La Presse

L'avocat qui a fait tomber Lacroix

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Rene Lewandowski

2008-04-11 13:00:00

Habituellement, Éric Downs est un avocat de la défense. Il a fait une exception pour Vincent Lacroix en le poursuivant pour le compte de l'AMF. L'ex-PDG de Norbourg en a pris pour 12 ans!

Pour y accéder, il faut prendre l'ascenseur jusqu'au 28e étage, traverser le petit hall d'entrée qui sert de sas entre la réception et les bureaux, et virer à gauche.

C'est là, dans cet étroit couloir du cabinet d'avocats Downs Lepage, au centre-ville de Montréal, qu'est entreposée la documentation qui a servi en preuve au procès de Vincent Lacroix, reconnu coupable en décembre dernier de 51 chefs d'accusation et condamné récemment à 12 ans de prison.

Une montagne de boîtes en carton, une soixantaine en tout, empilées jusqu'au plafond, et contenant plus de 10 000 documents.

Un boulot colossal

«On les a tous lus!» lance Éric Downs, 44 ans, en invitant le représentant de La Presse à prendre place dans son bureau.

Éric Downs, pour ceux qui n'en ont jamais entendu parler, c'est l'avocat-plaideur principal qui a piloté la poursuite pénale contre Vincent Lacroix, ex-PDG de Norbourg.

Embauché en sous-traitance, comme avocat externe, par l'Autorité des marchés financiers (AMF), il vient de passer les deux dernières années sur ce dossier, avec l'aide de son collègue Tristan Desjardins.

«L'ampleur du dossier Norbourg était trop importante, on avait besoin d'aide de l'externe», dit Nathalie Drouin, directrice générale, contrôle des marchés et affaires juridiques de l'AMF, pour expliquer le mandat confié à Me Downs.

Il est vrai que le boulot était colossal. À preuve, de mars 2006 à décembre 2007, Éric Downs et Tristan Desjardins ont facturé 3500 heures à l'AMF pour leurs services. Et ce n'est pas fini, puisque les procédures d'appel sont toujours en cours.

Ce qu'il y a d'étonnant dans le choix d'Éric Downs, c'est qu'en théorie, il aurait pu être l'avocat de... Vincent Lacroix. Car le gros de sa pratique, il le consacre depuis plus de 15 ans de l'autre côté du tribunal, à défendre des individus accusés au criminel ou au pénal.

Vrai qu'en début de carrière, il a passé quelques années du côté de la Couronne, mais pourquoi dans ce cas-ci? Pour le défi, dit-il, et la complexité du dossier.

Il explique que le rôle du procureur de la poursuite est bien différent de celui de la défense. En poursuite, on doit monter le dossier et présenter une preuve hors de tout doute raisonnable. On est dans l'action car on a le fardeau de la preuve.

«En défense, on regarde le travail de l'adversaire et on le critique: on cherche ses faiblesses.»

Pour l'AMF, le choix d'Éric Downs allait de soi. L'organisme l'avait déjà embauché dans le dossier Jitec et l'expérience avait été concluante. L'ex-président, Benoît Laliberté, a été reconnu coupable, en février, de 41 des 48 chefs d'accusations pénales.

«Me Downs est capable de schématiser et de bien vulgariser une situation de façon à impressionner le juge», dit Lise Girard, directrice du contentieux de l'AMF. Sa patronne, Nathalie Drouin, ajoute qu'Éric Downs est un avocat qui ne laisse rien au hasard, capable de s'attarder au moindre détail et d'anticiper la stratégie de la partie adverse. «Avec lui, on se sent prêt.»

Un dossier étoffé

Pour monter son dossier, Éric Downs n'a pas chômé. Il y a deux ans, quand il se met au travail, les perquisitions ont déjà eu lieu et les accusations sont portées.

Son premier réflexe est de rencontrer les enquêteurs externes, les juricomptables. Il lui faut rapidement prendre connaissance de la preuve documentaire afin d'absorber le dossier et de se «faire une tête», explique-t-il.

Très vite, il se rend compte de l'ampleur de la tâche et constate que son défi en sera un de simplification. Car il va falloir expliquer en quelques jours des événements qui se sont déroulés sur plus de cinq ans.

D'habitude, dit-il, il n'est pas rare que l'on puisse passer 50 jours en cour pour expliquer un événement de cinq minutes. «Là, c'était le contraire, on a eu 50 jours de procès pour expliquer cinq ans.»

Cette stratégie se traduit par la production d'outils de simplification. Avec l'aide des juricomptables, il produit par exemple le «tableau des flux des retraits frauduleux».

Ce tableau permet d'un seul coup d'oeil de comprendre assez rapidement le mouvement des fonds dans le labyrinthe Norbourg.

Il permet également de faire comprendre à la cour en trois heures un stratagème que les juricomptables ont mis plus de 100 heures à décortiquer.

La même stratégie s'applique dans le choix des témoins. On trie et on sélectionne ceux qui seront entendus en cour. Un peu comme en journalisme, on garde l'essentiel et on laisse le reste.

Éric Downs est bien sûr satisfait d'avoir remporté le procès. Selon lui, la preuve contre Vincent Lacroix était accablante. Mais il est particulièrement fier d'avoir pu agir aussi rapidement.

Car 75 jours en cour, en incluant les interrogatoires, pour un dossier aussi lourd, c'est un quasi-exploit. «On a couru un marathon à la vitesse d'un sprint», résume-t-il.
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