Le travailliste

Noël : quand le party tourne mal…

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Sébastien Parent

2018-12-19 13:15:00

Les accidents du travail inusités au party de Noël sera le sujet de la dernière chronique de Me Parent sur Droit-inc!

Me Sébastien Parent est chargé de cours à la Faculté de droit de l’Université de Montréal.
Me Sébastien Parent est chargé de cours à la Faculté de droit de l’Université de Montréal.
Le ''party'' de Noël du bureau, où se marient festivités, repas gastronomiques, alcool et danse, comporte sans conteste son lot d’imprévisibilité. Si un travailleur qui se blesse n’est jamais chose drôle, certains accidents survenus au cours d’une réception de fin d’année organisée par l’employeur sont parfois dignes d’un mauvais scénario de film de Noël…

Ces travailleurs peuvent-ils, malgré tout, être indemnisés par la C.N.E.S.S.T. comme s’ils étaient à leur travail ?

Lancer une collègue sur la piste de danse

Aussitôt le souper terminé, une collègue de travail agrippe une technicienne en droit pour l’inciter à danser et la propulse par terre sur le plancher de danse. Cette dernière s’en relèvera avec une contusion dorsale ainsi qu’une aggravation d’entorse cervicale.

L’ancienne Commission des lésions professionnelles (CLP) reconnaît que la travailleuse a été victime d’un accident du travail, car l’employeur s’est impliqué dans l’organisation de la fête de Noël, en assumant le transport en autobus, en réservant la salle et en contribuant au financement de l’évènement.

D’ailleurs, la présence de plusieurs personnes en autorité à cette fête démontre l’utilité de l’activité à l’accomplissement du travail, entre autres le maintien de la cohésion du groupe et du sentiment d’appartenance des employés. (2011 QCCLP 2645)

Se barrer le dos en vendant des billets

Pour financer un souper de Noël, l’employeur demande à une employée de vendre des billets à ses collègues, et ce, pendant les heures de travail. Voilà qu’en se penchant pour déposer les billets dans son sac à main, la travailleuse ressent une vive douleur au bas du dos, à un point tel qu’elle se rendit à l’hôpital pour une consultation.

Puisque l’employeur rémunérait la travailleuse pour vendre des billets sur les lieux du travail, la CLP retient que la lombosciatalgie dont elle a été victime constitue un accident par le fait de son travail. (1998 CanLII 21666 (QC CLP))

Perdre connaissance dans les escaliers

N’ayant pas l’habitude de se pointer à ce genre d'événement, un chef de service achète tout de même son billet pour assister à la fête de Noël organisée par son employeur, étant donné qu’un projet sur lequel il travaillait devait être dévoilé au cours de la soirée.

Or, en empruntant les escaliers pour se rendre à un palier inférieur de celui où se déroulaient les célébrations, le travailleur fait une fâcheuse chute d’environ cinq marches et perd conscience. Les conséquences ont été assez tragiques, celui-ci ayant dû être opéré d’urgence en raison d’un traumatisme craniocérébral.

Pour conclure que le travailleur exerçait une activité personnelle sans lien de connexité avec le travail, le Tribunal administratif du travail prend en considération le fait que l’accident soit survenu à l’extérieur des locaux de l’employeur, en dehors des heures habituelles de travail et en l’absence de rémunération versée au travailleur. De plus, la participation à cette soirée était facultative et l’accès à cette dernière n’était pas limité aux employés, les conjoints et conjointes y étant aussi invités. (2016 QCTAT 2476)

Se déhancher sur les colonnes de son

Au milieu de la soirée de Noël, un chef cuisinier exécutif entreprit de jouer les « dieux de la danse » en grimpant sur une colonne de son pour se déhancher, à la demande de ses employés. C’est alors qu’il ressent un claquement à son genou gauche à la suite d’un faux mouvement et que son pied glisse, entraînant ainsi sa chute au sol. Cette chorégraphie improvisée lui a valu une déchirure méniscale au genou gauche.

Pour la CLP, une telle fête de fin d’année a très certainement pour objectif de renforcer le sentiment d’appartenance envers l’entreprise, d’autant plus que le travailleur agissait dans le cadre de ses fonctions en étant attitré au réapprovisionnement du buffet. Il a donc été victime d’un accident du travail. (2003 CanLII 77103 (QC CLP))

Glisser sur le toit en installant les décorations

Un mécanicien au sein d’un concessionnaire automobile avait offert à son employeur de retirer les décorations de Noël sur la devanture de l’établissement, au retour de la période des fêtes. Au moment où le travailleur s’affairait à descendre une décoration du toit, son gant resta coincé sur une vis et celui-ci perdit pied sur la glace du toit. À la suite d’une chute d’environ 12 pieds, le travailleur a reçu un diagnostic de fracture au talon.

Dans cette affaire, la CLP estime que l’installation de décorations de Noël constitue une activité accessoire à l’exploitation d’une entreprise et en conséquence, les frais reliés à la lésion professionnelle demeurent entièrement imputés à l'employeur. (2012 QCCLP 6597)

Petit bonus

Un petit bonus de Noël en terminant. Des adolescents avaient entrepris de voler et détruire des lumières arborant l’arbre de Noël situé sur une propriété privée. Bien mal leur en prit, il s’agissait de la résidence d’un policier. Celui-ci s’est toutefois blessé en procédant à l’arrestation des malfaiteurs, ce qui a été reconnu à titre d’accident par le fait de son travail de « policier en civil ». ((1984) C.A.S. 306)

Retenons qu’il n’y a pas de règles claires quant à savoir si un accident survenu lors d’une fête de Noël sera considéré comme étant à l’occasion du travail ou relevant plutôt de la sphère personnelle de la vie du travailleur. Dans tous les cas, la prudence demeure de mise lors de ces évènements festifs.

Joyeux temps des fêtes à toutes et à tous !

« Celui qui n’a pas Noël dans le cœur ne le trouvera jamais au pied d’un arbre » - Roy Lemon Smith

Me Sébastien Parent est chargé de cours à la Faculté de droit de l’Université de Montréal ainsi qu’à Polytechnique Montréal, où il enseigne le droit du travail. Il est aussi doctorant en droit du travail et libertés publiques à la Faculté de droit de l’Université de Montréal. Auparavant, il a complété le baccalauréat et la maîtrise en droit ainsi que le baccalauréat en relations industrielles au sein de la même université. Écrivain dans l’âme et procureur devant la Cour suprême du Canada dès le début de sa carrière, Me Parent est l’auteur de divers articles en matière d’emploi et agit également à titre de conférencier.
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