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Les Canadiens ont-ils encore accès à la justice ?

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Jean-francois Parent

2017-09-18 11:15:00

Rares sont ceux qui utilisent le système judiciaire officiel pour résoudre leurs problèmes juridiques, dit une étude...

Trevor Farrow, président du CFCJ.
Trevor Farrow, président du CFCJ.
Dans les trois prochaines années, 40 % des Québécois vont vivre un problème issu de la vie quotidienne qui nécessitera un traitement juridique.

Ce sont donc 2,5 millions de Québécois âgés de 18 ou plus pour qui un problème courant comportera une solution juridique.

Pour le Canada, cette proportion passe à 48 %, affectant 11,4 millions de personnes. Les coûts? Plus de 7 milliards dollars par année.

« L'accès à la justice civile est le grand oublié des discussions. On parle beaucoup de justice criminelle avec l'arrêt Jordan, mais le fait est que les gens, au quotidien, ont surtout besoin d'une meilleure accessibilité à la justice civile », observe le président du Forum canadien sur la justice civile Trevor Farrow.

Le professeur à la fac de droit Osgoode Hall de l'Université York préside un groupe d'experts qui vient de compiler une vaste étude, menée sur cinq ans auprès de 3000 personnes, qui a mesuré la fréquence et les façons dont les citoyens vivent leurs problèmes de justice civile, ainsi que les coûts qui s'y rattachent.

Des coûts exhorbitants

« On y consacre en moyenne 6 100 $ par année, ce qui représente 3 fois ce qu'on dépense pour la santé », explique Trevor Farrow.

Et c'est presque autant que ce qu'on dépense chaque année pour la nourriture, à laquelle un ménage consacre 7 700 $.

« On ne parle pas non plus des coûts connexes, poursuit le professeur Farrow : nous estimons que la justice des problèmes quotidiens coûte à l'État 800 millions $ par an. » On parle ici de problèmes de santé, d'absence du travail, de besoins en services sociaux et de toute une panoplie de dépenses qu'on n'aurait pas à engager si on ne devait pas régler une problème par la voie juridique.

À l'aide d'un sondage mené auprès de plus de 3000 répondants à travers le pays, les chercheurs relatent l'expérience des citoyens avec le système juridique.

Les problèmes quotidiens qui nécessitent un traitement juridique sont relatifs à la consommation (22%), à l'endettement (21 %) et aux problèmes d'emploi (16%).

Les problèmes avec les voisins (10%), la discrimination (5,6%) et les problèmes familiaux (4,6) comme le divorce ou la garde des enfants suivent.

Peu de recours au système

Premier constat : rares sont ceux qui utilisent le système judiciaire officiel pour résoudre leurs problèmes juridiques. Des quelque 1400 personnes sondées qui disent avoir subi un ou plusieurs problèmes quotidiens, seulement 7 % dit avoir eu recours aux tribunaux.

Cette proportion augmente à 9 % au Québec. « Cela dénote à quel point la justice est inaccessible », soutient Trevor Farrow.

Les Québécois qui ont un besoin d'information juridique sollicitent un avis auprès d’avocats dans une proportion de 19 %. Ils sont 28 % à demander l'aide d'un syndicat ou d'un groupe de défense. Et le tiers utilisent internet.

Les avocats appréciés... mais dispendieux

Ceux qui font appel à un avocat sont en général satisfaits, révèle le sondage : seulement 16,8 % des Canadiens estiment que les conseils prodigués par les avocats ne leur ont pas été utiles. Au Québec, cette proportion atteint 17, 6 %.

Selon la province, le taux de satisfaction envers les services offerts par les avocats est de 80 à 85 %.

Entre le tiers et la moitié des répondants, selon les provinces, n'ont pas jugé utiles les infos juridiques glanées sur Internet.

Les coûts indirects, sous-estimés

Sans grande surprise, les avocats rognent 22 % du budget consacré à la justice. Par contre, le transport, en 2e place, cause la surprise : il occupe 16 % des dépenses.

Viennent ensuite l'achat de matériel, les copies et les impressions (13% des coûts), les frais judiciaires (11%) et les conseillers et les médiateurs (10%). Cela fait dire à Trevor Farrow que les coûts indirects sont sous-estimés.

Autre conclusion surprenante : de ceux qui ont dépensé de l'argent pour résoudre leur problème, 41 % ont trouvé le résultat équitable. Cette proportion augmente à 61 % chez ceux qui n'ont pas dépensé un sou.

Ça n'illustre pas qu'il ne sert à rien de dépenser pour obtenir justice, cautionne Trevor Farrow. « Mais c'est clair que l'équation entre les sommes dépensées, l’équité perçue et les résultats n'est pas toujours vraie. »

La grande conclusion à tirer de l'étude, selon lui: « Si on prenait la justice beaucoup plus au sérieux dès les débuts du processus, et qu'on mettait des ressources pour en améliorer l'accès, on s'éviterait bien des soucis, et bien des coûts ».
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