Carrière et Formation

Gros salaire... grosse dépression ?

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Jean-francois Parent

2017-11-09 14:45:00

Les avocats qui gagnent beaucoup d’argent sont aux prises avec des taux élevés de problèmes de santé mentale. Entre autres...

La chercheuse Ronit Dinovitzer
La chercheuse Ronit Dinovitzer
Qu'ils pratiquent en petit ou en gros cabinet, les hauts salariés sont stressés, surmenés, ils estiment avoir une mauvaise qualité de vie, et souffrent de problèmes de santé, tant physiques que mentales, selon une étude canadienne.

L'an dernier, une étude épidémiologique publiée par le Journal of Addiction Medicine et reprise dans Droit-inc posait des constats troublants : des 12 825 avocats américains travaillant en pratique privée, le tiers (28%) disaient souffrir de dépression, 19 % affichaient des troubles anxieux et 20 % échouaient des tests de dépistage montrant une alcoolémie « dangereuse , nocive, et montrant un potentiel de dépendance ».

Puis, cette année, re-belotte, mais au Canada cette fois. Une autre étude épidémiologique portant sur une étude longitudinale de quelque 7500 avocats de pratique privée présentait des observations tout aussi catastrophiques : non seulement l'incidence de problèmes de santé mentale est-elle plus présente chez les hauts salariés des grands cabinets, mais un haut revenu ne garantit en rien un meilleur état de santé général.

Bien au contraire, constate la chercheuse Ronit Dinovitzer, qui enseigne à l'Université de Toronto et à la faculté de droit de Harvard. Les études qu'elle a analysées comportaient des questionnaires soumis à la cohorte de 1100 finissants des écoles du barreau au Canada en 2010 qui se sont retrouvés en pratique privée. Aux États-Unis, il s'agissait de trois questionnaires échelonnés sur 15 ans soumis à 5000 finissants, de 2000 à 2010.

Si les taux de problèmes semblent moins importants au Canada, ils n'en sont pas moins présents, relève l'auteure. Ainsi, les hauts salariés américains sont en mauvaise santé, tandis que les hauts salariés canadiens n'ont aucun avantage de santé par rapport aux gagne-petit dans la population en général.

Par ailleurs, au Canada, il n'existe aucune différence statistique quant à l'impact de la taille du cabinet sur les problèmes relevés : qu'on soit en petit ou en gros cabinet, les hauts salariés sont stressés et en mauvaise santé tant physique que mentale.

Par exemple, les avocats canadiens en cabinet du premier quintile se disent surmenés dans une proportion de 47 %, par rapport à des taux allant de 20 à 30 % pour les plus bas salariés de ces mêmes cabinets.

Dans le secteur public, le surmenage est présent chez 16 % des avocats...


Un mécontentement généralisé

L'étude canadienne montre également que les diplômés des meilleures facs sont moins satisfaits de leur choix de carrière que leurs collègues des facs plus modestes : ils aboutissent dans les grands cabinets, travaillent fort et gagnent beaucoup d'argent, ce qui alimenterait une plus grande insatisfaction professionnelle.

En entrevue au magazine Canadian Lawyer, Ronit Dinovitzer concède cependant que ce n'est peut-être qu'une corrélation, et non une relation de cause à effet, car les avocats issus des écoles moins réputées peuvent aussi bien se hisser au sommet de la pyramide.

Directrice de l'implication au barreau ontarien Sabreena Delhon
Directrice de l'implication au barreau ontarien Sabreena Delhon
La mesure importante de l'enquête canadienne, c'est le mécontentement généralisé des avocats de cabinet quant à la qualité de vie qu'ils disent avoir. Elle serait pour ainsi dire nulle dans presque la moitié des cas, selon les données publiées par la chercheure dans le Journal of Health and Social Behavior.

Tout cela illustre à quel point le droit peine à aborder la question du surmenage et d'un équilibre entre la vie personnelle et professionnelle, selon Ronit Dinovitzer. Dans sa conclusion, elle constate ainsi que « pour les avocats, l'absence de cet équilibre est considéré comme normal. Et c'est aussi un des plus importants facteurs de problèmes de santé mentale ».

Pour le Barreau de l'Ontario, la santé et le bien-être des avocats sont des enjeux d'accès à la justice. Des avocats qui vont mal ne servent pas bien leurs clients, explique la directrice de l'implication au barreau ontarien Sabreena Delhon, appelée à commenter l'étude torontoise par le magazine.

« Si on n'a pas une profession juridique qui est empathique, et consciente de ses besoins quant à la santé mentale, cela impactera la qualité du service client. »
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