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Payer les honoraires d’avocat avec les produits de la criminalité

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Radio -canada

2019-11-13 11:15:00

Une décision de la Cour suprême éclaircit la marche à suivre dans le paiement des honoraires d’avocats par des contrevenants.

Photo : Shutterstock
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La Cour suprême du Canada conclut qu’un accusé reconnu coupable ne devrait pas être automatiquement condamné à payer une amende équivalant à la somme qu’il a puisée dans les « produits de la criminalité » pour payer ses frais juridiques.

La décision partagée (6-3) offre aux juges chargés de déterminer la peine un cadre pour exercer leur pouvoir discrétionnaire dans le régime juridique « complexe et multidimensionnel » des produits de la criminalité. Cette disposition a été adoptée par le Parlement en 1988 pour « veiller à ce que le “crime ne paie pas” et dissuader les contrevenants en les privant de leurs gains mal acquis », rappelle le plus haut tribunal du pays.

L’arrêt de vendredi est lié à l’affaire Yulik Rafilovich, un Torontois qui avait plaidé coupable aux accusations de trafic de cocaïne et de possession de produits de la criminalité. Or, M. Rafilovich ne pouvait pas payer ses frais juridiques et n’était pas non plus admissible à l’aide juridique. Il a donc réussi, en vertu d’une disposition du Code criminel, à obtenir l’autorisation du tribunal afin d’utiliser les sommes saisies par la poursuite pour payer ses avocats pendant le procès.

Mais lorsqu’il a plaidé coupable, la Couronne a demandé à la juge de le condamner, en plus de sa peine de prison, à payer une amende de près de 42 000 $, soit le montant qu’il avait obtenu de la poursuite pour payer sa défense. La juge qui a prononcé la peine a refusé, mais sa décision a été infirmée en Cour d’appel. M. Rafilovich a demandé à la Cour suprême de trancher — avec succès.

Six des neuf juges de la Cour suprême ont conclu que « dans la plupart des cas », les juges qui infligent des peines ne devraient pas imposer une amende pour récupérer ces sommes qui ont servi à payer des « frais juridiques raisonnables » associés à la défense d’un accusé. « En adoptant la disposition sur la restitution, le législateur a non seulement prévu la possibilité que l’accusé ait besoin des fonds saisis pour préparer sa défense, mais a aussi permis explicitement que les fonds restitués soient consacrés à cette fin », écrit la juge Sheilah Martin, au nom de la majorité.

S’il est vrai que l’ensemble de ce « régime des produits de la criminalité » a pour objet de s’assurer que « le crime ne paie pas » ni ne bénéficie au contrevenant, la disposition sur la restitution en vue du paiement des frais juridiques vise deux objectifs précis, écrit Mme Martin : « permettre l’accès aux services d’un avocat et accorder une importance suffisante à la présomption d’innocence », pour « assurer l’équité à l’accusé dans les poursuites criminelles ».

Or, « dans la plupart des cas, récupérer les sommes versées pour le paiement de frais juridiques raisonnables au moyen d’une amende en remplacement de la confiscation aura pour effet de miner la réalisation de ces objets tout aussi valables », estiment les juges majoritaires. « Par contre, s’il s’avère que le contrevenant n’avait pas un véritable besoin financier ou que les fonds n’ont pas été utilisés » pour payer sa défense, « il serait indiqué pour le juge d’infliger une amende », précisent les juges.

Trois juges dissidents ont estimé que les accusés ne devraient pas avoir le droit de tirer profit de leurs crimes, mais que l’utilisation des avoirs saisis pour payer les services d’un avocat peut être autorisée s’il est essentiel de préserver le droit constitutionnel du contrevenant à un procès équitable, garanti par la Charte. « Cette mesure découle d’une simple application de l’objectif premier du régime des produits de la criminalité, à savoir garantir que le crime ne paie pas », écrit le juge Michael Moldaver au nom des dissidents, dont le juge en chef, Richard Wagner.

« Cependant, lorsque le juge chargé de déterminer la peine est convaincu que le fait d’être représenté par avocat était essentiel pour assurer le respect du droit constitutionnel du contrevenant à un procès équitable (…) le juge devrait exercer son pouvoir discrétionnaire limité de refuser d’infliger une amende de remplacement à l’égard des fonds restitués », ajoutent les trois juges dissidents.
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