chose, ou encore que des juges rédigent un jugement d’une complexité telle que même les avocats ont de la difficulté à le comprendre. Tout cela coûte évidemment très cher aux individus. Notre système de droit existe pour remplir une fonction économique et sociale ; on doit se rappeler qu'il n’existe pas pour lui-même.

En bref, mon rêve serait donc de pouvoir faire en sorte de s’asseoir autour d’une table et de régler les litiges et négociations plus rapidement !

4. La perception du public envers la profession et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était lors de vos débuts en pratique ? Et pourquoi, à votre avis ?

Je suis d’avis que la perception est la même, ni pire ni meilleure. Le public ne comprend pas toujours très bien de quoi il s’agit – et cela est vrai pour toutes les catégories de professionnels – et on ne peut pas non plus s’attendre à ce qu’il le fasse, comme la discipline est très technique et complexe.

Je crois qu’existe une méfiance instinctive du public vis-à-vis du monde des avocats. Les individus perçoivent évidemment la nature conflictuelle du processus, son coût de même que l’incertitude liée au processus.

J’ai eu l’occasion d’œuvrer dans des transactions impliquant des pays émergents n’ayant pas le système judiciaire que nous avons. Après avoir été confronté à de telles réalités, on trouve extraordinaire qu’existe ici une législation bien présente, relativement claire et pourvue d’une bonne pratique pour l’interpréter via des tribunaux indépendants. L’absence d’un système judiciaire qui fonctionne bien est, en effet, un frein important au développement.

5. Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière? Comment fait-on pour se rendre là où vous vous êtes rendu ?

Former un avocat prend du temps et ce principe s’applique aussi aux avocats en entreprise. J’ai pour ma part eu la chance de bénéficier de mentors extraordinaires, et c’est ce que je souhaite aux jeunes avocats : tentez de vous entourer d’avocats plus expérimentés de qui vous pourrez apprendre. Bien que j’aie été le seul avocat de l’entreprise pendant longtemps, j’ai eu la chance de pouvoir faire appel aux conseils d’avocats externes extrêmement compétents, et qui m’ont beaucoup appris.

Il est également nécessaire d’apprendre à écouter et de garder l’esprit ouvert pour évoluer. Nous avons parfois tendance à oublier que le droit est une science humaine et que les rapports entre êtres humains sont fondamentaux. Si vous arrivez à comprendre en tant qu’avocat ce qui motive les individus et comment les différents niveaux de l’entreprise fonctionnent, vous aurez assurément du succès !

En vrac…

• Le dernier bon livre qu’il a lu : "Des gens très bien" d'Alexandre Jardin.

• Le dernier bon film qu’il a vu : "Tout ce que je possède" du réalisateur Bernard Émond, qu’il nous recommande fortement.

• Ses chansons fétiches : "C’est en septembre" de Gilbert Bécaud et "Désormais" de Charles Aznavour.

• Son expression favorite : "Oh là là !!!" ce qui signifie en général qu’il vient de voir une situation extraordinaire.

• Son péché mignon : le bon vin !

• Son restaurant préféré : Le Toqué, dont la terrasse est un secret bien gardé au 900 Place Jean-Paul Riopelle.

• Le pays qu’il aimerait visiter et connaître plus en profondeur : l’Allemagne.

• Le personnage historique qu’il admire le plus et pourquoi ? Charles de Gaulle, parce qu’il a réussi à surmonter une adversité terrible, qu’il avait une croyance fondamentale en son pays et qu’il a accompli beaucoup.

• S’il n’était pas avocat, il serait… gestionnaire !

Bio

Me Pierre Préfontaine est membre du Barreau du Québec depuis 1975. Il est diplômé en droit de l’Université McGill. Il s’est joint au Groupe CSL en 1976 à titre de secrétaire-adjoint. À l’époque, CSL était détenue à part entière par Power Corporation. Me Préfontaine a été nommé secrétaire de CSL en 1979, vice-président et secrétaire en 1988 et premier vice-président en 1992. Au cours de sa carrière de 36 ans, Me Préfontaine a contribué à faire de CSL un chef de file mondial dans le transport maritime de produits en vrac. Me Préfontaine a reçu le Prix ''Réalisation Exceptionnelle'' dans le cadre de la 5ème édition des Prix ZSA des Conseillers Juridiques du Québec en 2012.
En 1981, CSL a été acquise par la famille Martin et un associé. Au cours des années 80, l’entreprise a subi une profonde transformation en concentrant ses activités dans le secteur maritime. CSL s’est départie des compagnies Voyageur (transport interurbain de passagers) et Kingsway (transport routier). Elle a aussi fusionné et éventuellement vendu son chantier maritime.
Depuis 1845, CSL exploite une flotte de navires sous drapeau canadien sur le Fleuve St-Laurent et les Grands Lacs. Ses navires sont conçus pour décharger leur cargaison sans l’aide d’équipement à quai. CSL détient donc une expertise très pointue. Le rêve de Paul Martin était d’exporter cette expertise unique sur les marchés étrangers. L’entreprise s’est donc lancée vers ce créneau tout en maintenant une présence significative sur les Grands Lacs et le Fleuve St-Laurent. Me Préfontaine a participé de près à la réalisation de ce rêve.
Cette percée a été couronnée de succès. CSL a maintenant des filiales aux États-Unis (Boston), en Europe (Londres), en Asie (Singapour) et en Australie (Sydney). Elle exploite la plus importante flotte de vraquiers auto-déchargeurs au monde. CSL est aussi très active dans le secteur du transbordement. Elle contribue entre autre à l’essor du secteur minier de la Côte Nord grâce au transbordement qu’elle effectue dans la Baie de Sept-Îles.
Au cours de sa longue carrière, Me Préfontaine a dû s’adapter aux besoins en constante évolution de l’entreprise. En 1976, sa pratique était essentiellement de nature corporative et nord-américaine. Elle a évolué vers une pratique internationale avec tous les défis que cela implique.
À l’époque où M. Martin était en politique active, Me Préfontaine est devenu la voix de CSL avec les médias. Me Préfontaine s’occupe également de relations gouvernementales. Il a été président du Conseil de la Canadian Shipowners Association de 2000 à 2004. Il est présentement président du Conseil de la Société de développement économique du Saint-Laurent (SODES).
Me Préfontaine et son épouse Lise ont trois filles: Geneviève, Audrey et Maude.
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