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Le droit de connaître ses origines ou le droit à la vie privée?

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Philippe-andré Tessier

2008-06-26 10:00:00

Au cours des derniers jours, il a été demandé d’appeler au feuilleton le projet de Loi 397 visant à modifier le code civil du Québec afin de permettre aux enfants adoptés de retracer leurs parents biologiques et d’obtenir des renseignements médicaux sur ces derniers.

L’Association du Jeune Barreau de Montréal (AJBM) se questionne sur le bien-fondé d’un tel projet de loi qui ferait primer le droit des personnes adoptées d’être informées de leur statut et antécédents médicaux sur le droit à la vie privée de leurs parents biologiques.

L’AJBM soutient que le droit à la vie privée est un droit fondamental protégé tant par la Charte des droits et libertés de la personne que par la Charte canadienne des droits et libertés. Le droit à la vie privée étant fondamental de ce fait, il ne peut être restreint que si cette restriction est justifiée dans le cadre d’une société libre et démocratique. Un équilibre doit être établi entre les droits individuels et les droits collectifs.

Ainsi, pour restreindre le droit à la vie privée, il doit y avoir proportionnalité entre les effets de la mesure restrictive et l'objectif poursuivi, tel qu’enseigné par un courant jurisprudentiel constant. Or, le dépositaire du projet de loi soutient que l’objectif poursuivi est d’épargner un nombre incalculable de personnes de la maladie en leur permettant de connaître leur filiation et les antécédents médicaux de leur famille biologique. Bien que cet objectif soit louable, il n’est pas réalisable.

En effet, l’état actuel du droit à la confidentialité des dossiers médicaux ne permet à aucun tiers d’obtenir des renseignements consignés dans les dossiers médicaux d’un usager sans que celui-ci y ait consenti. Cette confidentialité des dossiers médicaux est enchâssée dans la législation québécoise : elle l’est au Code civil du Québec, mais plus spécifiquement dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux et la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.

De ce fait, aucun enfant, qu’il soit adopté ou non, ne peut avoir accès aux antécédents médicaux de ses parents biologiques sauf si ces derniers lui octroient volontairement accès à leur dossier médical ou l’informent de l’historique médical de la famille. D’ailleurs, la protection accordée aux dossiers médicaux peut même s’étendre après la vie de l’usager, dans les cas où ce dernier aurait consigné par écrit son refus d’accorder ce droit d’accès.

En résumé, l’objectif recherché par l’adoption du projet de loi 397 ne pourra être atteint en ce qui concerne la divulgation de l’information médicale à propos de la famille biologique. Par contre, d’autres solutions pourraient êtres envisagées, par exemple : les parents biologiques pourraient, sans que ce soit obligatoire, remplir une fiche informative sur les antécédents médicaux de leur famille respective. Cette fiche pourra être disponible pour toute personne adoptée. Cette solution, bien qu’elle ne permette pas de retracer les parents biologiques, respecterait tant le droit à la vie privée que le principe de la confidentialité des dossiers médicaux.

Philippe-André Tessier est président de l'AJBM et avocat chez Robinson Sheppard Shapiro.
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