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Les avocats français prennent-ils la place des québécois ?

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Céline Gobert

2012-07-31 15:00:00

Non ! Répondent deux avocats français, ainsi que l’associé du cabinet montréalais qui les a embauchés... Et ils ont même beaucoup à offrir. Ils expliquent pourquoi à Droit-Inc…

C’est en 2011 que Me Jordane Crispel et Me Quentin Leclercq ont été embauchés par le cabinet Lecours Hébert avocats.

Me Alain P. Lecours, associé du bureau, n’a jamais regretté son choix de recruter des avocats de formation juridique française.

Les employeurs voient les Français comme moins bons et maniant mal l'anglais, note Quentin Leclercq
Les employeurs voient les Français comme moins bons et maniant mal l'anglais, note Quentin Leclercq
« La nouvelle génération de québécois de souche est pleine de jeunes brillants, mais qui, sans trop généraliser, arrivent sans vouloir travailler trop fort, explique-t-il à Droit-Inc.

« Ils s’attendent d’emblée à beaucoup, ils veulent tout, tout de suite. C’est difficile pour les entreprises et les cabinets d’avocats. »

D’ailleurs, les deux avocats s’accordent à dire qu’en tant que français, ils ont beaucoup à offrir aux employeurs québécois.

« Le plus grand défi a été de démontrer aux cabinets et employeurs, que la formation juridique en France permet de s’adapter facilement au Québec, même si l’on a pas fait de droit québécois », explique Me Crispel, aujourd’hui diplômée en Common Law nord-américaine et qui obtiendra sous peu son LLM.

« On doit leur montrer que l’on pourra aussi bien faire qu’un avocat québécois, dit l’avocate de 33 ans, et que notre solide formation juridique nous permet de faire face aux embûches. »

Cœur à l’ouvrage

« Les avocats français arrivent avec une très bonne formation, dit Me Lecours, avec cette volonté de l’immigrant, ce cœur à l’ouvrage que l’on ne trouve pas chez notre jeune génération. »

Le plus grand défi selon Jordane Crispel, est de démontrer que la formation juridique en France permet de s’adapter au Québec
Le plus grand défi selon Jordane Crispel, est de démontrer que la formation juridique en France permet de s’adapter au Québec
En effet, selon Me Crispel, un immigré est prêt à travailler fort, à prouver aux cabinets qu’ils ont fait le bon choix.

Côté clients, c’est également un atout.

« Les français sont une clientèle que l’on vise. Et cela les intéresse que l’on ait cette double formation juridique, dit-elle. Cela tisse un lien de confiance, on va parler le même langage qu’eux.»

En outre, selon elle, de plus en plus de clients québécois ont le désir de s’implanter à l’étranger et eux, sont en mesure de leur dresser un portrait de ce qu’on peut faire comme affaires en France et en Europe.

« Pour les employeurs, on est trop vieux, explique Me Leclercq du haut de ses 32 ans, et souvent ils voient les français comme des gens qui parlent mal anglais, mais on n’est pas moins bons… Une bonne partie de la pratique s’apprend sur le tas. »

Selon lui, le vrai défi pour le nouvel arrivant, c’est d’essayer de comprendre le système québécois d’intégration des juristes. Car qui dit ordre professionnel, dit contraintes.

Quelle est donc l’option la plus efficace et rapide pour s’intégrer lorsque l’on vient de l’étranger ?

« L’Université de Montréal accorde 33 crédits pour un bac. L’équivalence, c’est 45 crédits. Tout ça, je l’ai appris sur le tas, il n'y a pas de papier qui explique les différentes options ! »

S’il choisit l’option « bac », c’est pour avoir la possibilité de s’inscrire par la suite en 3ème cycle de LLM.

« Beaucoup de gens ne le savent pas et le découvrent le jour où ils veulent entrer en 3ème cycle. Mais si l’on a pas de premier cycle québécois, c’est impossible par la suite. »

Pourtant, il possédait déjà un Master en droit de l’entreprise, et avait déjà étudié le droit pendant sept ans en France. Même chose pour Me Crispel, forte de deux diplômes français en droit.

Faire tomber les barrières

« Je comprends qu’il n’y ait pas beaucoup de travail, dit l’avocate, mais c’est difficile pour tout le monde. Ce n’est pas vrai que nous prenons la place des québécois, on ne répond pas aux mêmes attentes des employeurs ».

Si on leur donne le temps de s’adapter, les avocats français réussissent, estime Me Lecours
Si on leur donne le temps de s’adapter, les avocats français réussissent, estime Me Lecours
Aujourd’hui, elle souhaite que les barrières tombent.

« Le Québec est une terre d’immigration. On en parle de cet Accord de Reconnaissance Mutuelle (ARM) des diplômes, mais nous sommes encore très peu à avoir trouvé un travail qui correspond à nos compétences et qualifications. »

Pourtant, la réciproque existe.

En France, précise-t-elle, il y a une très bon intégration des avocats québécois. Ils sont recherchés sur le marché français, valorisés même.

« Il ne faut pas avoir peur d’intégrer des avocats de formation juridique étrangère, de créer une émulation, de faire preuve d’ouverture d’esprit », dit celle qui pratique aujourd’hui en litige civil et commercial ainsi que dans le droit corporatif et patrimonial de la famille chez Lecours, Hébert.

« Ils sont exigeants, brillants, et passionnés. Si on leur donne le temps de s’adapter, ils vont réussir », dit Me Lecours.

Selon lui, si l’avocat français a la passion du droit dans le sang, et accepte de prendre un certain recul, côté salaires et tâches, les portes des cabinets québécois ne tarderont à s’ouvrir.

« Les cabinets doivent leur donner la possibilité de s’adapter. Moi en attendant, j’en profite ! », plaisante-t-il.
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