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Un cabinet facture 2000 $ l'heure... et une juge dénonce!

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Jean-francois Parent

2017-02-28 13:20:00

Dans un jugement lapidaire, une juge de la Cour supérieure refuse des ententes de règlement constatant une enflure pécuniaire...

Un cabinet facture 2000 $ l'heure... et une juge dénonce!
Un cabinet facture 2000 $ l'heure... et une juge dénonce!
Les ententes de règlement intervenues dans quatre actions collectives ont heurté un mur érigé par la juge Claudine Roy de la Cour Supérieure. Dans un jugement rendu le 23 janvier, elle déplore que les conventions d'honoraires s'élèvent souvent à plus du quart des sommes perçus.

Les avocats de Sylvestre Fafard Painchaud, qui représentent le groupe Option Consommateurs dans quatre dossiers, se sont fait tancer par la juge Roy : cette dernière refuse les règlements intervenus avec les banques Amex, Scotia, CIBC, Choix du Président et Canadian Tire.

Pour la juge Roy, « le travail des avocats n’a contribué à aucune modification des comportements des défenderesses », écrit-elle dans son jugement.

Elle rejette ainsi les conventions d'honoraires intervenues entre les avocats de Sylvestre Fafard Painchaud. Ils sont les mêmes pour tous les dossiers similaires plaidés par le cabinet et ils rebutent la juge Roy.

Claudine Roy analyse que « aux termes de ces recours judiciaires, si les ententes étaient approuvées, le cabinet Sylvestre Fafard Painchaud aurait reçu 15 337 500 $ à titre d’honoraires et débours, sans les taxes. Ils ont déjà reçu 13 025 000 $ à la suite des six transactions approuvées par les juges Gascon, Alary et Corriveau. Ils en demandent 2 312 500 $ de plus pour les cinq ententes dont ils recherchent l’approbation ».

Les autres dossiers impliquaient les autres grandes banques à charte et la banque MBNA ainsi que le Mouvement Desjardins. Ils ont été plaidés et jugés.

7 744 heures en deux pages

La juge n'est pas impressionnée par le fait que Sylvestre Fafard Painchaud a, dans les quatre causes que la cour doit trancher, présenté un mémoire de frais tenant sur deux pages, portant sur un total 7 744 heures.

Ce sont les heures travaillées dans les six dossiers où le cabinet a représenté Option Consommateurs, et les 13 millions $ déjà perçus sont le produit des ententes obtenues dans deux autres dossiers.

« Si le Tribunal calculait 7 744 heures à un taux moyen de 300 $ l’heure, (…) les honoraires s’élèveraient à 2 323 200 $. Les 15 337 500 $ que réclament Sylvestre Fafard Painchaud équivaudraient à un facteur multiplicateur de 6,6 (près de 2 000 $ de l’heure), alors que la jurisprudence québécoise utilise plutôt un facteur multiplicateur variant entre 2 et 2,5. »

La juge Roy fait en outre valoir que ces quatre recours sont essentiellement les mêmes que les autres plaidés par le cabinet et pour lequel il a déjà reçu 13 millions $.

« D’une part, il s’agit non pas d’un seul dossier de cour, mais bien de six (…) Un dossier n’est pas plus compliqué (…) qu’il y ait trois, cinq ou dix défendeurs, qu’il y ait 100 000 ou 500 000 membres ou que la transaction se solde par le paiement de trois, dix ou cinquante millions », écrit Claudine Roy pour étayer son refus de sanctionner les ententes de règlements.

Elle s'indigne en outre de ce que « le cabinet Sylvestre Fafard Painchaud recevrait des honoraires supérieurs à ceux des dossiers Marcotte et Adams, sans jamais avoir plaidé leur cause et en ayant travaillé environ la moitié moins d’heures ».

Citant l'exemple des avocats en demande dans les dossiers Marcotte et Adams, qui ont travaillé 13 650 heures et ont plaidé jusqu'à la Cour suprême, elle remarque que « Trudel et Johnston a reçu 13,5 millions $ dans les dossiers Marcotte, (tandis) que Irving Mitchell Kalichman, quant à lui, a reçu 8,47 millions $ pour le dossier Adams».

Pendant ce temps, les membres des actions collectives ont reçu ou recevraient entre 5 $ et 100 $ chacun…

Les simples citoyens « ne reçoivent rien »

Constatant ce qu'elle estime être une enflure pécuniaire, la juge déplore que les conventions d'honoraires s'élèvent souvent à plus du quart des sommes perçus.

« Les tribunaux doivent être vigilants pour éviter que l’action collective ne devienne qu’une source d’enrichissement pour les avocats en demande et une source de financement pour des organisations sans but lucratif », affirme la juge.

Elle plaide donc pour que « les conventions d’honoraires, (prévoient) des pourcentages dégressifs à partir de l’obtention d’un certain montant ou un montant maximum ».

Parce que « les actions collectives visent à compenser les membres pour un préjudice subi ou pour le non-respect d’une législation », Claudine Roy s’insurge contre le fait que et les avocats et les OSBL perçoivent de gros montants, tandis que les membres, eux, ne reçoivent rien.

« Le Tribunal croit qu’aucun membre n’accepterait de payer des honoraires au cabinet Sylvestre Fafard Painchaud pour ne recevoir aucune compensation et alors qu’il a déjà reçu 13 millions $ pour le travail effectué. »

Un spécialiste des recours collectifs, qui plaide en défense dans plusieurs dossiers, estime que la juge Roy a manqué de nuance. Plaidant parfois devant Claudine Roy, il requiert l'anonymat.

« Oui, c'est vrai que les avocats auraient pu faire un meilleur travail pour expliquer -et justifier- leurs tarifs. Mais dans combien de causes perdues ont-ils englouti des millions de dollars? ll faut aussi en tenir compte. » La juge aurait pu simplement exiger qu'ils précisent le travail, ajoute cet avocat. « Je doute que ce jugement soit maintenu en appel », croit le juriste, qui insiste sur l'importance des actions collectives -et du travail des avocats- comme moyen de favoriser l'accès à la justice.

Selon ce que Droit-Inc a appris, un appel de la décision serait actuellement en préparation.
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5 commentaires

  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 7 ans
    Enfin
    Cela va peut-être enfin ralentir le "trend" grandissant des recours collectifs complètement frivoles au Québec...

  2. Anonyme
    Anonyme
    il y a 7 ans
    Ridicule!
    C'est une honte de se servir des recours collectifs pour s'adonner à une facturation aussi aberrante! Du jamais vu quant à moi, en 25 ans!

  3. BS
    Syndic
    Ce comportement n'est pas seulement scandaleux mais contraire à l'éthique. Le syndic du Barreau devrait s'en mêler

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 7 ans
      The Question
      What would Khuong do? Save us Lu Chan!

    • Sedia Stercoraria
      Sedia Stercoraria
      il y a 7 ans
      Sedia Stercoraria
      Je ne suis pas d'accord. Ceci dit, je suis pleinement en accord avec l'analyse de la Juge.

      Il n'y a pas de faute déontologique tant qu'on a pas véritablement facturé, y compris pour l'accusation de donner à la profession un caractère de lucre et de commercialité qui reprend de la vigueur depuis le nouveau Code de déontologie. Or, l'acte qui consiste à "facturer" consiste pour nous tous à envoyer une facture au client et légalement pour eux, cela est marqué par le moment ou le juge a tranché sur les honoraires. Ainsi, en toute logique, ils facturent ce que la Cour dicte, donc il n'y a pas de faute.

      Ce qui vient avant est une proposition et non une facturation, puisque les clients n'en sont pas responsables avant la décision du Juge.

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