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18 607 $ pour une prise forcée de température rectale!

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Agence Qmi

2014-02-11 13:15:00

Se sentant «violé» par un infirmier qui a pris sa température rectale sans son consentement, un ex-détenu a eu gain de cause contre l'Hôpital du Sacré-Coeur et empochera 18 607 $...

John Beshara est un ex-héroïnomane. En 2006, l'homme de 56 ans purgeait une peine les fins de semaine à la prison de Bordeaux pour des petits larcins commis quelques mois plus tôt et c'est à ces moments qu'il prenait ses doses de méthadone.

Mais l'infirmerie de la prison était en rupture de stock le 9 septembre 2006. À la place, le menuisier de formation avait pris des comprimés offerts par un codétenu, ce qui l'avait rendu malade. Le jour même, il était envoyé à l'hôpital.

La première nuit s'est passée sans encombre. Beshara avait même accepté qu'un infirmier prenne sa température par voie rectale.

C'est le deuxième jour que l'affaire a mal tourné, quand l'infirmier est revenu dans la chambre où Beshara était menotté.

«Selon les défendeurs, (Beshara) est devenu agressif, a arraché son intraveineuse et s'est mis à saigner, à cracher et à injurier l'infirmier et deux agents des services correctionnels», peut-on lire dans le jugement rendu la semaine passée au palais de justice de Montréal.

Il «s’est senti violé»

John Beshara a eu gain de cause contre l'Hôpital du Sacré-Coeur et empochera 18 607 $
John Beshara a eu gain de cause contre l'Hôpital du Sacré-Coeur et empochera 18 607 $
Les agents ont alors immobilisé le détenu, et l'infirmier a fini par prendre sa température. «J'étais enchaîné au lit, se rappelle John Beshara, qui dit avoir été blessé lors de l'événement. Je n'ai pas vu l'objet, mais j'ai senti que c'était plus gros (qu'un thermomètre).»

Et devant le tribunal, Beshara a expliqué qu'il s'était senti «violé» par l'infirmier.

«Il n'y avait aucune raison pour qu'il touche mon rectum, ok?, avait-il dit au juge Benoît Emery. La nuit d'avant, c'était les procédures et je comprends ça. Mais le lendemain, ce n'était pas les procédures et j'ai refusé.»

Bien que le juge ait rappelé que le geste posé par l'infirmier n'était pas une agression sexuelle, il a quand même accordé 18 607,03 $ au plaignant à titre de dommages. Car l'hôpital avait admis que l'acte de l'infirmier avait été posé sans le consentement du patient.

Beshara demandait au début 200 000 $ à l'hôpital, à un médecin et à l'infirmier, ainsi qu'aux services correctionnels.

Punitions

Même s'il se dit content d'avoir enfin eu gain de cause, Beshara explique avoir subi de nombreux inconvénients à la suite de l'incident.

À son retour à la prison de Bordeaux, il a été envoyé au trou pendant quelques jours. Et toutes ses plaintes ont été rejetées, dit-il.

L'avocat de Beshara, Me George Calaritis, s'est d'ailleurs dit déçu que le dossier ait traîné toutes ces années. D'autant plus que l'infirmier a avoué ses torts il y a trois ans, a-t-il expliqué au Journal.

Beshara qui dit être abstinent de toute drogue depuis trois ans, envisage de remettre une partie de l'argent reçu à des organismes de lutte contre l'hépatite C et la maladie d'Huntington.

Une question de principe, selon son avocat

«Quand un patient entre dans un hôpital, il devrait être traité de la même façon, qu'il soit détenu ou premier ministre», a lancé l'avocat de John Beshara, hier.

Selon Me George Calaritis, John Beshara s'est battu pendant presque huit ans par principe puisqu'il s'agissait, selon lui, d'un cas clair de violation de consentement. D'autant plus que l'expérience avait été traumatisante.

«Les règles existent pour une raison, explique l'avocat. Peu importe que ce soit un détenu, une personne âgée ou un témoin de Jéhovah, les gens doivent avoir le droit de choisir d'accepter ou non de recevoir un soin. Aujourd'hui, c'est un thermomètre rectal, demain ce sera quoi?»

Théorie et pratique

Jean-Claude Bernheim, criminologue et président de l'Office des droits des détenus
Jean-Claude Bernheim, criminologue et président de l'Office des droits des détenus
Le criminologue et président de l'Office des droits des détenus, Jean-Claude Bernheim, croit pour sa part qu'il y a parfois un écart entre la théorie et la pratique quand il s'agit de détenus. «Les traitements ne sont pas toujours donnés de la même façon», déplore-t-il.

M. Bernheim explique que lorsqu'un détenu est amené à l'hôpital, il reste sous le contrôle des services correctionnels.

Et le personnel médical pourrait être «plus ou moins contraint» à administrer les soins d'une façon différente que pour les patients réguliers.

«Ce n'est pas toujours facile pour les médecins», croit-il.

Jusqu’au bout

Beshara, de son côté, s'est dit heureux de s'être battu jusqu'au bout pour faire reconnaître ses droits. Il dit avoir refusé une entente à l'amiable, pour pouvoir parler ouvertement de cette problématique.

«Ce n'était pas une question d'argent, je voulais un jugement pour que ce soit rendu public, a conclu Beshara. Une prise de température rectale, c'est très personnel. Les gens devraient avoir le droit de choisir.»

L'Hôpital du Sacré-Coeur n'a pas souhaité commenter l'affaire. Jointe au téléphone, Michèle Fournier, du service des communications, n'a pas voulu dire ce qu'il était advenu de l'infirmier fautif dans cette affaire.

Pour lire le jugement, cliquez ici
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