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Bilinguisme: le retrait du Barreau ne règlera pas le problème

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Edmund Coates

2018-05-30 10:15:00

Le problème démocratique et constitutionnel demeure intact, dit cet avocat : nos lois ne sont pas adoptés en français et en anglais par l'Assemblée nationale...

Edmund Coates suit la question des textes anglais depuis son stage au Service de recherche et législation du Barreau du Québec
Edmund Coates suit la question des textes anglais depuis son stage au Service de recherche et législation du Barreau du Québec
La retraite du Barreau du Québec, à l'égard de son recours constitutionnel, n'apporte aucun secours au problème fondamental dans la production des textes de loi en anglais. Le Barreau propose de régler le dossier, en contrepartie de l'embauche de deux juristes, compétent en anglais, par le ministère de la Justice et en contrepartie de la fourniture de ressources additionnelles aux traducteurs de l'Assemblée nationale.

Au Québec, la rédaction des projets de lois est décentralisée. Elle s’effectue individuellement dans chacun des ministères et des organismes du gouvernement (contrairement au gouvernement fédéral et les autres provinces, qui centralisent la préparation des lois, au sein de leurs ministères de la Justice). Les juristes logés au ministère de la Justice du Québec ne sont les auteurs que des projets de loi dont leur ministre est responsable. Ainsi la grande majorité des projets de lois sont rédigés dans les autres ministères et organismes. L'embauche par le ministère de la Justice de deux juristes ne changera rien à cela. En outre, les textes anglais pour les projets de loi continueront d’être préparés par des non-juristes, au département de traduction à l'Assemblée nationale.

Certes, les projets de loi sont soumis à la surveillance bienveillante du Comité de législation, relevant du Conseil exécutif. Mais ce petit groupe de ministres n'a pas nécessairement de grandes connaissances en anglais. D'ailleurs les ministres ont une charge de travail immense. Il y a une limite sévère au temps qu'un ministre peut consacrer à l'approfondissement du dossier d'un de ses collègues ou à scruter un texte proposé.

Une fois qu'ils sont envoyés à l'Assemblée nationale, les projets de loi reçoivent souvent une foule d'amendements, assurés par le comité de l'Assemblée auquel l'étude a été confiée. Tous ces amendements seront encore traduits en anglais dans une précipitation de fin de processus, par des traducteurs non juristes et dans l'isolement inévitable d'une course contre la montre. Que luxueuses que soient les ressources technologiques fournies aux traducteurs, si brillants que soient les traducteurs, ces conditions de travail continueront de produire des textes de loi anglais médiocres.

Une main à la Maison du Barreau a remis aux journalistes un avis juridique signé par le prof Stéphane Beaulac, selon lequel il n'y avait pas de problèmes significatif avec le traitement de l'anglais à l'Assemblée nationale. Il s'agirait d'un phénomène « assez mineur », même « minimal ». Il n'est guère surprenant que l'on puisse dénicher un avis de cette nature.

Par exemple, Me Marie-José Longtin pourrait sans aucun doute être présentée comme grande experte en rédaction législative, puisqu'elle a siégé au comité de rédaction du Code civil du Québec de 1994 et celui du Code de procédure civile de 2016. Quel était l'avis de Me Longtin quant à la qualité du texte anglais du Code civil du Québec? Elle écrivait en 2005 : « Le texte anglais a suscité chez certains de l’étonnement et plusieurs commentaires. Toutefois, les discordances y sont apparues peu nombreuses ». (M. J. Longtin, « La réforme du Code civil: la gestion d’un projet » dans Du Code civil du Québec, Montréal, Thémis, 2005, 163, p. 173.)

Cependant, la vérité était bien différente. Après vingt ans d'efforts du Barreau du Québec et de la Chambre des notaires du Québec, s'appuyant sur le dévouement d'avocats et de notaires bénévoles, le gouvernement du Québec a finalement introduit des milliers de corrections au texte anglais du Code civil. D’ailleurs, il ne faut peut-être pas laisser pour compte les constatations fréquentes d’avocats anglophones, quant à la qualité déficiente du texte anglais d'autres lois du Québec, par exemple le Code du travail.

Enfin, le problème démocratique et constitutionnel demeura intact : nos lois ne sont pas adoptés en français et en anglais par l'Assemblée nationale (comme l'exige aussi l’article 7(1) de la Charte de la langue française). Les membres de l'Assemblée nationale ne peuvent pas avoir accès aux textes anglais, même s'ils en font la demande. Ils votent à l'aveuglette.

Diplômé en droit de McGill, Edmund Coates suit la question des textes anglais depuis son stage au Service de recherche et législation du Barreau du Québec, sous la direction de Suzanne Vadboncœur et Marc Sauvé, et depuis son mandat en tant que conseiller législatif auprès du Comité conjoint du Barreau du Québec et de la Chambre des notaires du Québec sur le texte anglais du Code civil.
10900

13 commentaires

  1. DSG
    Les membres de l'Assemblée nationale ne peuvent pas avoir accès aux textes anglais
    This gets more stupid everyday. If you are a member of the National Assembly of Quebec and you don't understand the French version of the text you are voting on, you do not belong in the National Assembly of Quebec.

  2. Anonyme
    Anonyme
    il y a 5 ans
    Deux poids deux mesures
    1. Revenez en de la réforme du Code civil : je n'étais pas né lors de son adoption et j'ai maintenant 3 années de Barreau.

    2. Nous sommes dans une situation où les discordances allégués par les défenseurs ne sont que sur des points négligeables : toujours les mêmes i.e. le C.p.c. et le Code de la sécurité routière. Arrêter de prendre l'exception et de la généraliser.

    3. Deux poids deux mesures : il y a dans la Loi de l'impôt sur le revenu des discordances telles entre les deux versions que certains paragraphes ou alinéas n'existent pas dans l'autre langue. Par exemple, 18(9.1) LIR où 18(9.1)a) en Français est l’équivalent de 18(9.1)f) en Anglais, un alinéa qui n’existe d’ailleurs pas en Français.

    Où sont le Barreau du Québec et BM pour demander l'invalidité de l'entièreté de la législation fédérale depuis 1867? La réponse est simple : en train de faire de la politique et non du droit.

  3. Anonyme
    Anonyme
    il y a 5 ans
    Hummm...
    If you are a lawyer and do not understand that the issue has to do with English versions and their adoption, not on comprehension of texts by the MNA's, maybe you should avoid commenting.

    BTW, I was against the filing of this proceeding to begin with. At least, I understand it....

    • DSG
      Undertand this...
      The argument that some MNA's don't understand is the argument of Edmund Goates, not mine. I copy/pasted it from the article. And I said it was stupid. So "hummm" right back at you, jerk.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 5 ans
      Hit the bottom and keep digging
      Oh, I do understand.

      What you don,t get is that I was referring to was the "If you are a member of the National Assembly of Quebec and you don't understand the French version of the text you are voting on", not the title of your comment (which clearly does not imply what you seem to think it does as per your second comment).

      So, yeah, that sentence above shows you don't understand the issue.

      Your second comment shows that you're very sensitive, especially considering your body of work.

      hahaha

  4. Anonyme
    Anonyme
    il y a 5 ans
    Et l'arrogance des anglos ne règlera rien non plus
    Il y a quelques années la Cour suprême déboutait une commission scolaire francophone qui se mettait à genoux depuis des années devant le gouvernement de la colombie britanique pour téter des droits linguistiques prétendument garantis par la constitution.
    Ladite commission scolaire s'est alors fait dire, entre autre, que ses éléments de preuve sous forme d'affidavits et de pièces rédidigées en français n'était pas admissibles en vertu des règles de preuve et de procédure applicables.

    A l'époque, le mécanisme d'interprétation étiré très en vogue à la CSC dès qu'il s'agit de faire gagner du terrain linguistique aux anglophone, ne s'est pas manifesté en lien avec un passage de l'article 133 de la constitution qui dit que:

    "[...]En outre, dans toute plaidoirie ou pièce de procédure devant les tribunaux du Canada établis sous l'autorité de la présente loi, ou émanant de ces tribunaux, et devant les tribunaux de Québec, ou émanant de ces derniers, il pourra être fait usage de l'une ou l'autre de ces langues.
    [...]
    "

    Or, les partisans de la thèse de l'inconstitutionalité du processus de l'adoption des loi québécoises se fondent sur une interprétation passablement étirée des autres passages de cet disposition pour fonder leur conclusion.

    S'ils ne voient pas le danger politique de leur posture politico-juridique, enivrés qu'ils sont du recul des souverainistes au Québec depuis 1995, leur apétit aveugle pourrait avoir pour effet de faire renaître un ras-le-bol que le camps fédéraliste attise de toute de sorte de manière au sein de la population générale.

    Il serait assez ironique que le Barreau soit à l'origine d'un sursaut nationaliste au Québec, mais c'est peut-être ce qui va finir par arriver.

  5. W
    Constat
    Regardez ce bazar.

    Le Barreau est comme n'importe quelle entité.

    Quand l'entité est repue, reçoit des dizaines de MILLIONS en cotisation chaque année (alors que selon moi 4-5 millions GROS MAX serait suffisant), alors elle s'invente des problèmes et des budgets et sort de son CADRE qui est de PROTÉGER le public et de PROMOUVOIR la profession.

    Quand le débat pour couper dramatiquement (de 65%, pas de 10%) les cotisations, ayez en tête ce recours créé de toute pièce par "la machine".

    Et arrêtez de voter pour des gens qui adorent la machine.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 5 ans
      ???
      "arrêtez de voter pour des gens qui adorent la machine"

      Il y en a qui se sont présentés? J'ai dû les manquer. Parlez-moi pas de l'ancienne VP du Barreau, Bâtonnière de Québec. Elle était establishment jusqu'à ce que l'establishment la rejette et là elle s'est inventé un côté contestataire

  6. Anonyme
    Anonyme
    il y a 5 ans
    Correction
    Les nouveaux juristes sont au Secrétariat à la législation, qui révise toutes les lois avant leur présentation, et non au ministère de la Justice.

  7. Anonyme
    Anonyme
    il y a 5 ans
    Autre correction
    Les avocats des ministères (légistes et conseillers juridiques) sont des employés du ministère de la Justice. Il sont habituellement localisés au sein de leurs ministères-clients, mais ne relèvent tous que du MJQ et font partie du plus grand réseau d'avocats du Québec.

    Avant de publier une lettre ouverte, il faut faire vos recherches, monsieur Coates (ou maître? ce n'est pas précisé)

  8. Graceful in defeat
    Graceful in defeat
    il y a 5 ans
    This is not helping
    This is not helping

    I truly understand Coate's frustration, I do... but let's be honest here: we lost. I'm not happy about it either, but we have nothing to gain by keeping on whining and dragging this on.

    I voted against the resolutions. It was a good fight. I was sure we were going to win, but we didn't... And that's just how it ends. Sometimes, you just have to admit defeat, less you devolve into a sore loser.

    • Aanonyme
      Aanonyme
      il y a 5 ans
      Le problème reste entier
      On a political level GiD is right, but as lawyers, it is legitimate to continue to seek two compatible, equally intelligible versions of the same statute, since both versions are equally authoritative. As Me Fournier said at the meeting, it is litigants who ultimately pay for sterile debates about how to resolve the inconsistencies.

  9. avocat
    avocat
    il y a 5 ans
    Pas même un avocat!
    s'il n'est pas même un avocat, que monsieur Cotes se mêle de ses affaires

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