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Un jury représentatif, oui, mais jusqu’où ?

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Delphine Jung

2018-02-19 15:00:00

Jusqu’où doit-on aller dans la personnalisation d’un jury ? Poser la question, ce n’est pas nécessairement y répondre, disent des juristes...

Me Véronique Robert, criminaliste
Me Véronique Robert, criminaliste
L’issue du procès de Gerald Stanley, acquitté du meurtre du jeune autochtone, Colten Boushie, a divisé le milieu juridique. Certains ont déploré le fait qu’il n’y avait que des « blancs » dans le jury.

En août 2016, l’homme avait abattu avec son fusil Colten Boushie, jeune autochtone de 22 ans, sur une ferme de la Saskatchewan.

Propos déplacés

Les communautés autochtones ont rapidement réclamé un changement au système judiciaire canadien à l’annonce du verdict.

Le premier ministre, Justin Trudeau et Jody Wilson-Raybould, ministre fédérale de la Justice, ont rapidement réagi.

« Je comprends à quel point ils sont peut-être tristes ou fâchés », a dit le premier ministre Justin Trudeau après avoir rencontré la famille du jeune Boushie. « Notre système de justice en général n'a pas toujours été très favorable ou très reconnaissant de la réalité autochtone. »

La ministre de la Justice a quant à elle indiqué sur Twitter que le pays « devait faire mieux ».

Ces commentaires ont fait sourciller bon nombre de juristes.

« Je trouve leurs propos totalement déplacés. Ce n’est pas leur rôle de commenter un procès. C’est comme s’ils insinuaient qu’il y avait eu un jugement déraisonné, comme si M. Trudeau disait que les jurés se sont trompés », lance Me Véronique Robert, criminaliste.

La juge à la retraite Nicole Gibeault reproche la même chose aux politiciens, mais souligne également leur volonté de s’impliquer pour améliorer la justice.

« Je pense que c’est délicat pour le premier ministre et la ministre de la Justice de commenter un dossier en particulier, d’autant plus que le délai d’appel n’est pas dépassé », ajoute-t-elle, en rappelant que le Canada n’est pas habitué à avoir ce genre de discussion. Le débat est, selon elle, bien plus vif aux États-Unis.

Un jury représentatif oui, mais jusqu'où ?

Me Marie-Hélène Giroux
Me Marie-Hélène Giroux
La plupart des experts interrogés s’accordent pour dire qu’un jury doit être représentatif. « Notre système de justice repose sur l’impartialité du jury et sa composition en est la garantie. Il est impératif de prendre les moyens pour diversifier la composition du jury afin qu’il reflète la réalité démographique, économique et culturelle de notre société », dit un porte-parole du Barreau du Québec à Droit-inc.

« Il faut parfois revoir le processus pour s’assurer d’avoir la meilleure pratique et nous sommes disposés à collaborer avec le gouvernement si cela est sa volonté, mais on doit se pencher sur des pistes de solutions d’abord », poursuit-il.

Pourtant, Me Marie-Hélène Giroux met en garde contre les excès auxquels peut conduire cette volonté de représentativité. « On ne veut pas non plus une justice à deux vitesses. Jusqu’où doit-on aller dans la personnalisation d’un jury ? Faut-il un tribunal de Blancs pour juger les Blancs, un tribunal autochtone pour les Autochtones ? Ça peut aller loin tout ça », dit la criminaliste.

Mais encore au-delà de la représentativité en elle-même, Nicole Gibeault et Me Robert évoquent l’importance de « l’apparence de justice ».

« Je suis persuadée que s’il y avait eu au moins un ou deux Autochtones dans le jury et que le verdict aurait été le même, il n’y aurait pas eu une telle polémique, car il y aurait eu une apparence de justice », dit Véronique Robert.

Récusations péremptoires

La juge à la retraite Nicole Gibeault
La juge à la retraite Nicole Gibeault
D’ailleurs, les deux juristes évoquent aussi le fait que peu d’Autochtones, « pour les raisons qui leur appartiennent », précise la juge à la retraite, ne sont pas inscrits sur les listes électorales. Or, ce sont ces listes qui sont utilisées pour constituer un jury.

« Faut-il faire une exception pour les régions particulières ? Doit-on fait appel aux volontaires ? Mais là encore, il faudrait pouvoir vérifier l’impartialité des membres », réfléchit à voix haute Mme Gibeault.

Me Giroux suggère de son côté qu’un travail d’éducation au niveau des avocats doit être fait. « Les avocats eux-mêmes ne doivent pas discriminer dans les récusations péremptoires », dit-elle en lançant la balle dans le camp du Barreau, qui devrait s’atteler à ce problème.

Me Robert par exemple, soutient que les procureurs de la Couronne vont presque systématiquement rejeter des personnes tatouées ou percées. Chaque avocat dispose en effet de quatre, 12 ou 20 récusations péremptoires qu’il peut utiliser sans même se justifier.

Ces rejets non motivés ont beaucoup fait parler d’eux puisque c’est, selon la famille de la victime, ce qui a permis aux avocats du procès Boushie de mettre à l’écart des Autochtones.

Les trois juristes semblent désemparées devant la situation. « Ce sont des questions d’une complexité incroyable ». Me Robert avoue même humblement : « je n’ai pas d’idées sur la manière de faire… ».
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6 commentaires

  1. DSG
    rejeter des personnes tatouées ou percées
    Get out of jury duty. Here's a reason to get a tattoo that makes more sense than the usual excuses you hear. Everybody knows that person who's like "I'm getting a tattoo to commemorate the struggles of my immigrant grandmother who came here for a better life and who sacrificed so much for us."
    "So what design are you getting?"
    "A fiery dragon with a dagger through its skull."

  2. Anonyme
    Anonyme
    il y a 6 ans
    L'ère de JSW à l'assaut du système judiciaire débute...
    Dans ce type de dossier les activistes rêvent d'un jury taillé sur mesure (femme racisées "two-spirited" rescapée de l'alcoolisme et des pensionnats...) qui aurait permis de réussir dans l'arène judiciaire le même type de coup fumant que celui réalisée par Connie St-Louis contre Sir Tim Hunt.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 6 ans
      Un chapeau blanc pointu avec ça?
      Je vois que vous êtes nostaligique pour une autre époque? Celle où des jurys 100% blancs condamnaient des noirs dans des villes où une proportion significative de la population était pourtant noire.

      Je comprends qu'il y a certains états au sud des États-Unis oùu votre rêve de vivre à l'ancienne pourrait se concrétiser.

      Bonus: si tu trouves que ta soeur est cute, t'as pas à te gêner là-bas.

      p.s. si tu fais un commentaire où tu rejettes une demande qui a quand même assez de mérite pour être débattue avec une approche caricaturale, chiale pas quand on te renvoie la balle.

  3. Avocat
    Avocat
    il y a 6 ans
    Y'en a marre...
    ... des snowflakes à la con.

    Peut-être que si Boushie n'avait pas été là où il ne devait pas être en train de faire... quoi, tenter de voler un camion sur une ferme? Il serait encore vivant.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 6 ans
      t'es mieux de t'y faire...
      Et bien sûr, la peine de mort est un chatiment justifié et proportionnel pour un vol.

      Je ne connais pas assez les faits dans le cas présent pour débattre, mais de façon générale, votre façon de présenter le principe n'est pas conforme avec une société civilisée.

      Je vous suggère de chercher à immigrer dans un pays où se trouve ISIS ou peut être en Corée du Nord. Là-bas, ils ne se préoccupent pas trop des questions comme la primauté de la règle de droit et la présomption d'innocence.

  4. Aanonyme
    Aanonyme
    il y a 6 ans
    L'ignorance abonde
    « On ne veut pas non plus une justice à deux vitesses. Jusqu’où doit-on aller dans la personnalisation d’un jury ? Faut-il un tribunal de Blancs pour juger les Blancs, un tribunal autochtone pour les Autochtones ? Ça peut aller loin tout ça », dit la criminaliste Me Marie-Hélène Giroux.
    A-t-elle pris le temps de regarder les faits avant de commenter? Un juré de blancs pour juger l'accusé blanc c'est précisément ce qui s'est passé ici, la défense ayant employé ses récusations péremptoires pour exclure tous ceux à l'apparence autochtone dans une région à 40% autochtone.
    Et quant à la juge à la retraite Nicole Gibeault, elle prétend que peu d’Autochtones, « pour les raisons qui leur appartiennent » sont inscrits sur les listes électorales.
    Premièrement, ce sont seulement certaines communautés qui boudent l'inscription électorale. Deuxièmement, la liste électorale doit servir pour la liste des jurés et elle est confectionnée à partir des données de la RAMQ, donc, il ne devrait avoir aucun problème. Enfin, l'art. 42 de la ''Loi sur les jurés'' permettrait d'inscrire les Indiens en se servant de la liste de bande: Rice c. R., 2014 QCCS 4216 (CanLII),

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