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Affaire Bissonnette : qui a intérêt à faire appel ?

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Radio -canada

2019-03-06 10:19:00

Un éminent criminaliste du Québec donne son avis sur la question.

Un éminent criminaliste du Québec,  Rénald Beaudry,  donne son avis sur la question.
Un éminent criminaliste du Québec, Rénald Beaudry, donne son avis sur la question.
À moins d'une semaine de l'échéance, ni la Couronne, ni la défense, ni le Procureur général du Québec n'ont décidé s'ils vont porter la cause du tueur Alexandre Bissonnette en appel.

Pourtant, les trois parties ont intérêt à le faire, selon ce qu'a déclaré l'un des plus éminents criminalistes du Québec à La Presse canadienne mardi.

Bissonnette a écopé, le 8 février dernier, d'une peine de prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 40 ans, la peine la plus sévère de l'histoire récente du Québec.

Le 29 janvier 2017, il a abattu six hommes lorsqu'il a fait irruption, armé d'une carabine semi-automatique et d'un pistolet dans la salle de prière de la grande mosquée de Québec, blessant aussi plusieurs personnes par ses balles.

Il a fait 6 veuves et 17 orphelins en moins de deux minutes lors de cette froide soirée de janvier.

La Couronne réclamait pour Bissonnette une peine de 150 ans d'incarcération, tandis que la défense demandait une peine de prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans.

Délai légal

Le délai légal de 30 jours pour interjeter appel de la décision expire le 11 mars.

De l'avis de l'avocat-criminaliste Rénald Beaudry, toutes les parties dans cette affaire ont intérêt à contester la décision pour différentes raisons.

Au coeur de l'affaire, le choix du juge François Huot, de la Cour supérieure, de déroger aux prescriptions de l'article 745.51 du Code criminel qui permet le cumul de périodes d'inadmissibilité de 25 ans dans le cas de meurtres multiples.

Il a déclaré que cet article viole la Charte canadienne des droits et libertés, dont le droit pour un citoyen de ne pas subir de traitements cruels et inusités. Il l'a réécrit de façon à redonner un véritable pouvoir discrétionnaire au magistrat qui tente de déterminer la peine appropriée pour chaque cas précis.

Le juge est « allé trop loin »

Le juge Huot a excédé sa juridiction, croit Me Beaudry. « Il est allé trop loin, a-t-il affirmé en entrevue téléphonique. L'arrêt Laba de la Cour suprême du Canada de 1994 dit [...] qu'un juge a le pouvoir de modifier un article de loi dans la mesure où il ne change pas l'intention du législateur. »

Or, il est clair que les conservateurs de Stephen Harper en 2011 voulaient que les juges puissent imposer des peines aux meurtriers multiples en cumulant des blocs de 25 ans.

Rénald Beaudry croit que le procureur général cherchera l'avis de la Cour d'appel, et même de la Cour suprême. « Le procureur général va prétendre que cet article-là satisfaisait tous les critères de la constitutionnalité », affirme-t-il.

Parallèlement, la Couronne pourrait demander à ce que l'on augmente la peine. « Le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) va dire : "Écoutez, 40 ans ce n'est pas suffisant, on voulait avoir 150 ans pour ne pas qu'il ressorte de là.'' »

Avantage à la défense

La défense, qui a « le beau jeu là-dedans », selon Me Beaudry, pourrait plaider que le juge a outrepassé ses pouvoirs en réécrivant un article de la loi et qu'en toute logique, s'il considère que le cumul de périodes d'inadmissibilité de 25 ans est inconstitutionnel, la sentence devrait être réduite.

« La défense va prétendre que le juge s'est bien dirigé jusqu'à ce qu'il réécrive la loi, et que c'est le 25 ans qui devrait s'appliquer », a résumé Me Beaudry, qui était présent au prononcé du verdict contre Bissonnette.

Il croit qu'exceptionnellement dans cette affaire, les trois parties pourraient porter la cause en appel. « Normalement, c'est soit la défense, soit le DPCP avec le procureur général, c'est rarement les trois », explique-t-il.

Le DPCP affirme n'avoir aucune information à rendre publique à ce sujet pour le moment. Pour sa part, le bureau de la procureure générale du Québec, Sonia LeBel, a déclaré mardi qu'une décision sera prise au plus tard le 11 mars.

Les avocats de Bissonnette n'ont pas donné suite à notre demande d'entrevue.
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