On était plus performant que les autres, dit Milioto

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La Presse Canadienne

2013-02-20 13:30:00

Si une poignée seulement d'entreprises se sont maintenues dans le secteur de la construction de trottoirs à Montréal, au fil des ans, ça n'a rien à voir avec la collusion, c'est parce qu'elles étaient performantes, a soutenu Nicolo Milioto, mercredi, devant la Commission Charbonneau.

L'ancien président et fondateur de Mivela Construction a été invité par la procureure chef de la commission, Me Sonia Lebel, à expliquer pourquoi, des 53 entreprises qui étaient allées chercher un document de soumission au moins une fois à la Ville de Montréal en 1996, 45 ont peu à peu cessé de le faire ou sont disparues.

Au fil des ans, il n'en est plus resté que cinq ou six, dont les propriétaires fréquentent tous le Café Consenza _ identifié par les policiers comme le quartier général de la mafia montréalaise _ et provenaient du même village sicilien Cattolica Eraclea, a relevé Me Lebel.

"C'est parce qu'on est plus performant", a justifié M. Milioto.

Et quoi qu'en pensent la commission et les témoins qui devant elle ont parlé de collusion dans le secteur des égouts et aqueducs, puis des trottoirs, "c'était ouvert à tout le monde", a certifié M. Milioto.

"On travaille fort" dans la construction, "on travaille avec nos mains", a ajouté celui que d'autres témoins ont surnommé "Monsieur trottoir".

Me Lebel lui a demandé si la survie de son entreprise et de seulement une poignée d'autres, au fil des ans, n'était pas plutôt due au fait qu'elles s'étaient réparties les contrats entre elles, qu'elles avaient peu à peu fermé le marché et que lui-même avait des liens avec le crime organisé.

"Non madame", a répété à chaque fois M. Milioto.

"Comme un niaiseux"

Plus tôt dans la journée, M. Milioto a soutenu s'être laissé entraîner à transporter de l'argent pour Nick Rizzuto père, le patriarche du clan, en voulant simplement rendre service.

"Ça a commencé par un petit service, puis je suis arrivé à faire des services comme apporter de l'argent. C'est devenu comme facile. M. Zambito appelle (et dit) 'monsieur Milioto, peux-tu...' C'est devenu comme une routine et j'ai embarqué. J'ai embarqué comme un niaiseux, comme on dit, j'ai embarqué sans savoir pourquoi. Et je suis rendu là", a conclu l'ancien président et fondateur de Mivela Construction.

M. Milioto a déjà soutenu que les liasses de billets qu'on le voit apporter au Café Consenza, dans les vidéos de surveillance policière, provenaient de l'ex-dirigeant d'Infrabec, Lino Zambito, qui lui demandait de lui "rendre service" et de les remettre en son nom à Nick Rizzuto.

Durant ses trois jours de témoignage devant la Commission Charbonneau, il a relaté avoir souvent joué aux cartes avec Nick Rizzuto au Café Consenza, décrit comme le quartier général de la mafia montréalaise à une certaine époque.

M. Rizzuto, décrit comme l'ancien parrain de la mafia montréalaise, lui a aussi prêté 15 000 $ à 20 000 $ pour le mariage de sa fille. Et M. Milioto s'est aussi rendu une fois au domicile de M. Rizzuto avec sa femme. Les deux hommes faisaient aussi des promenades sur le trottoir, a-t-il indiqué mercredi.

Lorsqu'il ne s'agissait pas de l'argent de M. Zambito, il s'agissait de sommes prévues pour l'association Cattolica Eraclea, une sorte de club social qui visait à réunir des Siciliens d'ici provenant de ce village, et pour lequel il était conseiller.

Mais en toutes ces occasions, il voulait seulement rendre service, a-t-il martelé. Et il s'est plus ou moins laissé entraîner ainsi, jusqu'à transporter de l'argent sans poser de questions _ ce qu'il dit aujourd'hui regretter.

Le commissaire Renaud Lachance a voulu savoir pourquoi il acceptait d'être ainsi vu avec le parrain de la mafia montréalaise, s'il ne recevait aucun avantage. "Les gens au Québec savent ce que fait le clan Rizzuto, savent que ce sont des membres du crime organisé (...). Ils savent aussi que vous, vous les fréquentez beaucoup, à ce point qu'on vous appelle, vous, pour pouvoir les rejoindre. Comment vous voyez ça sous l'angle de la réputation? Est-ce que ça fait une bonne réputation de savoir qu'on est une personne qui fréquente régulièrement des hauts dirigeants de la mafia? Ça vous faisait une bonne image? C'était quoi l'avantage pour vous?", a demandé M. Lachance.

"Je n'avais aucun avantage, a répliqué M. Milioto. Moi, je voyais l'homme, je voyais la personne. C'était vraiment du bon monde."

Le commissaire Lachance s'est montré sarcastique. "Donc, je comprends que les criminels qui sont gentils, vous êtes prêt à en faire vos amis, en autant qu'ils soient gentils, même si vous savez que ce sont des criminels", a-t-il dit.
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