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Fusion DLA Piper/Davis : quels impacts sur l’échiquier juridique?

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Céline Gobert

2015-03-18 15:00:00

Quelles vont être les conséquences de l’arrivée d’un nouveau joueur mondial sur les cabinets, nationaux et internationaux, ainsi que sur les entreprises qui font affaire avec eux, en termes de facturation et de plan stratégique ?

Au-delà du beau coup de publicité que constitue cette fusion pour les cabinets Davis et DLA Piper, l’internationalisation des services est une tendance qui ne fait que se confirmer. En effet, ce n’est pas la première fois qu’une firme d’aussi grande importance fait son entrée sur le marché canadien: nous avons déjà vu le phénomène se produire récemment avec Norton Rose Fulbright ou encore Dentons.

Outre le risque encouru par le canadien Davis de perdre quelques mandats de cabinets américains - puisqu’ils pourront, en se fondant dans DLA Piper, être perçus comme des compétiteurs- d’autres questions surgissent.

Certains clients et entreprises voient d’un bon oeil l’internationalisation des services qui leur permet d’avoir une vision d’ensemble, plus globale, des affaires. Certains (dont ceux qui oseront claquer la porte au nez du cabinet canadien qui les conseillent depuis des années!) vont même préférer faire affaire avec une seule firme présente partout dans le monde.

Plus que jamais, la pression dans l’industrie des services juridiques va s’accroître.

Comment les cabinets nationaux vont-ils survivre sur le marché ?

Me Dominique Tardif de ZSA ne pense pas que cela va révolutionner le marché
Me Dominique Tardif de ZSA ne pense pas que cela va révolutionner le marché
Les cabinets qui pourraient craindre une telle arrivée en sol canadien sont in fine les cabinets nationaux, ceux qui n’ont pas, au contraire de Norton Rose Fulbright ou DLA Piper, une présence aussi marquée partout dans le monde. On pense aux cabinets comme McCarthy Tétrault ou Stikeman Elliott, moins présents à l’échelle internationale et qui, peut-être, pourraient se faire chiper quelques mandats d’importance.

« Je ne pense pas que cela va révolutionner le marché, explique Me Dominique Tardif de ZSA, mais il est clair que l’ajout d’un nouveau joueur va augmenter la compétition entre les cabinets dans la recherche de clients internationaux.»

Sur le marché du recrutement, l’internationalisation est un concept très à la mode chez les jeunes avocats, explique la recruteuse pour qui cette fusion va éventuellement aider au « branding » de la firme. « On va constater une augmentation de l’attrait pour le cabinet », prévoit-elle.

Ce sont une connaissance du marché local et un service clients impeccable, que des cabinets plus internationaux pourraient moins prendre le temps de soigner, qui pourraient permettre aux cabinets plus « nationaux » de se démarquer dans ce nouvel échiquier juridique.

Quel plan stratégique adopter à l’heure de la globalisation ?

Me Daniel Desjardins, vice-président principal, affaires juridiques et secrétaire de la Société chez Bombardier
Me Daniel Desjardins, vice-président principal, affaires juridiques et secrétaire de la Société chez Bombardier
Si la nécessité absolue de demain sera donc de savoir garder ses clients fidèles, il s’agira également de définir un plan de croissance et d’avenir, stratégique et clair. « Dans le contexte de globalisation changeant que l’on connaît, Davis ne sera pas le dernier à voir son salut dans une fusion avec un grand cabinet étranger », explique Me Daniel Desjardins, vice-président principal, affaires juridiques et secrétaire de la Société chez Bombardier.

Cependant, selon lui, il n’y a pas de réponse juridique unique, mais bien une réponse adaptée, propre à chaque cabinet. « Aujourd’hui, tous les cabinets se posent les mêmes questions: “quelle est notre stratégie?”, “que veut-on devenir ?”, “quel est notre avenir à l’international ?”», dit-il, ajoutant que Bombardier collabore aussi bien avec de grands cabinets internationaux, qui facilitent les interfaces et diminuent les coûts, qu’avec des cabinets boutiques qui possèdent une expertise locale.

Ainsi, un cabinet souhaitant se développer dans le secteur des matières premières n’aura pas d’autre choix que de viser le marché international. En revanche, pour le cabinet expert en propriété intellectuelle ou en droit du travail, une connaissance pointue et locale de son domaine peut suffire à le faire rayonner.

Il appartient à chaque comité de gestion et à chaque équipe d’associés de déterminer ses propres solutions, adaptées aux questions stratégiques des cabinets; questions souvent bâclées voire même négligées par certains bureaux, selon Me Desjardins

Quels seraient les impacts d’une augmentation des taux horaires ?

Me Caroline Haney est préoccupée par les impacts qu’une éventuelle hausse des coûts pourrait avoir sur la base de clientèle existante
Me Caroline Haney est préoccupée par les impacts qu’une éventuelle hausse des coûts pourrait avoir sur la base de clientèle existante
Côté facturation, pourrait-on voir une augmentation drastique ? Non, répond Me Tardif, car les deux cabinets à fusionner en subiraient des conséquences négatives. Selon elle, nous n’assisterons qu’à peu de mouvement, sans « changements majeurs ».

Davis devrait donc s’ajuster sur les taux de DLA mais ils ne vont pas faire l’erreur d’augmenter les taux en face de cabinets déjà bien établis.

Un avis que ne partage pas la recruteuse Me Caroline Haney, préoccupée par les impacts qu’une éventuelle hausse des coûts pourrait avoir sur la base de clientèle existante. En outre, d’après la tendance post-fusion observée chez Dentons, on a déjà pu constater une hausse des prix, souligne-t-elle.

Pas sûr que dans le contexte actuel, c’est à dire celui d’un déclin général - du travail juridique en cabinet à l’économie mondiale, en passant par les conséquences du recrutement massif de conseillers juridiques en entreprise - une montée en flèche des taux de facturation soit une bonne chose, selon l’experte en recrutement..

D’ailleurs, si la résultante de cette fusion DLA Piper et Davis est une augmentation des coûts, la fusion ne serait pas un succès, affirme Me Desjardins, VP de Bombardier.

Le grand défi des cabinets ici, selon lui, est d’aller vers plus d’efficacité, et de réaliser une bonne intégration, vers ce qui doit être une plateforme unique à un moindre coût. Concrètement, il est possible de ne pas augmenter les coûts, explique-t-il, sans vouloir nommer des exemples précis de cabinets concernés.

Surtout qu’ailleurs, la tendance est au contraire à la baisse : les entreprises désirent des taux horaires plus compréhensifs et moins exorbitants. De nombreuses entreprises, citons L’Oréal comme exemple, possèdent des divisions canadiennes qui traitent elles-mêmes avec les juristes canadiens. Ce qu’elles veulent, à l’heure où les budgets externes alloués sont moindres, ce sont les meilleurs coûts possibles. « Quel est le client qui va vouloir payer un même service 20, 30 ou 40 dollars plus cher qu’auparavant? », s’interroge Me Haney.

En effet, comment peut-on débaucher le client du voisin si les coûts que l’on applique sont plus élevés que les siens ? Une telle interrogation place les questions de facturation au centre des mesures stratégiques devant être mises en place par les cabinets.
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9 commentaires

  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 9 ans
    Sans joke.
    "On pense aux cabinets comme __McCarthy Tétrault__ ou __Stikeman Elliott__, moins présents à l’échelle internationale et qui, peut-être, pourraient se faire chiper quelques mandats d’importance."

    Vraiment, il ne faut pas connaître la pratique de ces deux cabinets (qui dominent à eux seuls le litige commercial et le corpo à Montréal [avec Davies, disons]) pour dire quelque chose de la sorte.

    On notera que ceux-ci n'auraient absolument aucun avantage à fusionner. Au contraire; dominant le marché montréalais des transactions transfrontalières, s'ils en venaient à fusionner avec une quelconque firme internationale, ils perdraient énormément de clientèle notamment dû au conflit d'intérêts. Pensez-y: tous les mandats que ces deux cabinets recoivent des cabinets américains, ce serait kaput. Conflit d'intérêt immédiat, perte des mandats à Montréal. Je trouve dommage qu'on parle des cabinets nationaux comme ça... Selon moi, ce sont plutôt les deux piliers du milieu juridique montréalais, qui démontrent la force de leur organisation par leurs années d'excellence sans avoir à fusionner avec quiconque. Prenons Stikeman, par exemple - le head office est encore à Montréal, et le bureau est top 3 au Canada, et top 1 à Montréal à plusieurs égars. On devrait s'en réjouir, non pas courir perdre son identité à tout prix pour intégrer un modèle qui marche parfois (NR), parfois pas (autres)!

    Un cabinet comme Ogilvy Renault avait une pratique différente(pratique locale, plus avec de la Québec-inc) qui leur permettait de fusionner sans perdre trop de clients. Garder ses clients avec un branding international plus fort, pourquoi pas.

    Et puis pour d'autres (sans les nommer), ça semble être une façon d'éviter d'être effacé de la carte, et de vouloir avoir le plus gros cabinet à tout prix...

    Ne jamais oublier que ce qui fait la force d'une organisation, c'est sa culture. À force de fusionner, on perd sa culture, on perd son identité, et ultimement, on perd sa part de la tarte.

    La vérité, selon anonyme!

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 9 ans
      Plus ou moins
      Ne vous en déplaise, c'est tout à fait vrai qu'ils pourraient perdre quelque mandats. Ça n'a rien à voir avec le fait qu'ils dominent (selon vous) le marché montréalais. Les grandes entreprises tentent de faire des économies en concentrant les services juridiques entre les mains de quelques joueurs (en échange de rabais). Si vous n'avez qu'une présence locale, ce sera difficile de faire partie des élus. Vous serez limité à faire des mandats en raison des conflits d'intérêts des autres. Pas super comme business model pour une grande firme.

  2. DSG
    What are the impacts?
    I don't know but let's ask some people who are not real lawyers what they think.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 9 ans
      ...
      Je suis pas mal certain qu'on peut considérer Daniel Desjardins comme étant un vrai avocat ceci étant dit. Peut-être pas le mieux placé pour répondre à la question posée, j'en conviens toutefois.

    • DSG
      I apologize
      Me Desjardins is a real lawyer.

    • DSG
      I retracted
      He's actually one of the best in-house guys. My comment was directed at the other two.

  3. Anonyme
    Anonyme
    il y a 9 ans
    Avocat
    avec un salaire de près d'un 1,7 millions de $ par année, même s'il ne serait pas un vrai avocat, j'ai l'impression qu'il aurait quand même réussi sa carrière.

  4. Anonyme
    Anonyme
    il y a 9 ans
    Commentaire
    Comme l'article l'affirme, FMC suite à la fusion a été obligé d'augmenter leur taux horaire. Montréal est un marché compétitif et l'effet s'est vite ressenti. Il parrait qu'il y a eu beaucoup de départs chez les jeunes avocats, et peu de stagiaires ont été gardé depuis 1 an en raison d'une baisse d'heures facturables. D'autres bureaux, comme Blakes ont pris une part de ce marché, en offrant des prix plus agressif.

  5. Anonyme
    Anonyme
    il y a 9 ans
    On va finir comme les comptables c est clair
    Que les in-house ne se réjouissent pas trop longtemps. Leur temps facile de reduire nos honoraires achève. Encore quelques fusions pour avoir quelques mega cabinets internationaux, quelques gros nationaux resteront, les gros régionaux et les boutiques spécialisées et d ici 5 ans on reussira a re-renverser la balance de l offre et de la demande pour les clients significatifs coté transactions pour lesquelles ils ne peuvent se staffer a l interne en tout temps. Comme les comptables. Sont 4 pour les tres gros, une autre demie douzaine pour l echelon suivant et apres bon, une autre demi douzaine de regionaux...donc les prix se tiennent plus et y en a pour tout le monde. C est a nous de continuer la consolidation. Bravo a Davis pour ce move qui je l espere fait partie d une mouvance tres significative.

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