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Un coup de pouce aux riches

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André Lareau

2015-04-15 11:15:00

Professeur de droit et avocat, l’auteur considère que le doublement de la contribution au CELI ne fera qu’élargir le fossé entre les nantis et les autres Canadiens...

André Lareau est avocat et professeur de droit fiscal à la Faculté de droit de l’Université Laval
André Lareau est avocat et professeur de droit fiscal à la Faculté de droit de l’Université Laval
Selon toutes probabilités, le budget fédéral qui sera déposé le 21 avril prochain permettra de doubler la contribution annuelle, présentement fixée à 5500 dollars, que les contribuables canadiens peuvent faire dans un compte d’épargne libre d’impôt (CELI). Qui seront les grands gagnants de cette proposition, toute séduisante qu’elle puisse être ?

D’emblée, force est de reconnaître que l’effet combiné de la non-imposition du rendement généré par les contributions CELI et de la progressivité des taux d’imposition permet aux mieux nantis de profiter davantage de cet outil financier, puisque la subvention fiscale qu’ils reçoivent est supérieure à celle dont bénéficient les contribuables à plus faible revenu.

Mais qui sont les contribuables qui ont la capacité financière de contribuer à un CELI ? Pour l’année de référence 2012, le ministère des Finances du Canada nous indique que les contribuables dont le revenu total était inférieur à 80 000 dollars ont versé 79% des cotisations totales au CELI. Il néglige toutefois d’ajouter que ce bénéfice a aussi profité à plus de 410 000 contribuables (4,5% du nombre total de titulaires de CELI) dont le revenu est supérieur à 150 000 dollars.

La statistique la plus intéressante et, du même coup, la plus inquiétante est la suivante : seulement 29,2% des contribuables ayant un revenu inférieur à 50 000 dollars étaient détenteurs d’un CELI en 2012, alors que cette proportion grimpe à 99,9% pour les contribuables ayant un revenu supérieur à 150 000 dollars.

Ceci illustre la réalité financière des contribuables à plus faible revenu qui n’ont tout simplement pas la capacité économique d’investir dans un CELI et de profiter de cette subvention de l’État, puisque c’est réellement de cela qu’il est question.

Aussi, seuls 2,2 millions de titulaires de CELI (sur un total de 9,5 millions) maximisent leurs contributions annuelles. Or, on se doute bien que les quelque 410 000 contribuables dont le revenu excède 150 000 dollars font partie de ce groupe.

La hausse attendue des contributions admissibles au CELI lors du dépôt du prochain budget fédéral ne peut qu’exacerber cette situation pourtant reconnue par le ministère fédéral des Finances en ces termes: « La proportion des cotisations versées par des Canadiens à faible revenu devrait diminuer à l’avenir à mesure que les droits de cotisation au CELI continuent de s’accumuler.»

Aux États-Unis, lieu de naissance du CELI en 1997, certaines balises ont été mises en place afin de limiter la portée de cet outil financier. C’est ainsi que la contribution annuelle maximale y est plafonnée à 5500 dollars pour les contribuables de moins de 50 ans et à 6500 dollars pour les autres et elle est carrément interdite lorsque le revenu annuel excède un certain plafond, fixé à 116 000 dollars pour une personne seule et à 183 000 dollars pour un couple marié qui produit une déclaration de revenus commune.

Ces restrictions ont le mérite de reconnaître que cet allégement fiscal, s’il doit subsister, ne doit pas servir à accroître exponentiellement la richesse des mieux nantis. Les agissements du gouvernement fédéral ne font que contribuer à élargir le fossé économique qui sépare les riches des autres.

Sur l’auteur :

André Lareau est avocat et professeur de droit fiscal à la Faculté de droit de l’Université Laval depuis 1982; il a aussi été doyen de cette faculté. Ses travaux portent notamment sur la politique fiscale, la fiscalité corporative et la fiscalité internationale. Il a été professeur invité en France, en Australie et en Nouvelle-Zélande. Il est avocat conseil au cabinet Joli-Coeur Lacasse.
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