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Des notes de cours et des examens accessibles en quelques clics

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Radio -canada

2020-02-17 13:15:00

Une plateforme de partage en ligne regorge de notes de cours, de documents, et de réponses aux examens des universités, et surtout de l’Université Laval.

Andrée-Anne Stewart, Christine Gauthier et André-Sébastien Aubin se prononcent au sujet de StuDocu. Photos : LinkedIn, et sites Web du Syndicat des chargés et chargées de cours de l'Université Laval et de l'UQAM
Andrée-Anne Stewart, Christine Gauthier et André-Sébastien Aubin se prononcent au sujet de StuDocu. Photos : LinkedIn, et sites Web du Syndicat des chargés et chargées de cours de l'Université Laval et de l'UQAM
La plateforme d’apprentissage et de partage en ligne StuDocu, qui fait des vagues dans les milieux universitaires du monde entier depuis sa création en 2013, n’épargne plus les universités du Québec, dont l’Université Laval.

Un tour d’horizon effectué par Radio-Canada a permis de mettre la main sur plusieurs dizaines de documents liés à des cours offerts dans différentes facultés de l’établissement universitaire de Québec.

Des notes de cours prises par des étudiants, des questions et des réponses d’examens, des résumés de lectures... La plateforme est une véritable mine d’or pour les étudiants qui souhaiteraient se préparer aux examens.

L’Université Laval dit être au fait de l’existence de la plateforme et reconnaît que plusieurs documents liés à ses cours y sont publiés. Départager la nature de ces documents demeure néanmoins un exercice complexe.

« Les documents placés sur cette plateforme pourraient laisser croire qu’ils renferment des notes de cours et des questions d’examens valides, alors que cela pourrait ne pas être le cas », constate la porte-parole de l’Université Laval, Andrée-Anne Stewart.

Enfreindre la loi

L’Université Laval est particulièrement préoccupée de voir que les étudiants qui nourrissent cette plateforme pourraient enfreindre les lois canadiennes sur le droit d’auteur.

« Nos facultés n’autorisent pas les étudiantes et les étudiants à publier des notes de cours, des copies d’examens ou autres documents liés aux cours sur cette plateforme ou sur toute autre plateforme semblable », tranche Mme Stewart.

Le Syndicat des chargés et chargées de cours de l'Université Laval (SCCCUL) ne cache pas non plus son inquiétude vis-à-vis de la plateforme.

Selon sa présidente, Christine Gauthier, le matériel pédagogique développé par les professeurs constitue une œuvre qui leur appartient.

« Les étudiants qui ont accès à ces notes de cours peuvent ne pas se présenter à des cours, profiter du travail des autres et réussir les évaluations », explique Mme Gauthier. « C’est, à la limite, pratiquement du plagiat. »

Devant les critiques auxquelles elle fait face depuis des années, la plateforme StuDocu a toujours rappelé qu’elle refuse que des diapositives de professeurs et du matériel protégé par le droit d’auteur soient publiés sur sa plateforme.

L’entreprise serait dotée d'une équipe de spécialistes en contrôle de la qualité, qui serait également chargée de vérifier les documents.

À vos risques et périls

StuDocu dit inscrire la réussite scolaire de ses utilisateurs au cœur de ses valeurs. « Notre mission est de permettre à chacun d'exceller dans ses études supérieures en fournissant les meilleurs outils pour étudier plus efficacement », lit-on sur son site Internet.

L’Université Laval, elle, est plutôt préoccupée par la qualité et l’exactitude des contenus disponibles sur le site StuDocu.

La plateforme pourrait nuire à la qualité de l’apprentissage et à la réussite universitaire, déplore Andrée-Anne Stewart, « car l’information qui s’y trouve pourrait être invalide ou trompeuse. Les personnes qui s’y fieraient risqueraient d’être mal orientées. »

Le partage de notes de cours et d'examens n’a d’ailleurs rien de nouveau en soi, constate le professeur au département d'éducation et pédagogie de l'Université du Québec à Montréal (UQAM) André-Sébastien Aubin.

Bien avant l'existence de StuDocu, les étudiants s'échangeaient des notes de cours et des questions d’examens. Les étudiants ont développé des techniques pour réussir les examens et StuDocu s'inscrit parfaitement dans cette lignée.

« C’est une stratégie de survie », résume le spécialiste en pédagogie.

Dans un contexte universitaire, explique-t-il, les professeurs visent à ce que les étudiants apprennent, se développent et acquièrent des compétences professionnelles. Les étudiants, eux, cherchent à trouver des stratégies qui vont leur permettre d'atteindre les résultats, et ce, avec le minimum d'efforts possible.

StuDocu peut néanmoins devenir une plateforme intéressante, nuance le chargé de cours, si et seulement si, les étudiants l'utilisent comme un outil complémentaire lors de la préparation à un examen.

« Ça peut être mal utilisé si on contourne complètement l'objectif d'apprentissage. Ça permet d'avoir des résultats sans avoir fait l’effort soutenu », dit André-Sébastien Aubin

Des cours valides

L'Université Laval dit avoir mis en place les mesures nécessaires pour s’assurer que les examens distribués dans le cadre de ses cours demeurent valides et équitables.

M. Aubin estime que les professeurs ont également un rôle important à jouer, notamment en trouvant des modalités d'évaluation qui mènent à l'apprentissage.

« Le type de cours que l’on retrouve (sur StuDocu), ce sont des cours de gestion, des cours d’administration, des cours de science de la santé, où le par cœur prend beaucoup plus de place », constate-t-il.

« Je ne donne plus d'examens écrits depuis des années justement parce que des étudiants passaient trois heures à photocopier des notes de cours », poursuit-il. « Maintenant, je leur donne des tâches complexes et qui sont choisies par chacun d’eux. »

La représentante syndicale Christine Gauthier, qui est également chargée de cours au département des fondements et pratiques en éducation de l'Université Laval, observe que plusieurs chargés de cours et enseignants tentent tant bien que mal de modifier leurs questions d'examens et leurs évaluations d'une session à l'autre. Mais, selon elle, il y a une limite à toute chose.

« Le cours doit atteindre les mêmes objectifs et répondre aux mêmes prérogatives. On ne peut pas toujours (faire une refonte) entièrement des aspects d'évaluation pédagogique », explique la chargée de cours, qui espère que l'université mettra les bouchées doubles pour enrayer ce phénomène.

« Il va falloir qu'il y ait une action pour empêcher ça parce que c'est particulièrement préoccupant de savoir qu'il y a des étudiants qui obtiennent des diplômes dont on peut douter de la qualité et de la profondeur des apprentissages », estime Christine Gauthier.

André-Sébastien Aubin se montre davantage sceptique quant au fait que StuDocu permette aux étudiants de générer des sous en vendant leurs notes de cours.

« Des notes de cours, ça prend des centaines d'heures à développer. Je serais fâché que quelqu'un fasse de l'argent avec ce que moi, j'ai fait comme travail. »

Donnant-donnant

La plateforme StuDocu revendique à ce jour plus de quatre millions d'utilisateurs et la diffusion de trois millions de documents dans le monde. À l'Université Laval, le nombre de documents publiés s'élèverait à près de 3000.

L'Université Laval sur StuDocu en chiffres (En date du 16 février 2020)
  • 1835 notes de cours

  • 204 anciens examens

  • 638 résumés

  • 225 devoirs obligatoires


L’Université de Montréal, l’Université du Québec à Montréal, l’Université de Sherbrooke, l’Université McGill et l’Université Concordia sont également aux prises avec cette réalité.

Charles (nom fictif) fait partie de ceux qui ont contribué à nourrir la plateforme. L’étudiant inscrit à la Faculté de droit de l’Université Laval y a soumis quelques notes de cours, en plus d’y consulter occasionnellement des documents.

« Ça m’a dépanné une fois ou deux pour avoir des informations et des notes de cours », raconte le jeune homme. « La moitié du temps, les documents n’étaient pas complets, mais c’est une base pour étudier. »

S’il a déjà publié ses notes de cours sur StuDocu, c’est bien parce qu'il s'agit de l'une des options que propose la plateforme à ses utilisateurs s’ils souhaitent pouvoir imprimer les documents sur le site. C’est le principe du donnant-donnant.

« Si ça peut aider quelqu’un, tant mieux », termine-t-il. « Ça ne change rien à ma situation. »
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