Comment affronter une conversation difficile?

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Sophie Audet

2015-11-13 14:15:00

Une jeune avocate entend renouer le contact avec une collègue avec laquelle elle a eu un échange difficile. Son coach la conseille dans sa démarche...

Sophie Audet est coach d'affaires
Sophie Audet est coach d'affaires
Amélie est une jeune avocate qui pratique le droit commercial au sein du contentieux d’une entreprise montréalaise.

Sophie Audet, coach d’affaires, l'assiste dans le développement de son leadership et répond aux questions qu’elle se pose quand elle est mise en difficulté dans le cadre de situations professionnelles.

A: Coach
De: Amélie
Sujet: Le retour d’Oeil de lynx
Date: 9 novembre 2015 - 10: 33

Salut Coach,

J’espère que tu vas bien. Un gros merci pour ton feed-back sur la façon de contrôler sa négativité. J’ai utilisé les deux stratégies que tu as proposées et j’ai déjà pu observer des améliorations.

Par ailleurs, depuis que ma colère s’est dissipée, j’ai réfléchi à mon incident avec Œil de Lynx. Je vois maintenant les choses de façon plus positive. J’ai pris conscience que j’ai besoin de développer une bonne relation avec elle puisque le rôle qu’elle occupe au sein de l’organisation est étroitement lié au mien.

Plutôt que de se crêper le chignon quant à savoir laquelle de nous deux a raison, nous aurions avantage à travailler plus étroitement en équipe. Je pourrais ainsi profiter de son obsession pour les détails (ce qui ne pourrait certainement pas me nuire) et elle pourrait profiter de ma capacité à voir le « big picture », à anticiper les risques et à trouver des solutions créatives pour les mitiger.

J’aimerais donc organiser une rencontre avec elle, afin de repartir notre collaboration du bon pied

Je dois admettre cependant que je ne fais vraiment pas la vague à l’idée de cette rencontre…Je n’ai aucune idée de la façon d’aborder le sujet. J’ai peur qu’elle se mette sur la défensive, que cela entraîne la même chose de mon côté et que notre relation dégénère…

Quelles sont les stratégies pour affronter une conversation difficile ?

Ciao et merci d’avance!

Amélie

A : Amélie
De : Coach
Sujet: Comment affronter une conversation difficile
Date: 9 novembre 2015 – 18 : 16

Bonjour Amélie,

Une conversation difficile en est une où les deux parties ont des opinions opposées à l’égard d’un enjeu important qui les fait réagir fortement au niveau émotionnel (1)

Pourquoi est ce si difficile de mener ce type de conversation ? Pourquoi est ce très rare qu’il en découle un résultat fructueux ? Tout simplement parce que notre cerveau associe les conversations difficiles à une menace à notre statut, à notre autonomie ou à un autre aspect de notre identité qu’il perçoit alors en péril (2).

Ainsi, si nous n’y faisons pas attention, notre cerveau reptilien déclenchera un des mécanismes instinctifs suivants: attaquer (fight), fuir (flight) ou figer sur place comme un lapin dans les phares d’une voiture (freeze). Les ressources de notre cerveau seront alors focalisées par ce qu’il considère relever de la survie, privant ainsi d’autres fonctions essentielles comme la mémoire, la créativité, la capacité à décider et à résoudre des problèmes. On comprend ici pourquoi il est si rare que quelque chose de constructif puisse en émaner.

Face à une conversation difficile, l’enjeu est donc de prendre conscience de nos mécanismes instinctifs et de mettre en place des conditions favorables pour que les deux parties impliquées ne soient pas otages des réactions primaires de leur cerveau reptilien.

Quelles sont les stratégies qui peuvent être mises en place ? Voici quelques pistes :

i) Se préparer: Puisque nos mécanismes de survie sont programmés de façon très puissante, il est essentiel de prendre le temps de se calmer et de se préparer. Les auteurs de Difficult Conversations (3) proposent de le faire en rédigeant le récit de la situation comme une tierce partie complètement neutre le ferait.(4) Quel serait l’objectif de cette conversation vu par cette tierce partie ? Comment cette tierce partie aborderait la discussion pour accomplir l’objectif souhaité ? Quelles seraient ses stratégies pour rester neutre pendant la discussion ?

ii) Créer un espace sécuritaire : Afin d’éviter aux deux parties de glisser dans les réactions de leur cerveau reptilien, un espace sécuritaire doit être créé où elles pourront se sentir suffisamment en confiance pour avoir un dialogue constructif. Cet espace sécuritaire est ce qui permettra aux informations significatives et pertinentes de circuler librement et à des solutions créatives d’émarger. Il s’agit d’une étape fondamentale mais difficile à mettre en œuvre, surtout lorsque les parties ont déjà été échaudées. Les auteurs de Crucial Conversations : Tools for Talking When Stakes Are High proposent ce qui suit pour y parvenir : (5)

Débuter la rencontre par un recadrage : Débuter la rencontre par un recadrage permettra de rassurer l’autre sur nos intentions et de lui témoigner notre respect. Le tout doit évidemment être authentique. Voici un exemple : « Je veux tout d’abord que tu saches que je valorise le travail que tu fais et c’est important pour moi d’entretenir une bonne relation avec toi.» L’humour, la dédramatisation et les excuses (lorsqu’elles sont appropriées) peuvent être des outils très utiles pour démarrer la discussion du bon pied.

Identifier un objectif commun : Établir dès le début de la rencontre un objectif commun nous permettra de communiquer à l’autre partie notre intention d’en arriver à une solution. Ce sera une occasion de lui démontrer que nous nous préoccupons de ses intérêts et émotions. À titre d’exemple, notre objectif pourrait être de « trouver des façons de mettre à profit nos différences respectives ». Cet objectif sera la boussole qui permettra de diriger les échanges qui suivront.

iii) Chercher d'abord à comprendre, ensuite seulement à être compris (6) . La plupart d’entre nous avons le mauvais réflexe d’initier toutes nos discussions en ayant comme objectif d’être compris. Nous n’écoutons pas les autres avec l’intention de les comprendre. Nous le faisons avec l’intention de répliquer. Si nous permettions au départ à notre interlocuteur de se sentir vraiment écouté, il serait à son tour beaucoup plus disposé à le faire et être ouvert à nos idées (7). Ainsi, commencer la rencontre en explorant le récit de notre interlocuteur permettra d’inspirer la confiance et l’ouverture d’où pourront émerger des solutions créatives.

iv) Exprimer de façon authentique notre point de vue: Il s’agit ici de tout simplement expliquer notre point de vue de la façon la plus simple, directe et authentique possible. Décrire les faits sans exagération ou jugement, exprimer son ressenti en utilisant « je » et pas « tu » et ne pas porter d’accusation sur la personne sont les éléments clés. Fred Kaufman, professeur au MIT et auteur de Conscious Buisness, s’exprime ainsi à ce sujet : « Productive expression is a way to present your view point to others as effectively as you can. You are not trying to convince anyone that you are right, you are helping others to understand why you think the way you do. »

v) Demeurer vigilants : Nous devons demeurer vigilants tout au long de la conversation afin de s’assurer que notre cerveau reptilien ne reprenne pas le contrôle. Il peut être très rusé. Se focaliser sur notre objectif commun nous permettra de résister à l’envie de prévoir des répliques ou des réfutations.

vi) Faire progresser la discussion: Une fois que les points de vue ont été expliqués, une des deux parties doit faire avancer les choses même si elles demeurent en désaccord. À cette étape, on peut tout simplement réitérer l’objectif commun et proposer à l’autre partie quelles sont ses idées pour y parvenir. Il est préférable d’apporter nos suggestions seulement en dernier.

vii) S’entendre sur des actions: Se fixer des actions précises, réalistes, claires, spécifiques et mesurables devant être accomplies à la suite de la rencontre augmentera les chances de succès de façon significative. Ceci permettra d’identifier clairement ce qui doit être fait pour mettre en œuvre notre objectif commun. Ceci permettra également d’envisager les obstacles et les stratégies pour les surmonter.

Je te suggère de préparer ta rencontre à l’aide des paramètres ci-dessus. Quels sont tes constats ?

Ton coach

A : Coach
De : Amélie
Sujet : « C’est l’ignorance et non la connaissance qui dresse les hommes les uns contre les autres » Kofi Annan
Date: 10 novembre 2015 – 8 : 45

Allo Coach,

Merci pour ce feed-back. Je vais préparer ma rencontre à l’aide de ton feed back et te rencontrer en face à face pour en discuter et me pratiquer. As-tu des disponibilités dans les prochains jours ?

Merci !

Amélie

Un coach professionnel est une personne bien placée pour vous aider à développer votre leadership personnel. Pour plus d’informations, consultez mon site web à www.sophieaudet.ca et suivez moi sur Faceboook.

(1) Pour une analyse plus approfondie de cet enjeu, voir Crucial Conversations : Tools for Talking When Stakes Are High (Patterson, Grenny, Mcmillan Switzler)
(2) David Rock, Docteur en neurosciences, professeur à l ‘Université Oxford au UK et Cofondateur du Neuroleadership Institute and Summit a modélisé les aspects essentiels et primaires de survie pour le cerveau sous le nom de SCARF.
(3) Ce livre, écrit par les auteurs Douglas Stone et al. , est fondé sur le travail du Global Negotiation Project de l’Université Harvard.
(4) Cette suggestion est dans le même esprit que l’approche de William Ury, directeur du Global Negotiation Project à (et auteur de « Getting Past No ») qui propose de s’imaginer, comme si on était une tierce partie « assise sur un balcon » observant à distance la situation
(5) Voir note 1
(6) Il s’agit de la 5 ème habitude de The Seven Habits of Highly Effective People de Stephen Convey
(7) How to Really Listen, Peter Bregman, Harvard Business Review, 2011
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3 commentaires

  1. DSG
    My goodness...
    Amelie, if you can't handle confrontation you are in the wrong profession. I've had people spit on me. If you want to play with the big boys you need to man-up.

  2. Anonyme
    Anonyme
    il y a 8 ans
    J
    Cher DSG,

    Vous avez un discours très rétrograde. En 2015, un bon avocat doit aussi faire preuve d'intelligence émotionnelle et entretenir de bonnes relations avec ses collègues. On ne cherche plus des mercenaires dans les cabinets...

  3. Isabelle
    Isabelle
    il y a 8 ans
    re My goodness
    Curieusement, il y a un très grand nombre d'avocats qui sont très poches dans les interactions avec le personnel, les associés ou patrons ou collègues, même s'ils brillent d'aisance face à des adverdaires, ou des juges ou témoins, etc.

    Ça se retrouve aussi chez plusieurs cadres et "gens de marketing", selon mon humble observation.

    De ce fait, je trouve le scénario très vraisemblable.

    Et le texte assez intéressant, surtout ce rappel fort pertinent, même si c'est tout bête: "L’humour, la dédramatisation et les excuses (lorsqu’elles sont appropriées) peuvent être des outils très utiles pour démarrer la discussion du bon pied."

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