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Accès à la justice : « Le Barreau est plus le problème que la solution »

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Delphine Jung

2017-02-20 11:15:00

Avec l’arrivée des nouvelles technologies, des avocats demandent au Barreau de revoir sa mission et d’embrasser le virage numérique...

Me Alexandre Shee est analyste à Real Ventures
Me Alexandre Shee est analyste à Real Ventures
Pour Me Alexandre Shee, analyste à Real Ventures, une compagnie qui investit financièrement dans des start-up, le constat est sans appel : « Le Barreau du Québec est plus le problème que la solution ».

Depuis trop longtemps, il place la protection du public comme sa priorité et c’est là que le bât blesse pour Me Shee. « La protection du public créé un monopole du savoir et de l’action juridique de la part des avocats », explique-t-il. Il n’y a que les avocats, dit-il, qui peuvent émettre un avis juridique.

Cette situation prive ainsi une grande partie de la population d’un accès à la justice. Les coûts d’une consultation juridique sont souvent pointés du doigt. « Comment peut-on dire alors qu’on vit dans une société de droit? Comment protéger le public si personne n’a accès à la justice? », s’interroge l’analyste.

Résultat, « 88,3% des gens ne veulent plus ou ne veulent pas faire appel aux services d’un avocat », en raison des tarifs prohibitifs, dit Me Alexandre Désy, fondateur du site On règle, une plateforme de règlement de litige en ligne.

Protection démesurée

Alexandre Shee pousse le raisonnement encore plus loin : « La protection du public oblige les avocats à avoir une assurance responsabilité pour leur travail. À cause de cela, ils vont écrire un mémo de 10 ou 30 pages pour répondre à une question simple, parce qu’ils veulent se protéger et qu’ils ne veulent pas être poursuivis eux-mêmes. On est rendu dans un niveau démesuré de protection comparé aux besoins ».

La bâtonnière du Québec, Me Claudia Prémont, met l’accent sur la valeur ajoutée que représente l’avocat grâce à la formation qu’il suit. « Avoir un monopole n’est pas une notion protectionniste, dit-elle. Je parlerais plutôt de compétence, d’expertise. Cela permet de s’assurer que le public ne se tournera pas vers un charlatan qui risque d’empirer sa situation. »

Mais cette valeur ajoutée semble finalement être une création du système juridique lui-même, puisqu’il est à l’origine de ce besoin d’expertise : « Les complexités du système juridique ont été créées par l’homme, car nous écrivons les lois, nous pratiquons le droit et nous l’appliquons », renchérit Me Shee. « On a choisi le système dans lequel on est », ajoute Me Désy.

Miser sur les nouvelles technologies

Tous les deux misent sur les nouvelles technologies pour permettre la démocratisation du droit. « C’est impossible pour un avocat de connaître toutes les lois, lire tous les jugements et savoir toutes les conclusions potentielles de la causes qu’ils vont plaider. Les avancées, comme l’intelligence artificielle, permettent à un ordinateur d’analyser un nombre incroyable de donnée », assure-t-il.

Alexandre Désy utilise les nouvelles technologies pour mettre en place sa plateforme qui permet aux avocats de faire leur révolution industrielle et « de passer de l’artisanat à la chaîne de montage » en proposant des solutions uniformes.

Des efforts

De son côté, le Barreau se défend de se traîner les pieds : « On fait plusieurs efforts en soutenant Éducaloi par exemple, on souhaite aussi l’intégration de notions de droit dans le processus scolaire », explique la bâtonnière, tout en admettant que l’institution ne met pas d’argent dans le démarrage de cabinet innovant. « Nous prenons le virage numérique, nous revoyons notre façon de faire et notre offre », ajoute-t-elle en rappelant que protéger le public et donner un meilleur accès à la justice en même temps est possible.

Ces efforts sont salués par Alexandre Shee mais ne vont pas assez loin selon lui. Même son de cloche chez Alexandre Désy qui souhaiterait que le Barreau encourage plus le développement d’un environnement propice aux évolutions technologiques.

Autre préoccupation : ces avancées présentent-elles un risque pour la profession? Pas vraiment, d’après Alexandre Shee qui pense que le but n’est pas d’éliminer l’avocat, mais plutôt de changer son rôle pour qu’il devienne plus un médiateur, un conciliateur.

« L’avocat ne pourra pas juste être un médiateur », répond Me Prémont.

En tout cas, le Barreau est prévenu, conclut Alexandre Shee : « S’il n’embrasse pas les nouvelles technologies, il ne servira plus à rien ».
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9 commentaires

  1. Oyoyoy
    Oyoyoy
    il y a 7 ans
    Oyoyoy
    10 à 30 pages pour une question simple? Soit que Me Shee n'a jamais pratiqué de sa vie, soit je dois comprendre que je suis d'une efficacité ahurissante!

    Pour ce qui est de la conciliation et de la médiation, il s'agit d'un outil qui dans nombre de cas pourra se révéler efficace. Maintenant, croire que c'est la solution à tout, cela relève de la pensée magique. Une conciliation ou une médiation, dans la majorité des cas, implique un abandon partiel de son droit, et cet abandon à un coût pour le justiciable, un sujet qui est rarement abordé semble-t-il.

    Finalement, pour ce qui touche les nouvelles technologies, il s'agit d'une problématique complexe qui va plus loin que la simple dérèglementation. Il faudra pousser un peu plus loin la réflexion que de soutenir qu'ils "ont été créées par l'homme".

  2. Anonyme
    Anonyme
    il y a 7 ans
    Joker
    "Il n’y a que les avocats, dit-il, qui peuvent émettre un avis juridique."

    Non, les notaires le font aussi.

    Par ailleurs, il n'y a qu'un plombier détenteur de carte de compétence qui peut faire de la plomberie chez autrui, qu'un électricien détenteur de cartes qui peut légalement installer un système électrique chez autrui etc. Même un peintre en bâtiment doit détenir des cartes.

    Mais le droit, c'est plus facile, laissons n'importe qui en faire, libre marché aucune restriction etc.

    « La protection du public oblige les avocats à avoir une assurance responsabilité pour leur travail. À cause de cela, ils vont écrire un mémo de 10 ou 30 pages pour répondre à une question simple, parce qu’ils veulent se protéger et qu’ils ne veulent pas être poursuivis eux-mêmes. On est rendu dans un niveau démesuré de protection comparé aux besoins »

    Pour avoir accès à mon compte Itunes je dois lire des pages et des pages d verbiage, mais un avis juridique devrait être transmis en quelques lignes? Ce gars là ne semble pas avoir pratiqué beaucoup. D'accord pour faire la recherche, mais le bon avocat ne donnera pas un mémo de 10 pages, il va résumer le tout. Cependant afin d'éviter les ennuis il va tout de même cerner le mandat et donner les limitations. C'est pour éviter les malentendus et c'est nécessaire.

  3. Anonyme
    Anonyme
    il y a 7 ans
    .
    Absolument d'accord avec les propos et l'article. Bravo pour la prise de parole.

    Il sera maintenant intéressant de voir les dinosaures du Barreau se débattre.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 7 ans
      Full of it
      I am not a dinosaur but even with my few years of experience I know that mediation and conciliation will not yield the results that you want if you do not have the threat of litigation behind it. Litigation does not always result from misunderstandings, some people deal in extremely bad faith and this idea that you should abdicate your rights or part of them because the other party chooses to contest is the essence of injustice. Make this easier to do, you will have another form of injustice.

  4. Alain Manseau
    Alain Manseau
    il y a 7 ans
    avocat
    Moi qui a toujours cru qu'en matière criminelle les plaideurs du ministère public étaient exclusivement des PPCP ou dans certains dossiers des procureurs de la Couronne fédérale ... eh bien, j'en apprends à tous les jours.

  5. Anonyme
    Anonyme
    il y a 7 ans
    Il faut vraiment ne pas connaître le marché pour raconter des balivernes pareilles
    Personnellement je fais mes devoirs et je m'assure de connaître mes affaires avant de chercher la médiatisation. Dommage que ce principe ne vaille pas pour tout le monde.

  6. Anonyme
    Anonyme
    il y a 7 ans
    10 à 30 pages pour une question simple
    Vous pratiquez comme vous le voyez mais ce n'est pas pour cela que tout le monde envoie des opinions juridiques de 10 à 30 pages pour une question simple. Ne mettez pas le fardeau sur les épaules de vos collègues si vous n'aimez pas ce que vous faites ou là où vous le faites. Je suis désolé mais je suis enragé que vous vous permettiez de dénoncer une profession dans sa totalité parce que, dans votre travail, vous perdez le temps et l'argent de tous à faire des opinions de 10 à 30 pages pour rien. C'est vraiment du grand n'importe quoi votre article.

  7. Anonyme
    Anonyme
    il y a 7 ans
    BS...
    Me Shee,

    Je connais actuellement un accroissement de transferts de clientèle. C'est à dire des dossiers de clients qui sont représentés ou ont été représentés par un avocat cheap qui n'a pas su les représenter ou les conseiller correctement. Ils ont certes eu un service à rabais mais la qualité du service aussi.

    SVP Me shee, n'hésitez pas à mettre à terre l'institution du Barreau plutôt que de la défendre. Les clients iront chez les avocats à rabais pour se faire faire n'importe quoi dans le dossier, le rendre possiblement plus complexe afin de me permettre ensuite de facturer plein pot pour corriger la situation en prenant 20 heures de ce qui en aurait pris initialement 5.

    Vous comprendrez qu'il s'agit de sarcasme Me Shee mais à trop vouloir réformer dans tout les sens, on finit par faire n'importe quoi. Demandez à nos voisins du sud et la tornade orange qui les menacent.

    Et puis comme un dit... la modération a bien meilleur goût.

  8. Isabelle
    Isabelle
    il y a 7 ans
    Mais on a Éducaloi
    Je pense que peu de gens se sont attardés à cette partie du texte:

    "Mais cette valeur ajoutée semble finalement être une création du système juridique lui-même, puisqu’il est à l’origine de ce besoin d’expertise : « Les complexités du système juridique ont été créées par l’homme, car nous écrivons les lois, nous pratiquons le droit et nous l’appliquons », renchérit Me Shee. « On a choisi le système dans lequel on est », ajoute Me Désy."

    Là-dessus je suis totalement d'accord avec Me Shee. J'en ai assez d'entendre parler les juristes du système et du droit comme s'il s'agissait d'une fatalité tombée du ciel avec laquelle ils n'ont rien à voir.

    Je l'ai déjà dit et je le répète: ne pas avoir accès à la justice, c'est ne pas avoir les mêmes droits que les autres. Concrètement, ça signifie que les droits existant dans les lois et règlements sont accordés à certains et pas à d'autres, en fonction de du chiffre en bas de son talon de paie.

    C'est très grave; le problème est vaste, et sa source est profonde.

    Que des avocats ne s'en préoccupent pas, comme la plupart des gens qui commentent plus haut, c'est une chose. Mais le Barreau ? Le Barreau dont la RAISON D'ËTRE est de protéger le public? Madame la Bâtonnière qui souligne l'existence d'un gadget comme Éducaloi* et de la valeur ajoutée des services juridiques? La "valeur", elle est ajoutée à quoi, au juste, pour la majorité des citoyens qui ne peuvent se payer les frais juridiques ? Ajoutée à rien, ça vaut que dalle !

    Regardez les règles de preuve et de procédure, puis venez me dire qu'elles sont toutes essentielles et qu'il n'y avait pas moyen de simplifier le tout, mais alors là, absolument pas moyen?

    Pensez un instant à la grande communauté juridique - avocats, notaires, juges. Pensez à tout ce que ce beau monde compte d'intelligence, de créativité, de pouvoir et d’argent … Ce monde ne fait rien, parce qu’il n'y a aucune volonté en ce sens, voilà tout.

    Mais on a Éducaloi.

    Youpi.


    * C'est très bien, Éducaloi. Vraiment. La question n’est pas là, vous l’aurez compris.

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