Covid-19

Régulariser le statut des anges gardiens, un terrain glissant?

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Radio -canada

2020-08-19 12:00:00

Un avocat spécialisé en droit de l'immigration estime que le programme du gouvernement fédéral va trop loin...

Me Maxime Lapointe estime que le programme du gouvernement fédéral va trop loin. Photos : Radio-Canada
Me Maxime Lapointe estime que le programme du gouvernement fédéral va trop loin. Photos : Radio-Canada
Alors que les voix se multiplient pour offrir la résidence permanente à plus de demandeurs d'asile ayant contribué à lutter contre la COVID-19, un avocat estime qu'il s'agit plutôt d'une « boîte de Pandore » qui envoie « un mauvais signal aux gens qui font leur démarche d'immigration correctement ».

Pour Me Maxime Lapointe, spécialisé en droit de l'immigration, le programme temporaire annoncé la semaine dernière par le gouvernement fédéral va déjà trop loin. « Je trouve qu'on s'aventure sur un terrain très glissant », admet l'avocat de Québec.

Il s'inquiète notamment que des personnes ayant atteint le Canada de manière irrégulière, en passant par exemple par le chemin Roxham, puissent obtenir la résidence permanente avant d'autres candidats qui attendent depuis des années.

« Je ne vois pas en quoi le fait d'avoir travaillé ou pas en période de pandémie (...) remplit les conditions des programmes d'immigration et en quoi ça donne bonne presse aux programmes d'immigration du Québec et du Canada », indique Me Maxime Lapointe.

En vertu du programme annoncé vendredi dernier par Ottawa, certains demandeurs d'asile faisant partie des « anges gardiens », donc qui occupaient des postes dans le réseau de la santé au plus fort de la pandémie de COVID-19, pourront obtenir la résidence permanente.

Il s'agit notamment des préposés aux bénéficiaires, des infirmières ou des aides de service qui ont travaillé au moins 120 heures entre le 13 mars et le 14 août.

« Une liste infinie »

Or, depuis quelques jours, les appels du pied sont nombreux pour qu'Ottawa ouvre plus grand les vannes. En fin de semaine dernière, Québec solidaire souhaitait par exemple que le programme soit également accessible aux travailleurs agricoles.

Mardi, une quinzaine d'observateurs ont signé une lettre ouverte pour réclamer l'élargissement du programme aux demandeurs d'asile qui occupaient, par exemple, un poste de gardien de sécurité ou de préposé à l'entretien ménager dans le réseau de la santé.

Selon Me Lapointe, ces demandes sont la preuve que le programme actuel est problématique. « La liste de professions qui pourraient ou qui devraient être admissibles, selon les intervenants du milieu, va être infinie. »

Me Guillaume Cliche-Rivard rappelle qu'il s'agit d'un programme « qui existe pour répondre à une crise exceptionnelle ». Photo : Radio-Canada
Me Guillaume Cliche-Rivard rappelle qu'il s'agit d'un programme « qui existe pour répondre à une crise exceptionnelle ». Photo : Radio-Canada
Le président de l'Association québécoise des avocates et avocats en droit de l'immigration (AQAADI), qui milite en faveur d'un élargissement du programme, dit comprendre « les tensions (et) les problématiques ».

Néanmoins, Me Guillaume Cliche-Rivard rappelle qu'il s'agit d'un programme « qui existe pour répondre à une crise exceptionnelle ». Il doit donc être élargi pour refléter les dangers auxquels ont aussi été confrontés les gardiens de sécurité ou les préposés à l'entretien ménager.

« S'il y a vraiment une corrélation qu'on veut faire entre le remerciement (des demandeurs d'asile] et le risque [auquel ils ont été exposés), il faut inclure ces gens-là aujourd'hui », estime le président de l’AQAADI Me Guillaume Cliche-Rivard.

Combien de personnes touchées?

Le cabinet du ministre fédéral de l'Immigration, Marco Mendicino, n'a pas précisé à Radio-Canada combien de demandeurs d'asile sont visés par le programme. Il n'a pas non plus indiqué s'il envisage d'en élargir les critères.

Me Guillaume Cliche-Rivard admet ne pas avoir de chiffres exacts. Il estime toutefois que quelques centaines, voire un millier de demandeurs sont actuellement concernés.

En élargissant le programme à d'autres corps d'emplois, il estime que quelques milliers de personnes pourraient être concernées. Le Canada ne peut simplement pas se permettre de perdre ces travailleurs, selon Me Cliche-Rivard.

« Si malheureusement des préposés à l'entretien ou des agents de sécurité sont refusés par la Commission (de l'immigration et du statut de réfugié) cet automne et que les renvois (vers leur pays d'origine) sont exécutés à la veille d'une deuxième vague, on va trouver ça pas mal moins drôle », souligne Me Guillaume Cliche-Rivard.

Mieux documenter

Cet argument est toutefois réfuté par Me Maxime Lapointe. « Les processus de la Commission des réfugiés, ça prend plusieurs années. Il y a des moyens d'appel et les mesures de renvoi ne sont pas exécutoires dans la minute. »

L'avocat rappelle aussi que les mesures de renvoi sont suspendues vers certains pays, dont Haïti, en raison de la crise humanitaire qui y sévit toujours.

Ottawa aurait donc intérêt à savoir précisément combien de demandeurs d'asile pourraient bénéficier de son programme temporaire et, plus encore, d'où proviennent ces candidats.

« Si la plupart des gens viennent par exemple d'Haïti, et les mesures de renvoi sont actuellement en sursis, il n'y a personne qui va se faire expulser en Haïti à court terme donc le tollé qu'on est en train de vivre actuellement (...) n'a pas lieu d'être », souligne l’avocat spécialisé en droit de l'immigration.

Dans un courriel, l'attaché de presse du ministre fédéral de l'Immigration n'a répondu précisément à aucune des questions de Radio-Canada. Il a toutefois souligné la « contribution remarquable » des nouveaux arrivants durant la pandémie.

« Le Canada est plus fort grâce aux contributions des anges gardiens, et reconnaît leur courage et leur compassion en cette période de grande incertitude pour eux-mêmes et leurs familles », a écrit Kevin Lemkay.
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10 commentaires

  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 3 ans
    Ammenez-en de la misère tiers-mondiste, Freeland va faire payer les contribuables
    Morneau tempérait les ardeurs dépensières de Trudeau, mais avec le trio Trudeau-Freeland-Soros, les vannes seront ouvertes à fond...

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 3 ans
      Conseil
      Dès que tu mentionnes Soros dans ce contexte tu as l'air d'un hurluberlu conspirationiste.

      Soros semble avoir remplacé Satan pour certains. Avant t'avais le bien, Jésus, et le mal, Satan. Aujourd'hui, pour les conspirationistes, le bien, c'est Trump et Soros (avec Gates) c'est le mal. Ils sont partout!

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 3 ans
      Soros est en effet partout
      Même s'il règne ici un quasi silence médiatique à son sujet, regardez le médias du reste du monde et vous verrez que Soros est un personnage abondament discuté.

      Par exemple, puisque nous sommes ici sur un blog juridique, peut-être pourriez-vous expliquer en quoi il serait conspirationniste d'évoquer son rôle de soutien financier dans des campagnes électorale de district attorney aux É.U., et la façon dont certains D.A. de son écurie ont ensuite exercé leur "prosecutorial discretion" (i.e. souvent d'une façon très "Smollettiène").

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 3 ans
      Soros...
      Il n'est pas discuté, il est accusé. Il finance des oeuvres, c'est indiscutable, mais entre ça, qui est public par ailleurs, et ce dont il est accusé (QAnon?) la marge est fantastique!

      À ce compte, avez-vous peur des frères Koch?

  2. Anonyme
    Anonyme
    il y a 3 ans
    petite précision
    Les gens qui ont demandés le statut de réfugié ne sont pas en situation irrégulière.

    Ce statut est reconnu dans notre droit et notre acceptaion des gens qui en font la demande, du moins jusqu'à ce que l'on puisse évaluer leur demande, est conforme à nos obligations en droit international.

    C'est vrai qu'ils ne paieront pas des milliers de dollars à certains confrères pour se faire fournir un formulaire disponible sur internet.

    • Pirlouit
      Pirlouit
      il y a 3 ans
      Petit malaise mais
      Selon ma compréhension ils sont en situation d'irrégularité puisqu'il y a une entente États-Unis/Canada pour qu'une personne demandant le statut de réfugié une première fois dans un de ces pays ne puissent pas le faire dans le deuxième pays ensuite.

      Toutefois je suis en effet d'avis que ceux qui se sont sacrifiés pendant la pandémie méritent que leur situation soit régularisée.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 3 ans
      Nuance
      Ceux qui sont en situation irrégulière n'ont pas fait de demande. Pour les autres, c'est l'entrée qui est irrégulière mais ils obtiennent le statut après cette entrée.

  3. Anonyme
    Anonyme
    il y a 3 ans
    la mémoire courte
    Il n'y a pas longtemps, le premier ministre du Québec suppliait les gens d'aller aider dans les CHSLD, ces pauvres personnes vivant et mourant dans des conditions exécrables parce que personne ne voulait prendre le risque et aller s'en occuper.

    Certaines personnes l'ont fait. Ils ont préparé et servi la nourriture à nos parents et grands-parents, les ont torché, ont lavé leurs chambres même après leur décès, même sans l'équipement requis, même sans vraiment connaître les conséquences potentielles de la maladie. Ils ont prouvé leur valeur dans des moments difficiles, émotifs et dangereux.

    Situations exceptionnelles amènent solutions exceptionnelles. Je prendrais ces gens bien avant d'autres. Les gens ont peur que les nouveaux arrivants ne contribuent pas à la société. Ils l'ont fait dans le pire moment et ils ont donc amplement mérité leur place. Notre nation leur doit la reconnaissance au même titre que quiconque met sa vie et santé en péril pour le bien-être des nôtres.

    En fait, il est honteux que que le Québec soit la seule province qui a cherché à exclure certains de ces individus du processus, ces gens que notre premier ministre appellaient "les anges". Les choses ont changés et on a la mémoire courte.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 3 ans
      Un cultivateur vient de perdre 100k$ de concombres !
      Ils sont où les anges?

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 3 ans
      Euh...
      J'imagine qu'ils sont encore dans les CHSLD? Aurait-il fallu qu'ils laissent ce boulot pour aller ramasser des légumes pour que vous reconnaissiez leur sacrifice? Parce que vous comprenez qu'on parle de ceux-là et non de tous les réfugiés, non?

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