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Pokémon Go : quelles implications juridiques?

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Julien Vailles

2016-07-13 13:15:00

Vous n’avez pas pu échapper au phénomène Pokémon Go. Mais savez-vous quels sont les enjeux juridiques liés au jeu? Des avocats se prononcent …

Me Brian A. Garneau, avocat spécialisé notamment en responsabilité civile chez Bouchard Pagé Tremblay
Me Brian A. Garneau, avocat spécialisé notamment en responsabilité civile chez Bouchard Pagé Tremblay
Le jeu Pokémon Go est devenu viral en quelques jours, même au Canada où il n'est pourtant pas officiellement disponible. Ce jeu en « réalité augmentée géolocalisée » permet de capturer, dans des endroits réels, les créatures qui ont tant frappé l'imaginaire de la jeune génération dans les années 1990.

Le concept de base n'a pas changé : le joueur se promène et rencontre des Pokémon au hasard, qu'il peut essayer de capturer. Il est ensuite amené à les entraîner pour se battre contre d'autres joueurs. La nouveauté, c'est qu'au lieu d'un monde fictif, le joueur fait maintenant ses recherches dans le monde réel. Il se retrouve donc à rechercher des Pokémon au Parc Lafontaine, combat dans une arène fictive à la Place Richelieu et peut faire une halte au « Pokéstop » du Métro Peel.

Si le jeu a rapidement causé une frénésie chez les jeunes de vingt à trente ans, il soulève aussi des préoccupations d'ordre juridique, que les avocats à travers le monde mettent en lumière. Lesquelles?

1. La propriété privée:

Tel qu'énoncé plus haut, le jeu Pokémon Go inclut et des arènes et des haltes Pokémon qui se révèlent utiles pour les joueurs. Ces lieux fictifs sont disséminés au hasard à l'emplacement réel de restaurants, de parcs, de cimetières, d'arénas...et de domiciles privés. Cela engendre une affluence inhabituelle sur la propriété de certaines personnes.

La présence de ces éléments sur des propriétés privées pourrait potentiellement causer des dommages aux propriétaires. Qu'arrive-t-il lorsqu'il se forme des attroupements à répétition devant la propriété d'une personne? Au Québec, c'est vers les réglementations municipales qu'il faut se tourner à ce sujet, révèle à Droit-inc Me Brian A. Garneau, avocat spécialisé notamment en responsabilité civile chez Bouchard Pagé Tremblay.

Il en va autrement lorsque des joueurs se présentent régulièrement sur des terrains privés. Dans ce cas, un propriétaire serait fondé de demander une injonction obligeant le concepteur du jeu à retirer de son emplacement l'attraction qui fait l'objet de cet achalandage, déclare Me Garneau. Cependant, ce recours serait plus ou moins approprié compte tenu des délais requis pour finalement obtenir l'injonction, tempère-t-il. Une mise en demeure à cet effet pourrait généralement suffire, estime l'avocat.

2. L'exclusion de responsabilité:

Me Luc Thibaudeau, associé chez Lavery et spécialisé en droit de la consommation
Me Luc Thibaudeau, associé chez Lavery et spécialisé en droit de la consommation
Les concepteurs s'excluent également de toute responsabilité pour le préjudice causé par l'utilisation de l'application.

Rappelons qu'au Québec, on peut exclure sa responsabilité pour un dommage matériel, mais pas pour un dommage corporel ou moral. Dans la mesure où un tel dommage était causé à un usager, la société conceptrice pourrait voir sa responsabilité retenue malgré un avis dans l'écran d'ouverture du jeu qui rappelle de toujours regarder devant soi!

Du reste, il est difficile de voir une situation où cette responsabilité prendrait effet, parce qu'on s'attend d'un individu à ce qu'il soit raisonnablement prudent et que s'il ne l'est pas, on ne peut l'imputer à la société conceptrice du jeu, analyse Me Garneau. « Peut-être que si une attraction était située sur un lieu dangereux, comme un stand de tir ou un camp de chasse, la chose serait différente, mais encore une fois, une personne raisonnable ne s'aventure pas au milieu d'un tel endroit pour trouver des Pokémon! » indique-t-il.

3. La clause d'arbitrage:

Les termes et conditions du jeu prévoient une clause d'arbitrage obligatoire, rappelle le site Law Newz. Cette clause a pour effet de soustraire tous les litiges éventuels à la juridiction des tribunaux. Ainsi, les joueurs qui ont un problème juridique avec la société doivent obligatoirement aller en arbitrage, sauf s'ils envoient une notice signifiant qu'ils refusent de donner effet à cette clause.

Cependant, au Québec, la Loi sur la protection du consommateur (LPC) interdit ce genre de pratique à son article 11.1 : « Est interdite la stipulation ayant pour effet (...) d’imposer au consommateur l’obligation de soumettre un litige éventuel à l’arbitrage ». Cela veut-il pour autant dire que la clause d'arbitrage n'aurait pas d'effet au Québec?

Pas forcément, répond Me Luc Thibaudeau, associé chez Lavery et spécialisé en droit de la consommation. Se référant au jugement de la Cour supérieure St-Arnaud c. Facebook, il indique à Droit-inc que comme l'accès à Pokémon Go est gratuit, un juge risque de conclure qu'il n'y a pas de contrat de consommation, et partant, que la LPC ne s'applique pas.

4. Les risques de vols:

Dernier élément mais non le moindre, on mentionne de nombreux vols liés à l'utilisation de l'application. Certains utilisateurs placent sur la carte, dans des endroits isolés, des éléments destinés à attirer d'autres joueurs à cause de la présence potentielle de Pokémon. Arrivés sur place, les joueurs attirés se font alors détrousser par les autres! Il faut donc demeurer prudent si on tient à son portefeuille et à son téléphone.
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