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Avocat par hasard

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Dominique Tardif

2013-03-27 14:15:00

Dominique Tardif, de ZSA, rencontre cette semaine François Ramsay, premier vice-président et conseiller juridique principal chez Yellow Media...

1. Pourquoi avez-vous, à l’origine, décidé d’être avocat plutôt que de choisir un autre métier? Était-ce le résultat de longues réflexions, une affaire de famille ou le fruit du hasard?

C’est, dans mon cas, le hasard qui m’a mené au droit. Jeune, je m’intéressais beaucoup à l’histoire et aux humanités, en plus de me sentir attiré par le monde des affaires. Mes parents n’avaient pas fait de grandes études, et j’étais de mon côté bien décidé à aller à l’université. J’ai été accepté en droit, sachant que la discipline menait à tout et que j’aurais ensuite, si je le voulais, la possibilité de faire autre chose. La vérité est que j’ai adoré le droit pour sa rigueur, la façon de penser, l’analyse que cela implique, etc. C’est aussi un domaine qui touche toutes les facettes de notre vie de citoyen, et qui rejoignait en ce sens mon intérêt pour les humanités de façon générale. Rapidement j’ai su que je voudrais travailler en entreprise pour me rapprocher du monde des affaires.

Je suis, toujours aujourd’hui, très attaché à la profession, que je perçois comme noble, honorable et importante. Au-delà de tous les titres et reconnaissances qu’on peut avoir en cours de carrière, le titre d’avocat est de loin celui qui ‘résonne’ le plus pour moi.

2. Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au cours de votre carrière?

C'est le hasard qui a mené François Ramsay au droit
C'est le hasard qui a mené François Ramsay au droit
Le dossier professionnel qui a pour moi représenté le plus grand défi a été celui de la recapitalisation du Groupe Pages Jaunes, qui a duré 15 mois. Il s’agissait d’un dossier difficile comme il touchait directement la vie de bien des gens liés de près ou de loin à notre organisation, qu’il s’agisse d’employés, d’actionnaires ou de fournisseurs. Le dossier était inquiétant pour nos employés, qui s’interrogeaient sur leur futur, et également pour nos actionnaires, pour qui les impacts de la transaction étaient de taille. Le dossier était notamment également important, à long terme, pour la pérennité de l’organisation. Le devoir de protéger son client prend évidemment tout son sens dans des circonstances comme celles-là.

Dans cette situation-là comme dans les autres que j’ai vécues, dont celle de la vente de Vidéotron à Rogers puis à Québécor, la constance est ce qui importe le plus. En effet, il ne faut jamais cesser de tenter de trouver des solutions et compromis, et de prendre en considération l’intérêt commun des parties pour faire en sorte que le dossier se règle à la satisfaction des parties, même si l’entente conclue n’est pas toujours absolument parfaite. S’il n’est pas toujours simple de déceler les objectifs, la finalité et le point commun, il ne faut jamais s’arrêter de les chercher, avec pour objectif de trouver soi-même la solution plutôt que de la syndiquer à un tiers (par exemple un juge). Ce processus de recherche aide à instaurer un climat de confiance avec l’autre partie, et donne de la crédibilité à nos gestes. C’est par ailleurs une très grande satisfaction professionnelle que de pouvoir contribuer à la solution qui est adoptée.

3. Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous à la pratique du droit?

D’un point de vue général, je suis d’avis que l’accès à la justice, pour le citoyen moyen, est un enjeu de société. Le fait que des gens se représentent seuls au motif que les services sont peu accessibles, sans se rendre compte du désavantage dans lesquels ils se placent, est pour moi alarmant- il faut y pallier.

D’un point de vue plus personnel, je suis d’avis qu’en toutes circonstances au Québec, la médiation obligatoire devrait s’imposer avant le procès.

J’ai eu la chance d’être impliqué dans des litiges supposément insolubles, où le règlement semblait impossible et où la juridiction obligeait à la médiation : une solution a pourtant été trouvée! En effet, et malgré les circonstances, l’issue de la médiation a été extrêmement positive pour nous, et ces expériences comptent parmi les plus belles de ma vie professionnelle. Dans un cas, le juge avait fait venir les parties séparément dans son bureau, me demandant quel était le maximum que je pouvais offrir au nom de la compagnie dans le cadre des négociations. J’ai répondu, ce à quoi le juge a répliqué que c’était simplement inacceptable et que nous faisions perdre le temps de la cour, m’ordonnant du même coup de me représenter une semaine plus tard avec le président de la compagnie lui-même et un vrai mandat de règlement. C’est donc ce que nous avons fait… et nous avons trouvé une solution qui était somme toute extrêmement avantageuse pour nous!

4. La perception du public envers la profession et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était lors de vos débuts en pratique? Et pourquoi, à votre avis?

Je crois que la perception est probablement égale à ce qu’elle était à mes débuts. A l’époque où je faisais partie du Jeune Barreau, nous étions déjà très préoccupés par le sarcasme qui entourait la profession.

J’ai toujours pensé qu’il était de notre devoir, comme organisation et groupe, de changer la perception. Inévitablement, les ‘pommes pourries’ font toujours parler d’elles et un petit nombre de personnes peut suffire à ternir l’image d’une profession. Cela dit, chaque avocat a la capacité d’influencer la perception que le public a de la profession, et le public est de son côté, de façon générale, capable de faire la part des choses. Démontrer des qualités d’intégrité, de professionnalisme et de respect est une nécessité : c’est une façon de rehausser notre image auprès du public, et c’est aussi quelque chose qui est de la responsabilité de tous. Je rappelle aux jeunes avocats avec qui je suis en contact qu’ils sont ‘non seulement avocats au bureau, mais aussi dans tous les aspects de leur vie’. On ne peut pas choisir quand on choisit de suivre ou non la loi, et personne n’est ‘avocat à temps partiel’ : il n’existe pas de demi-mesure pour ce genre de choses. C’est un peu comme la confiance : on a confiance ou non et on est intègre ou non, à 100% ou pas du tout, mais non à 50%. Je vis pour ma part une expérience extraordinaire à titre d’avocat, et j’en suis bien fier. Je pense que le public est capable de faire la part des choses de façon générale.

5. Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière? Comment fait-on, en fait, pour devenir François Ramsay et être à la tête des affaires juridiques d’une compagnie d’importance?

Il faut, tout d’abord, travailler pour ‘une bonne organisation’, qu’il s’agisse d’un cabinet d’avocats ou d’une entreprise. Pour s’épanouir professionnellement, il faut savoir se trouver un mentor et être au sein d’une organisation qui favorise son développement professionnel. Une fois cela fait, le jeune avocat est en mesure de faire preuve de son talent et a bien des chances de se faire remarquer et de grandir.

Quand on est un jeune avocat sans expérience, il est évidemment facile de faire des mauvais choix. Se retrouver au sein d’une équipe comptant des gens et leaders d’expérience permet d’être mis en garde contre la facilité et les raccourcis. Rien n’arrive pour rien, et ‘on ne peut tirer ses racines de l’arbre pour le faire pousser plus vite’! En ‘laissant le temps au temps’ et en se donnant la possibilité d’apprendre, on arrive toujours à quelque chose.

En vrac…

Le dernier bon livre qu’il a lu – Alain Lefèbvre (auteur : George Nicholson).

Sa chanson fétiche – Schefferville, le dernier train (Michel Rivard).

Son expression préférée – ‘Managers do things right while leaders do the right things’ (Warren Bennis).

Son péché mignon – La musique et la peinture (c’est un amateur!)

L’endroit qu’il aimerait visiter : L’Écosse.

Le personnage historique qu’il admire le plus – Nelson Mandela. Pourquoi? Parce que c’est un homme inspirant, qui a toujours pris ‘the higher road’. Il n’a jamais pris le chemin de la facilité, mais le chemin le plus droit et le plus juste, avec beaucoup de courage et de dignité.

S’il n’était pas avocat, il serait….en affaires à son compte et, tout bien réfléchi, peut-être le propriétaire et gérant d’une salle de spectacle!

Bio

Me François Ramsay est premier vice-président, affaires corporatives et conseiller juridique principal de Yellow Media Limitée. En plus de ses responsabilités aux affaires juridiques, Me Ramsay est également en charge des communications et des relations gouvernementales chez Yellow Media.

Au cours des 25 dernières années, Me Ramsay a été impliqué dans une multitude de dossiers variés pour les compagnies pour lesquelles il a travaillé, incluant des dossiers de fusions et acquisitions, de financement de la dette et de l’équité, de gouvernance ainsi que des dossiers de litige complexes.

Avant de se joindre à Yellow Media, Me Ramsay était conseiller juridique principal chez Gildan Activewear Inc. (un leader canadien dans le domaine de la fabrication et de la commercialisation de vêtements de sport) et chez Le Groupe Videotron Ltée. (une des principales compagnies de communications au Canada). M. Ramsay a débuté sa carrière chez Pouliot Mercure (aujourd’hui Miller Thomson Pouliot).

Me Ramsay a obtenu un baccalauréat en droit (LL.B.) de l’Université de Montréal en 1986 et est membre du Barreau du Québec depuis 1987.
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