Entrevues

Peut-on interdire les pitbulls?

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Julien Vailles

2016-06-20 15:00:00

Les règlements concernant l'interdiction des pitbulls peuvent-ils passer le test constitutionnel et si oui, à quelles conditions? Un avocat se prononce sur le sujet…

Me Sylvain Lussier, avocat chez Osler, Hoskin & Harcourt
Me Sylvain Lussier, avocat chez Osler, Hoskin & Harcourt
Dans la dernière semaine, les villes de Québec et de Montréal ont chacune adopté un règlement prohibant la possession des pitbulls. D'autres municipalités y songent. Déjà, cela soulève une levée de boucliers et de nombreuses contestations en cour sont à prévoir. Me Sylvain Lussier, avocat chez Osler, Hoskin & Harcourt répond à nos questions sur le sujet.

D'abord, les municipalités ont-elles l'autorité nécessaire pour adopter un tel règlement?

Selon moi, oui. Cela découle du pouvoir qui leur est octroyé en vertu de la Loi sur les cités et villes. Par ailleurs, les articles 59 et suivants de la Loi sur les compétences municipales permet aux villes d'établir des règlements en matières de nuisances et de sécurité. L'article 83 prévoit aussi que toute municipalité peut adopter un règlement pour assurer la paix, l'ordre, le bon gouvernement et le bien-être de la population. C'est donc sous l'égide de l'un de ces principes qu'une ville peut établir cette mesure.

Si le gouvernement du Québec adopte lui-même un règlement pour l'ensemble de la province, qu’adviendra-t-il des règlements municipaux?

Ceux-ci ne devraient pas être invalidés, à moins qu'ils soient en contradiction avec le règlement provincial. Cependant, si le règlement provincial et le règlement municipal prévoyaient tous deux des amendes, les deux ne pourraient pas s'appliquer. C'est le principe selon lequel on ne peut punir deux fois pour la même infraction, comme établi à l'arrêt Kineapple de la Cour suprême du Canada.

Qui a l’intérêt requis pour contester en Cour la constitutionnalité d'un règlement municipal sur les pitbulls?

Les propriétaires de pitbulls. Il faut également compter ceux qui désirent s'en procurer un, mais qui s'en voient empêchés par le règlement. Des organismes de protection des animaux, comme la SPCA, pourraient aussi le faire, à condition de démontrer un intérêt juridique suffisant.

Les règlements de Québec et de Montréal se distinguent en ce que le premier oblige les propriétaires de pitbulls à se départir de leur chien, alors que le deuxième ne vise une interdiction que pour l'avenir. Que pensez-vous des chances de succès d'une éventuelle contestation de ces règlements?

Au fond, on peut dire que le règlement de Québec a une application rétroactive, car les propriétaires actuels de pitbulls sont touchés. Ces propriétaires tenteront donc probablement de plaider l'expropriation : on dira que cette mesure n'est pas nécessaire, sauf preuve contraire. La ville concernée tentera donc de démontrer que sa mesure a été prise conformément aux pouvoirs qui lui sont conférés par la Loi sur les cités et villes et la Loi sur les compétences municipales. Tout dépend donc de sa capacité à y parvenir. Même chose, donc, pour le règlement de Montréal, expropriation en moins.

La modification récente du Code civil par la Loi visant l’amélioration de la situation juridique de l’animal aura-t-elle un impact sur cette interdiction?

Pas vraiment. Cette modification au Code civil supprime la notion d'animal considéré comme un bien, mais pas celle de propriétaire. Par conséquent, un propriétaire pourrait toujours plaider la thèse de l'expropriation, puisque malgré la nouvelle loi, il demeure malgré tout propriétaire de son animal.

Me Sylvain Lussier est associé au sein du groupe de litige de Osler, Hoskin & Harcourt à Montréal. Il possède plus de 35 années d'expérience acquises principalement dans les domaines du litige commercial, du droit administratif et du droit constitutionnel. Il a enseigné le droit administratif à l’Université d’Ottawa, à l’Université de Montréal et au Barreau du Québec.
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9 commentaires

  1. marylinen
    marylinen
    il y a 7 ans
    animal un bien!
    selon la nouvelle loi adopter les animaux de compagnie ne sont plus supposer etre un bien !
    non?

    • Avocat
      Avocat
      il y a 7 ans
      Avocat
      Je vous que vous avez accès au web.
      Alors lisez-la, ça répondra à votre question.

  2. Anonyme
    Anonyme
    il y a 7 ans
    Nouvelle loi
    Effectivement que dans le sens où Me Lussier l'entend, que le chien demeure une "propriété", les nouvelles dispositions n'ont "pas vraiment" d'impact.

    Si on regarde la nouvelle loi par contre, je ne serais pas aussi tranchant.

    LOI SUR LE BIEN-ÊTRE ET LA SÉCURITÉ DE L’ANIMAL

    6. Nul ne peut, par son acte ou son omission, faire en sorte qu’un animal soit en détresse. Pour l’application de la présente loi, un animal est en détresse dans les cas suivants:
    1° il est soumis à un traitement qui causera sa mort ou lui fera subir des lésions graves, si ce traitement n’est pas immédiatement modifié;

    4. Toute disposition d’une loi accordant un pouvoir à une municipalité ou toute disposition d’un règlement adopté par une municipalité, inconciliable avec une disposition de la présente loi ou d’un de ses règlements, est inopérante.


    Dans le cas de Québec, je vois difficilement comment un règlement qui permet la mise à mort de chien en bonne santé peut être concilier avec la nouvelle loi...beau débat en vue !

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 7 ans
      re: nouvelle loi
      Je crois qu'on s'éloigne un peu de la substance...

      Il est déjà 'permis' d'euthanasier les animaux - les règlements municipaux proposés ne changent rien en ce sens.

      Je n'ai pas encore lu le règlement proposé par Régis, mais j'ose croire que sa solution n'est pas d'euthanasier tous les chiens 'méchants'. Il y a d'autres alternatives pour rencontrer ces objectifs de sécurité publique.

      Mais bref, encore faut-il que le règlement soit adopté. Il y aurait bien matière à contestation à mon avis !

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 7 ans
      Sauf que...
      "Il est déjà 'permis' d'euthanasier les animaux - les règlements municipaux proposés ne changent rien en ce sens."

      Oui, si le propriétaire le décide ou si le sujet est "dangereux"...sauf que la, on exigera l'euthanasie sur des sujets sains. Du moins , c'est cette direction que Québec semble prendre, contrairement aux règlements de Montréal ou Brossard, qui selon moi, seront beaucoup plus dure à contester.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 7 ans
      M. Labeaume
      Est-ce que Régis Labeaume est votre beau-frère?
      Interpeller par le prénom est réservé aux contextes familier et convivial. Ce n'est pas une question de modernité ou de libéralisation. Qu'on aime nos politiciens ou non ou qu'on soit critique de leurs actions ne change rien au respect qu'on leur doit. C'est en diminuant la noblesse de la fonction à grands coups de Régis qu'on affaiblit la classe politique. Et avec des politiciens faibles et peu respectés, on peine à attirer de bons candidats et on voit parfois assez bien ce que ça donne. Mais à vous lire, on conclut qu'on a les hommes et les femmes politiques qu'on mérite.
      Alors, s'il vous plaît et pour le bien de tous, dites M. Labeaume.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 7 ans
      Régis et Denis
      Daniel, is that you?

  3. Anonyme
    Anonyme
    il y a 7 ans
    Stagiaire
    Application rétroactive? À ce que je sache la loi n'a pas un effet futur à une opération juridique passée... Interprétation 101?

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 7 ans
      re: interprétation 101
      En fait, on parlerait plus d'un effet rétrospectif, et non rétroactif.

      Driedger et P-A Côté 101.

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