Analyse juridique

L’article 54.1 CPC dans le contexte de faillite

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Julia Lifchits

2013-05-22 13:15:00

Une action civile contre un défendeur est suspendue dès que celui-ci devient failli. Mais peut-on demander la suspension de son action civile contre tous les défendeurs afin d’intenter de multiples procédures devant le tribunal de faillite ?

Selon la règle fondamentale de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, une action civile intentée contre un défendeur est suspendue dès que celui-ci devient failli. Cela étant, le tribunal pourrait permettre à une telle action de se poursuivre, afin d’éviter l’iniquité ou un préjudice sérieux aux intérêts du demandeur.

Julia Lifchits est avocate chez Freiheit Légal
Julia Lifchits est avocate chez Freiheit Légal
Mais qu’arrive-t-il si un demandeur, dont la réclamation vise plusieurs parties solidairement avec le failli, demande lui-même la suspension de son action civile contre tous les défendeurs, afin d’intenter de multiples procédures devant le tribunal de faillite ? S’agit-il d’une saine administration de justice ?

L’argument qu’un tel comportement constitue un abus au sens de l’article 54.1 du Code de procédure civile a été soulevé par notre bureau devant l’Honorable Robert Mongeon dans l’affaire MBRGR Inc. (Syndic de).

Un vrai cas

Dans cette affaire, le demandeur a intenté une action sur compte devant la Cour du Québec en 2011, réclamant à une compagnie, ainsi qu’à un dirigeant et un actionnaire corporatif de celle-ci, ses honoraires d’avocat impayés. L’action, vigoureusement contestée par tous les défendeurs, a été fixée pour procès en 2012. Environ deux mois avant le procès, la compagnie défenderesse a fait faillite. Bien que le dossier à la Cour du Québec était prêt pour enquête et audition, le demandeur a demandé la suspension du procès à l’égard de tous les défendeurs, pour faire valoir ses droits en tant que « créancier » devant la division de faillite.

Ainsi, suite à une autorisation du Registraire, le demandeur a déposé trois « requêtes pour recouvrement de paiements préférentiels » contre deux anciens employés et un actionnaire corporatif du failli. L’une des parties visées par ces requêtes était nul autre que le défendeur corporatif (solvable) dans les procédures suspendues à la Cour du Québec.

Face à ces multiples procédures et plusieurs interrogatoires hors cour, nous avons plaidé que la suspension de l’action devant la Cour du Québec et les démarches devant le tribunal de faillite contrevenaient à l’article 54.1 du Code de procédure civile. Un jugement sur l’action civile aurait pour effet de liquider la réclamation du demandeur ou même de l’effacer complètement. Contourner délibérément cette étape constituait donc un abus de procédure.

Le juge Mongeon a retenu cet argument, statuant, d’une part, que l’action civile pourrait être « of great benefit and help in the management and disposition of Plaintiff’s three actions under the (Bankruptcy and Insolvency Act) ». D’autre part, si l’ action du demandeur avait été rejetée, ou bien si le demandeur avait obtenu son paiement des défendeurs solidaires autre que le failli, il n’aurait eu aucun intérêt dans les procédures de faillite. Inutile alors de courir deux lièvres à la fois – d’autant plus que ce genre de comportement pourrait être sanctionné pour abus de procédure.

Sur l’auteure
Julia Lifchits est avocate chez Freiheit Légal à Montréal. Elle a auparavant fait son stage dans le département juridique de Citibank International à Paris, où elle a acquis une expérience dans divers sujets du droit bancaire et financier.

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