Karim Renno

Clause claire, résultat illogique?

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Karim Renno

2020-04-09 13:15:00

L’interprétation contractuelle quand le sens littéral d’une clause amène à un résultat illogique. Possible? Explications avec Karim Renno...

Karim Renno est associé fondateur du cabinet Renno Vathilakis Inc
Karim Renno est associé fondateur du cabinet Renno Vathilakis Inc
La Cour d'appel nous enseigne que même une clause claire peut être mise de côté lorsqu'il est manifeste qu'elle est contraire à l'intention des parties.

Il est donc logique que la clause dont le libellé est claire, mais qui mène à un résultat illogique, donne ouverture à la possibilité de faire une preuve testimoniale pour des fins d'interprétation contractuelle.

La décision récente rendue par l'Honorable juge Karen M. Rogers dans l'affaire Beau/Lieu 2010 ltée c. Investissements des Ormeaux inc. (2020 QCCS 976) illustre bien le principe.

Dans cette affaire, la Demanderesse réclame à la Défenderesse la somme de 90 000$ à titre de commission en vertu d'un contrat de courtage immobilier. Bien que le contrat est expiré au moment de la vente par la Défenderesse de l'immeuble en cause, le contrat de courtage prévoit qu'une commission sera payable en cas de vente dans l'année de l'expiration du contrat si l'acheteur était déjà une personne intéressée pendant la durée du contrat de courtage.

La juge Rogers doit d'abord trancher une objection à la preuve. En effet, la clause de rémunération prévoit que la Demanderesse aura droit à une commission de 2.5% si le prix de vente est de 4 500 000$ "minimum" et 3% si le prix de vente est de plus de 4 500 000$. La Demanderesse fait valoir qu'il s'agit d'une erreur et que le mot minimum devrait être remplacé par le mot maximum. La Défenderesse conteste cette prétention et s'objecte à toute preuve testimoniale sur la question au motif que le libellé du contrat est clair.

Après avoir pris l'objection sous réserve, la juge Rogers en vient à la conclusion que la preuve testimoniale est recevable. En effet, l'application de la lettre du contrat mènerait à un illogisme apparent et - dans un tel contexte - la Cour doit rechercher la commune intention des parties:

(20) Malgré la clarté du mot « minimum », replacé dans le contexte des stipulations de la clause et l’économie du Contrat, le Tribunal est d’avis que cette clause est ambiguë. L’emploi du mot « minimum » en lien avec la rétribution du 2,5 % va à l’encontre de l’objet même du Contrat et s’explique difficilement.

(21) Tout d’abord, nous sommes dans le cadre d’un Contrat où la rétribution est la seule contrepartie pour les services rendus par Beau/Lieu. Il serait invraisemblable qu’elle accepte de travailler gratuitement.

(22) Il n’est également pas logique que le prix de 4 500 000 $ soit isolé pour donner lieu à la rétribution de 2,5 % alors que tous les prix supérieurs génèrent une rétribution de 3 %, tandis que ceux inférieurs ne génèrent aucune rétribution. Le prix demandé selon le Contrat est de 5 500 000 $. Il n’était donc pas nécessaire pour Beau/Lieu d’isoler et limiter à 4 500 000 $ la rétribution de 2,5 % puisqu’elle est en droit de refuser toute offre égale ou inférieure à ce montant.

(23) Le Tribunal est d’avis que l’utilisation du mot « minimum » dans le contexte de ce Contrat est ambiguë et permet donc qu’une preuve testimoniale soit présentée afin de permettre l’interprétation du Contrat.

(24) Le Tribunal rejette donc l’objection.

Sur l’auteur

Karim Renno est associé fondateur du cabinet Renno Vathilakis Inc. Il est le fondateur et rédacteur en chef du Blogue À bon droit où il publie régulièrement des billets de jurisprudence. Durant la crise que nous traversons, il partagera ses réflexions avec les lecteurs de Droit-inc.com sur un sujet d'actualité juridique.
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