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Montres intelligentes : des mines d’or de preuves

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Daphnée Hacker-b.

2015-04-02 15:00:00

Bien plus que de simples gadgets, les montres intelligentes collectent des données précieuses, autant d’informations pouvant servir de matériel de preuve, avis aux intéressés…

Me Vincent Gautrais affirme que les « magistrats canadiens sont très impressionnés par ce type de données intrusives, souvent synonymes de vérité ».
Me Vincent Gautrais affirme que les « magistrats canadiens sont très impressionnés par ce type de données intrusives, souvent synonymes de vérité ».
L’AppleWatch n’est même pas encore en vente que des produits similaires sont déjà utilisés par des avocats devant les tribunaux. C’est le cas du bracelet Fitbit, qui enregistre des données sur l’activité physique et le sommeil. Le cabinet albertain McLeod Law a utilisé les informations compilées par le Fitbit en novembre dernier, pour démontrer à un assureur que sa cliente avait subi une perte d’autonomie à la suite d’un accident.

Selon plusieurs observateurs, il s’agit là du tout premier cas au monde où des données provenant d’une montre intelligente ont été utilisées comme matériel de preuve. Cette situation n’a rien pour surprendre l’expert des preuves technologiques, Me Vincent Gautrais, qui affirme que les « magistrats canadiens sont très impressionnés par ce type de données intrusives, souvent synonymes de vérité ».

Pour le professeur titulaire de la chaire en droit de la sécurité et des affaires électroniques à l’Université de Montréal, l’admissibilité de ces preuves est parfois « aveugle ». Citant un exemple où une partie a « hacké » un compte électronique Gmail pour prouver son point, le procédé ayant été admis par le magistrat, Me Gautrais s’inquiète de ces situations qui briment le respect des droits fondamentaux. « En tant qu’avocats, il faut comprendre les enjeux spécifiques qu’entraîne chaque nouvelle technologie, puisque parfois leur utilisation comme preuve va à l’encontre de l’article 2858 du Code civil », dit-il. De plus, Me Gautrais se dit préocuppé par les risques de manipulation des données.

Lent réveil des juristes

Me Dominic Jaar, associé et leader national des Services de Gestion de l’Information chez KPMG
Me Dominic Jaar, associé et leader national des Services de Gestion de l’Information chez KPMG
À l’instar des « smartphones » et des ordinateurs portables, les montres intelligentes sont de véritables « boîtes noires humaines », pouvant être utilisées par les procureurs au-delà des litiges liés au monde de l’assurance. Les avocats sont-ils bien au fait de cette réalité ? Négatif, répond Me Dominic Jaar, associé et leader national des Services de Gestion de l’Information chez KPMG. Certes, plusieurs juristes spécialisés en technologies suivent le marché avec attention, mais une grande majorité accuse plutôt d’un retard lorsqu’il est temps de comprendre les nouvelles technologies.

« Je ne cherche pas à offusquer mes confrères en disant cela, mais c’est plutôt un constat. Il y toujours un certain décalage entre l’apparition d’un nouvel outil technologique et la compréhension de ses bénéfices et inconvénients par le monde juridique… mais aussi par la société en général », explique Me Jaar. Il a fallu près de trois ans après l’apparition de Facebook, rappelle-t-il, pour que les réseaux sociaux deviennent un matériel important de preuves dans les causes de divorce ou de garde partagée.

La complexité avec les montres intelligentes, poursuit-il, consiste à savoir où le fournisseur emmagasine les données, de quelle façon, et avec quelle tierce partie ces informations risquent d’être partagées.

Bris de sécurité et enjeux de fiabilité

Me Éloïse Gratton, avocate et chargée de cours à l’Université de Montréal
Me Éloïse Gratton, avocate et chargée de cours à l’Université de Montréal
De nouvelles dispositions à la loi fédérale sur les renseignements personnels risquent de rendre le partage de données sensibles… encore plus sensible. C’est du moins ce que fait valoir l’avocate et chargée de cours à l’Université de Montréal, Me Éloïse Gratton.

Elle explique que le projet de loi S-4, actuellement à l’étude à Ottawa, prévoit que les entreprises privées puissent s’échanger des données en cas de soupçons de fraude notamment. « Si par exemple, les assureurs offrent de diminuer votre prime si vous portez un bracelet de type Fitbit, que ces données sont partagées, et qu’il y a un bris… quels sont les recours ? Voilà des questions qu’il faut se poser », dit Me Gratton.

Dans les cas de litiges, l’avocate s’inquiète des situations où la partie adverse se fait accorder le droit d’accéder aux données d’un bracelet. Il faudra alors déterminer quels sont les critères qui permettent d’assurer la véracité de l’information utilisée. Évidemment, il restera à prouver que c’est bel et bien la personne concernée qui utilisait l’appareil en question. « Plus la fiabilité des données issues des montres intelligentes sera prouvée, plus ces outils s’imposeront comme éléments de preuve », conclut-elle.
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