Grosse semaine à l’ouvrage
Comment transformer un prédateur sexuel en agneau docile ?
Martine Turenne
2017-03-20 15:00:00
C’est la tâche titanesque de deux avocats, alors que débute le contre-interrogatoire de l’ex-entraîneur de ski accusé d’agressions sexuelles sur des mineures...
Il a mis enceinte une adolescente, et en a agressé sexuellement 11 autres. Devenues des femmes aujourd’hui, elles sont venues tour à tour raconter, au palais de justice de Saint-Jérôme, comment leur entraîneur de ski, Bertrand Charest, avait ruiné leur adolescence. Relations sexuelles non protégées, attouchements, tant privés que publics, remarques dégradantes, contrôle sur leur vie intime… Tout y a passé la semaine dernière.
Les témoignages sont crédibles. Ils se corroborent. Pour les avocats de Charest, Mes Jacky-Éric Salvant et Antonio Cabral, la semaine dernière a été très éprouvante. Ils ont pris la cause en janvier, après que l’ex-coach ait changé pour la quatrième fois d’avocats depuis le dépôt des accusations.
Il fait face à 57 chefs d'agressions sexuelles et de contacts sexuels alors qu'il était en position d'autorité à l'égard de 12 skieuses âgées entre 12 et 19 ans.
Selon toute vraisemblance, l'accusé de 51 ans ne témoignera pas pour sa défense.
Ce matin, au premier jour du contre-interrogatoire, Isabelle Charest, la soeur de l’ex-coach de ski, est venu raconter que son frère est le genre d'homme qui se levait la nuit pour sauver un agneau sur la ferme familiale. « On travaillait sur la ferme de 250 moutons. Pendant la mise bas, mon frère se levait la nuit avec ma mère pour sauver les bébés moutons. Sans aide, les agneaux ont tendance à se laisser mourir », a-t-elle raconté au palais de justice de Saint-Jérôme.
Mais il faudra davantage que le sauvetage de bébés moutons. Les avocats Salvant et Cabral ont devant eux une tâche titanesque, disent les deux experts en communication Jean-Jacques Stréliski, professeur à HEC Montréal, et Bernard Molusky, titulaire de la Chaire de relations publiques et communication marketing à l’Uqam.
Ses avocats pourront-ils renverser la vapeur?
Une image de dur
«Agressions sexuelles de mineures, alors qu’on est en position d’autorité… C’est le pire qu’on puisse avoir », dit d’emblée Bernard Molulsky, qui est persuadé que les avocats choisiront de ne pas faire témoigner leur client.
Et il a beau sauver les agneaux, l’image que dégage Bertrand Charest est celle d’un dur. «Quand on le voit, dit Bernard Motulsky, il ne dégage ni pitié ni sympathie. Avec son crâne râsé et son côté rambo, tout son look crédite les témoignages : il a de la poigne, on peut l’imaginer en train de contrôler les jeunes filles… Et c’est difficile de changer cette perception. »
Il doit faire face à une accumulation des témoignages de femmes crédibles, dont les histoires arrachent le coeur. « Pour ce qui est de sa réputation, la côte est difficile à remonter, à moins d’une ligne de défense comme celle de Marcel Aubut: ‘j’ai besoin de me faire soigner’… Mais Aubut n’était pas accusé au criminel. »
Des objectifs opposés
Bernard Motulsky estime que son rôle et celui des avocats se ressemblent: « Notre job est un peu la même, c’est-à-dire de trouver les éléments favorables à notre client. Mais les contraintes et les règles du jeu sont différentes, et parfois opposées. L’avocat évolue dans un cadre précis, qui est le judiciaire, nous, c’est le domaine public. »
Avouer ses fautes devant l’opinion publique n’a pas le même impact que devant un juge!
« En gestion de crise, une fois que la faute est admise, ça va déjà un peu mieux… Mais là, on est dans le judiciaire, il faut faire le contraire! » dit Jean-Jacques Stréliski.
Bertrand Charest a plaidé non coupable. « Du point de vue de son image, il ne peut que s’enfoncer. Les témoins sont très crédibles, poursuit-il. Il est vraiment mal barré. On dit qu’il y a un peu de lumière dans chaque cause. Pas ici. En plus, le momentum ne le favorise pas. On est dans une ère où ce genre d’égarements n’est plus toléré. Il a probablement un penchant narcissique et pervers très marqué. »
Tout ce procès est une très mauvaise stratégie, dit M. Stréliski. S’il en vient à témoigner, ce qui est peu vraisemblable, « il devra être humble et low profile…»
Quoiqu’il en soit, son carré de sable est très, très petit, conclut l’expert.
1 commentaire
Anonyme
il y a 7 ansJ'aimerais trouver un/e avocat/e qui voudra représenter toute les femmes qui ont du rester dans une maison d'hebergement pour victimes de violence conjugal, qui ont été obligées à donner accès à l'homme violent à ses enfants à cause de ses droits parentales. Qui ont été obligées à se rencontrer avec lui pour lui montrer ses enfants malgré le fait qu'elles se cachaient et avaient peur pour leur vie. J'aimerais faire un recours collectif contre la loi, le système juridique. Si bous saviez comment nous et nos enfants ne sommes pas protétées. J'aimerais connaître l'avocat/e qui aurait le courage de le faire. Pas vraiment pertinent à l'article, mais juste comme ça.