Pierre Arcand

Le retour du congé maternité

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Pierre Arcand

2015-11-02 10:15:00

Après la naissance de son enfant, une avocate souhaiterait obtenir un aménagement de son horaire de travail et se demande si certains cabinets sont flexibles. Pierre Arcand lui répond...

Question :

Bonjour, je travaille dans un grand bureau et je suis de retour d’un congé de maternité. Je désirerais avoir un horaire de quatre jours par semaine mais le comité de gestion n’est pas très ouvert à cette possibilité.

Est-ce réaliste d’espérer trouver un autre cabinet plus flexible à ce niveau ?

Réponse :

Chère lectrice,

Pierre Arcand, recruteur juridique, répond à vos questions
Pierre Arcand, recruteur juridique, répond à vos questions
Votre situation est toujours délicate. Bien qu’il soit souhaitable que les cabinets s’adaptent et permettent une meilleure conciliation travail-famille, dans la vraie vie ce n’est pas aussi simple que ça.

Plusieurs cabinets l’offrent déjà mais il faut que la personne qui en fait la demande soit consciente qu’une équité doit être maintenue entre les avocats du cabinet. Les clients ont aussi leurs exigences ce qui complexifie également la gestion d’un horaire de quatre jours semaines.

Voici sommairement les points dont il faut tenir compte lorsqu’on envisage un horaire de quatre jours semaines :

1- Équité et rémunération

Il serait facile de calculer que quatre jours par semaine correspond à 80% d’une charge normale et donc que la rémunération devrait être fixée à 80% de ce qui est normalement versé à un avocat du même niveau. Par contre, ce calcul est erroné pour deux raisons majeures.

Premièrement l’horaire d’un avocat, surtout dans un grand bureau, n’est pas de cinq jours semaine mais ressemble plus à du cinq jours et demi ou six jours semaine. Il faut donc parler d’objectif d’heures facturables et non de nombre de jours par semaine.

Dans un bureau qui demande 1700 heures, 80% représente 1360 heures facturables. Ce qui représente environ 28 heures facturables par semaine. Ça se fait en quatre jours mais ce ne sera pas quatre petites journées et ça ne tient pas compte des impondérables de la vie de parent.

Deuxièmement, les coûts fixes (bureau, adjointe, etc,) ne sont pas diminués de 20% parce que vous travaillez quatre jours par semaine. Considérant que lesdits coûts grugent habituellement entre 20 à 30% de la production d’un avocat (montant facturé/ payé), il est clair que le calcul de la rémunération doit en tenir compte.

2- Équité et urgence

Une entente pour un horaire de quatre jours par semaine, si on veut qu’elle atteigne son but, devrait faire en sorte que vous soyez absente du bureau une journée par semaine. On sait tous que les avocats en pratique privée sont rarement maîtres de leur horaire. Que fait-on avec les urgences du vendredi après-midi ? Vos collègues, bien que très enclins à vous supporter, pourraient trouver inéquitable le fait qu’ils soient toujours les heureux élus. Heureusement les temps ont changé mais la nature humaine n’a pas vraiment changé, un gestionnaire de cabinet doit en tenir compte.

3- Qualité des dossiers

Il s’agit ici d’une conséquence indirecte découlant d’un horaire de quatre jours par semaine que certaines de mes amies ont vécu. Les dossiers stimulants et intéressants sont souvent aussi les plus exigeants. L’avocat senior en charge d’un dossier de ce type, bien que très bien intentionné à votre égard, désirera probablement s’entourer des avocats les plus disponibles afin de pouvoir palier à toutes éventualités. Comment le lui reprocher ? Il faudra vous faire à l’idée que certains beaux dossiers vous passeront sous le nez en espérant qu’ils ne seront pas trop nombreux.

4- Développement de clientèle

Ce dernier point dépend de votre statut présent et futur au sein du cabinet. Comme me le disait une amie, et je peux en témoigner personnellement, lorsqu’on a un enfant (surtout en bas âge) notre vie sociale se résume souvent au samedi soir et l’heure du lunch. Si vous avez ou souhaitez obtenir le statut d’associée, outre les objectifs d’heures, on vous demandera habituellement de développer ou entretenir une clientèle. Il peut être difficile d’atteindre cet objectif tout en respectant un vrai horaire de quatre jours par semaine. Pour un sociétaire, la problématique est .évidemment moindre mais un horaire réduit signifiera souvent le report du partnership si ce n’est pas purement la disparition de vos chances d’y accéder.

Ceci étant dit, ne vous découragez pas car si vous êtes prête à vivre avec ces irritants, vous trouverez probablement chaussure à votre pied car de plus en plus de cabinets vont faire des concessions afin de s’adjoindre les services d’une juriste de qualité.

En terminant, je vous suggère d’aborder la question sous l’angle d’une diminution de vos objectifs d’heures facturables plutôt que de parler de quatre jours par semaine, la pilule risque de mieux passer.

Je vous souhaite la meilleure des chances et une bonne semaine.

La Question au Recruteur

Chaque semaine, le recruteur juridique Pierre Arcand répond à une question posée par vous, chers lecteurs.

La Question au Recruteur de la semaine est choisie parmi toutes celles reçues sur le site. Toutes les questions sont bonnes pour autant qu’elles concernent votre carrière de juriste.

Sur l'auteur

Pierre Arcand s'est spécialisé en recrutement juridique après avoir pratiqué le droit pendant une douzaine d'années. Ayant été associé au sein de cabinets boutiques ainsi que d'un important cabinet de Montréal, il connaît bien la communauté juridique et les enjeux reliés à la pratique du droit tant en cabinet qu'en entreprise. Arcand et Associés, une entreprise spécialisée dans le recrutement de cadres et de professionnels, a été fondée en 1999. Pierre Arcand et son équipe apporte un soutien professionnel tant aux entreprises qu'aux cabinets qui cherchent à recruter les meilleurs candidats disponibles.
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13 commentaires

  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 8 ans
    Mon expérience
    Je crois que ça dépend également de votre type de pratique. Si vous faites du transactionnel, il vaudrait effectivement mieux demander un aménagement en termes d'heures, je crois que ça risque de mieux de passer.

    Pour ma part, je l'ai fait quelques années. Effectivement, je recevais moins que 80% de mon salaire car j'avais demandé une réduction d'heures facturables également supérieure à 20%. Donc, mon salaire était plutôt en fonction de mon objectif d'heures et était établi au pro rata (mon objectif vs celui que j'avais avant).

    Aussi, je voyais ma journée "off" comme un journée "entre-deux". Donc, j'étais à la maison, je pouvais faire quelques corvées (lavage, rendez-vous, payer les comptes, etc.) mais en même temps je travaillais généralement un peu, tranquillement chez moi. En fait, l'arrangement ne sert pas tant à avoir une journée de congé, mais plutôt à avoir congé le weekend et du temps à consacrer à sa famille... En tout cas, c'est ainsi que je le voyais.

    Bonne chance!

  2. Anonyme
    Anonyme
    il y a 8 ans
    Répondre à la question
    Bonjour! Je peux comprendre que le recruteur ne puisse donner de nom de cabinet.Considérant que les réponses ici sont anonymes, est-ce que des avocates (ou avocats) qui ont des expériences dans des grands cabinets (ou moyen et petit)peuvent parler de leurs expériences à ce sujet, positives ou négatives? Merci!

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 8 ans
      réponse
      Je ne comprends pas pourquoi vous voulez des noms. Il me semble que la réponse est assez claire. Aucun grand cabinet ne vous offrira de conciliation famille travail. Et pas grand moyen bureau non plus.

    • Avocate
      Avocate
      il y a 8 ans
      cabinets
      Chaque cabinet a sa propre politique à ce sujet et cela dépend beaucoup de la relation que vous avez avec eux avant votre départ.

      J'ai mis ma carrière de côté lorsque les enfants étaient jeunes et je ne le regrette aucunement. Maintenant que les enfants sont plus grands, je remets les bouchées doubles et je suis heureuse de le faire.

    • Avocate
      Avocate
      il y a 8 ans
      réponse
      Vous avez bien raison, il ne sert à rien de donner des noms et de parler d'expériences vécues. Chaque parcours est différent. Les avocates doivent faire preuve de créativité et doivent surtout accepter les choix qu'elles font. C'est la seule façon d'avoir une belle carrière.

  3. Isabelle
    Isabelle
    il y a 8 ans
    Travailler à la maison
    J'ajouterais ceci: dans le cas de votre lectrice, la solution réside peut-être dans la possibilité de travailler à la maison une journée ou plus par semaine.

    Je sais que plusieurs cabinets (et entreprises) offrent cette possiblité. Souvent, ce dont les gens ont besoin ce n'est pas tant d'une charge de travail moindre, mais un peu plus de flexibilité dans les horaires, surtout quand les enfants sont tout petits.

    Le simple fait de ne pas devoir absolument être "physiquement" au bureau 5 jours / semaine peut faire une énorme différence.

    Cela dit c'est rarement accordé aux avocats débutants et/ou nouvellement employés dans un bureau (Et je ne le rwecommanderais tellement pas ... Faut être vu par les associés ou les patrons: loin des yeux, loin du coeur!)
    Il faut donc attendre que les liens soient "soudés", selon moi, avant de proposer de travailler à distance.

  4. Avocate
    Avocate
    il y a 8 ans
    choix
    il est malheureusement impossible d'avoir un horaire flexible dans le domaine du droit. Les clients et les associés ont des exigences et le travail doit être fait.

    Il faut donc faire des choix adaptés à ses valeurs et ressources.

    1)Engager une nounou, une cuisinière et une femme de ménage et continuer à travailler à temps plein pour ainsi assurer notre progression et garder notre salaire élevé.

    2)Faire moins d'heures facturables mais accepter que la progression sera plus lente et le salaire sera moins élevé que ceux de nos collègue ayant fait un choix différent

    Si vous choisissez le numéro 1, il est fort possible que vous ressentiez de la culpabilité et que vous receviez des remarques désobligeantes d'amis(es) ou membres de la famille ayant fait des choix différents. Il vous faudra être forte et assumer votre choix. Vous trouverez également qu'une bonne partie de votre salaire servira aux besoins directes de la famille.

    Si vous choisissez le numéro 2, alors il est fort possible que vous ressentiez de la culpabilité et que vous receviez des remarques désobligeantes de collègues ayant fait des choix différents. Soyez forte et assumez votre choix.

    En résumé, avoir des enfants implique une réorganisation complète de votre style de vie et lorsque vous pensez avoir trouvez la solution parfaite hé bien la vie vous lance une autre épreuve ou défi et il faut recommencer. Ceci étant dit, avoir des enfants est à la fois épeurant et excitant mais aucune rémunération, aussi grosse soit-elle ne remplace la chaleur des bisous et calins et ce, peut importe l'âge de vos enfants.

    Bonne chance à toutes les futures mamans

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 8 ans
      La famille
      Vrai.

      Le fait est que les gens jugent. Tout le monde.

      Cela dit j'adorerais être jugée en tant que mère.

      Parce que les jugements auxquels les "non mères" ont droit dans le milieu de travail, c'est aussi fréquent, que cheap et sans coeur.

      Pensez-y deux minutes, avant de tenir pour une évidence que celles qui n'ont pas d'enfants "have it easy" parce qu'elles n'ont pas de bébé, et ont "juste ça à faire" de se farcir le surplus de travail laissé derrière par leux collègues en congé parental ou horaire allégé.

      En passant, on parle de conciliation "'travail-famille" ... La fameuse famille, c'est pas seulement le combo super winner "parent(s) + jeune(s) enfant(s)". C'est aussi: "enfants adultes + vieux parents et/ou frère et soeur malade", etc.

      Si vous trouvez que changer les couches d'un poupon c'est d'louvrage, pis que c'est donc épouventable d'avoir à aller chercher les kids au hockey, attendez d'avoir un adulte malade, ou incapable, à votre charge.

      Juste de même.

      (C'était la montée de lait ... d'une avocate sans enfant).

    • PP
      Wow
      Quel beau commentaire!!

    • Avocate
      Avocate
      il y a 8 ans
      choix
      Chère anonyme/avocate/sans enfant,

      Je voudrais d'abord vous donner un gros calins car il semble que vous en ayez bien besoin. Je ne connais pas votre histoire tout comme vous ne connaissez pas la mienne ni celle des autres. En fait, la seule histoire que nous connaissons est la nôtre et c'est pour cela que nous devons faire des choix en fonctions de nos besoins et ressources.

      Vous semblez être dans une situation de crise et la seule façon de vous en sortir est, selon moi, d'accepter votre situation et de trouver des solutions pour alléger votre charge de travail. Il existe toute sorte d'aide. Soyez créative

      Bon courage xx

    • Avocate
      Avocate
      il y a 8 ans
      Je t'aime
      Tu as fait ma journée.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 8 ans
      c'est vrai
      C'est un très bon point - on n'y pense pas assez souvent, mais on devrait, puisqu'on y passera tous un jour ou l'autre, enfants ou sans enfant. Merci de votre commentaire.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 8 ans
      re choix
      Oh, le joli petit ton "passif-agressif" ...

      C'est à la mode, non? C'est partout sur twitter et FB ... Ça vient d'où, ou juste?

      Je digresse.

      Ne vous en faites pas pour moi, ma carrière va bien - à l'âge où je suis, j'ai passé l'étape de me faire "dumper" du travail non souhaité sur le dos.

      Et je suis maintenant dans une position hiérarchique où les commentaires désobligeants sur le fait que j'ai pas eu d'enfants, et bien on n'a plus le front de me les dire en pleine face.

      Les autres avocats (clients et collègues) de mon âge ont, quant à eux, assez de vécu pour ne plus juger les femmes qui ont fait des choix différents des leurs (si tant est qu'elles aient eu des choix). Et ils mettent les choses en perspective: accoucher, c'est super beau pis toutte, mais c'est la nature et le personnel de l'hosto qui fait 99% du boulot, fait que, hein, on en revient?

      Et ma vie - là, accrochez-vous bien à votre chaise, parce que vous n'en reviendrez juste pas: va BIEN, même si ** horreur ** j'ai pas enfanté, et même si mes parents vieillissent et ont besoin de mon aide et celle de mon frère.

      Et ça, c'est juste de la "vie ordinaire. de sorte que je sacre patience à mon employeur, clients et collègue avec ma situation personnelle et familiale.

      Cela étant dit, au début de ma carrière, j'ai terriblement souffert des méchancetés dites au sujet des gens qui n'ont pas d'enfant. Je suis loin d'être seule.

      Et je suis convaincue que la plupart des gens qui balançaient des commentaires méchants n'avaient absolument pas conscience d'être blessants.

      C'était là le but de mon commentaire: un petit rappel à tous, à l'effet qu'il y a une vie très pleine en dehors de la parentalité (dont celle de s'occuper de ses parents / sa fraterie), que les collègues ne nous doivent rien du simple fait qu'on a accouché.

      Voilà. Bonne journée tout le monde.

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