Karim Renno

Quand s’applique le secret relatif au litige?

Main image

Karim Renno

2017-08-02 13:15:00

Il ne trouvera application que si la préparation du litige a été l’objet principal de la préparation du document en cause...

Le jeune super plaideur Me Karim Renno
Le jeune super plaideur Me Karim Renno
Comme vous le savez peut-être, le secret relatif ne peut trouver application que dans la mesure où un document a été préparé pour les fins du litige. Ce seul fait n’est cependant pas suffisant. En effet, comme l’indique l’Honorable juge Marie-France Bich dans la décision récente qu'elle a rendu dans l'affaire ''Syndicat lofts Wilson c. Constructions Reliance du Canada ltée'' (2017 QCCA 1082), le secret relatif au litige ne trouvera application que si la préparation du litige a été l’objet principal de la préparation du document en cause, et non simplement un des objets.

Dans cette affaire, la Requérante a institué un recours contre l’Intimée et certains des mis en cause par laquelle elle réclame le coût des réparations faites ou à faire afin de remédier aux vices et malfaçons affligeant un immeuble détenu en copropriété divise.

Dans le cadre d'un interrogatoire préalable, l'avocat de l'Intimée demande la production d’un rapport d’inspection qui aurait été remis à la Requérante en août 2012, mais dont seule une version ultérieure, datée du 22 octobre 2012 a été produite au soutien de la demande introductive d’instance. Se fondant sur le privilège relatif au litige, l’avocat de la Requérante s’objecte à cette demande.

Le juge de première instance (l'Honorable juge André Prévost) rejette cette objection, d'où la requête pour permission d'en appeler de la Requérante.

La juge Bich rejette la demande de permission principalement parce que l'appel n'aurait pas de chance raisonnable de succès. En effet, pour qu'un document soit couvert par le privilège relatif au litige, son objet principal doit être été la préparation du litige, ce qui n'est pas le cas en l'espèce:

(7) En l’espèce, le juge de première instance constate que, dans les faits, le rapport d’inspection, dans sa version du 22 août 2012, n’a pas été demandé ou préparé dans le cadre du litige (l’action n’ayant été intentée qu’en 2015, après des dénonciations et mises en demeure de 2014) et qu’il ne l’a pas été non plus en vue de ce litige, c’est-à-dire en considération d’un litige qui pouvait être raisonnablement appréhendé à l’époque. Il a plutôt été confectionné dans le cadre de la passation des pouvoirs, si l’on veut bien permettre cette expression, du promoteur (l’intimée en l’occurrence) à la requérante (un syndicat de copropriétaires), après la perte de contrôle du premier sur la seconde (art. 1104 et s.C.c.Q.) et dans « l’exercice d’une vérification ou inspection dans le cours normal de la procédure généralement suivie après qu’une construction ait été complétée pour déterminer les déficiences à corriger ». Un tel exercice est en effet d’usage (et, pourrait-on ajouter, de mise) au terme de la transition promoteur-syndicat, vu notamment les art. 1077 et 1081 C.c.Q.

(8) Le fait que, au moment où elle a commandé l’inspection et le rapport qui a suivi, en août 2012, la requérante ait pu envisager la possibilité d’un recours contre l’intimée ou les mis en cause ne signifie pas que l’objet principal de ce rapport (par contraste avec l’objet important, qui ne suffit pas) ait été la préparation d’un litige raisonnablement appréhendé au sens de l’arrêt Blank ou en prévision d’un tel litige. Autrement dit, la perspective d’un litige éventuel, par opposition à un litige prévisible, ne peut justifier l’extension de la zone de confidentialité rattachée au privilège, comme le voudrait la requérante.

(9) En somme, l’on ne se trouve pas ici dans cette zone, l’objet principal de la confection du rapport d’août 2012 n’étant pas la préparation d’un litige raisonnablement appréhendé. C’est en tout cas la conclusion factuelle du juge de première instance et rien dans la requête pour permission d’appeler ou les explications données par la requérante à l’audience ne permettrait de statuer autrement ou serait de nature à soulever à ce propos un doute sérieux qu’il conviendrait de dissiper en soumettant l’affaire à la Cour pour un examen plus approfondi.


Me Karim Renno est associé fondateur du cabinet Renno Vathilakis Inc. Il est le fondateur et rédacteur en chef du blogue juridique À bon droit où il publie quotidiennement des billets de jurisprudence.

21715

3 commentaires

  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 6 ans
    Le super plaideur vient de manger une volée...
    https://torrentfreak.com/tvaddons-returns-ugly-war-canadian-telcos-kodi-addons-170801/


    "The Judge went on to note that from their own mouths, the Anton Piller order was purposely designed by the plaintiffs to completely shut down TVAddons, despite the fact that only a tiny proportion of the add-ons available on the site were allegedly used to infringe copyright.

    “I am of the view that [the order’s] true purpose was to destroy the livelihood of the Defendant, deny him the financial resources to finance a defense to the claim made against him, and to provide an opportunity for discovery of the Defendant in circumstances where none of the procedural safeguards of our civil justice system could be engaged,” Judge Bell wrote."


    Outch!

    • Avocat
      Avocat
      il y a 6 ans
      ?
      J,ai lu l'article, et je comprends au contraire que Me Renno représente TVAddons, et que cette dernière est donc défenderesse.

    • Karim Renno
      Karim Renno
      il y a 6 ans
      Re: une volée...
      Nous représentons le défendeur cher Anonyme. Nous avons gagné dans cette décision (qui est par ailleurs en appel, je dois le souligner).

      Pas certain pourquoi vous sembliez prendre plaisir à penser que j'avais "manger une volée", mais bon.

      Bonne journée,

      Karim

Annuler
Remarque

Votre commentaire doit être approuvé par un modérateur avant d’être affiché.

NETiquette sur les commentaires

Les commentaires sont les bienvenus sur le site. Ils sont validés par la Rédaction avant d’être publiés et exclus s’ils présentent un caractère injurieux, raciste ou diffamatoire. Si malgré cette politique de modération, un commentaire publié sur le site vous dérange, prenez immédiatement contact par courriel (info@droit-inc.com) avec la Rédaction. Si votre demande apparait légitime, le commentaire sera retiré sur le champ. Vous pouvez également utiliser l’espace dédié aux commentaires pour publier, dans les mêmes conditions de validation, un droit de réponse.

Bien à vous,

La Rédaction de Droit-inc.com

PLUS

Articles similaires