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Non, l'enquête préliminaire n’est pas désuète !

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Jean-francois Parent

2017-03-21 15:00:00

Il est faux de dire que la procédure cause des retards, affirme l'Association du Barreau canadien.

Jody Wilson-Raybould, ministre fédérale de la Justice
Jody Wilson-Raybould, ministre fédérale de la Justice
Récemment, plusieurs ministères de la Justice provinciaux ont réclamé à Ottawa l'élimination de l'enquête préliminaire.

Invoquée lors de crimes graves, « c'est une procédure ancienne instituée à l'époque où les accusations n'étaient pas nécessairement déposées par des juristes, pour vérifier si on avait suffisamment de preuves pour justifier un procès », soutenait récemment la juge en chef de la Cour du Québec Lucie Rondeau à la première chaîne de Radio-Canada. La magistrature québécoise planche actuellement sur une révision en profondeur de la procédure, jugée trop lourde.

Mais voilà, dans une lettre envoyée la semaine dernière à la ministre fédérale de la Justice Jody Wilson-Raybould, l'ABC qualifie de « hautement spéculative » la relation de cause à effet entre les enquêtes préliminaires et les délais judiciaires.

L'ABC contre-attaque

Me Loreley Berra, présidente de la section du droit pénal de l’ABC
Me Loreley Berra, présidente de la section du droit pénal de l’ABC
« L’enquête préliminaire semble réduire l’utilisation de ressources judiciaires (…) soit en éliminant les accusations faibles », qui soutient que son rapport coûts-bénéfices est immense, écrit Loreley Berra présidente de la section du droit pénal de l’ABC dans sa missive datée du 14 mars.

L'ABC plaide donc pour le maintien de l'enquête préliminaire, expliquant qu'elle n'est utilisée que dans 25 % des causes qui y sont admissibles, et la totalité de ces causes « ne dépasse pas 5 % du volume total des causes, et ce, n’importe où au Canada », écrit Me Berra.

Selon les données de l'ABC, « les enquêtes préliminaires ne constituent qu’au plus 2 % des comparutions (et) la grande majorité des enquêtes préliminaires prennent deux jours ou moins ».

La procédure limiterait également les retards, notamment parce qu'une « erreur commise à cette étape peut être corrigée, ce qui permet d’éviter d’éventuels retards » plus tard en cours de procès.

Enfin, « l’élimination de l’enquête préliminaire négligerait les vrais problèmes d’efficacité », poursuit l'ABC, qui affirme que l'idée selon laquelle on réglerait les problèmes soulignés dans l’arrêt Jordan est « spécieuse ».

Une stratégie essentielle

Me Jean-Claude Hébert
Me Jean-Claude Hébert
Pour le criminaliste québécois Didier Samson, l'enquête préliminaire est un outil important dans l'arsenal des avocats de la défense. « Ça sert surtout pour la défense afin d'établir ce que la preuve est, et surtout ce qu'elle n'est pas », fait-il valoir.

Ainsi, il arrive en cours d'enquête préliminaire que l’on découvre que toute la preuve n’a pas été divulguée. « Stratégiquement, c'est essentiel pour nous », poursuit Me Samson. Il observe par contre que la procédure peut tout aussi bien servir la couronne, qui voudra par exemple valider sa preuve avant d'aller à procès, et s'assurer ainsi d'avoir une condamnation.

En outre, la procédure « permet d'alléger la lourdeur du processus de divulgation de la preuve », explique Didier Samson. La défense devant parfois faire plusieurs demandes consécutives pour obtenir toutes les preuves pertinentes à l'élaboration de sa stratégie, l'enquête préliminaire se trouve, dans les faits, à réduire le risque d'avoir de longs délais.

D'ailleurs, dans une entrevue donnée à Droit-Inc juste avant les Fêtes, le criminaliste Jean-Claude Hébert identifiait plusieurs facteurs qui alourdissent inutilement la justice. « La divulgation de la preuve par exemple, alors qu’on nous fournit tout, revient à chercher une aiguille dans une botte de foin. Dans les milliers de documents soumis, on ne sait pas ce qui est vraiment important », déplorait-t-il.
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