Nouvelles

Vous ne vous ennuierez pas en lisant ces jugements ! (3e partie)

Main image

Julien Vailles

2017-05-26 15:00:00

Kama Sutra, Molière, Corneille ou vers de leur cru, découvrez ces juges qui étalent leur vaste culture... pour notre plus grand plaisir!

Lire un jugement est parfois aride... L’écrire aussi. Certains magistrats s’en rendent bien compte et mettent ainsi un peu de piquant dans le leur! Poésie, argot, littérature, paroles de chanson, rien ne les arrête!

Droit-inc a répertorié ces affaires qui se démarquent de par les commentaires des juges… En voici la troisième partie…

Caillou, ses deux mamans, et le Kama Sutra

L’honorable Louis Lebel
L’honorable Louis Lebel
On parlait, dans la première partie, de l’introduction de l’honorable Louis Lebel dans Ciment du Saint-Laurent c. Barrette.

Ce n’était pas la première fois que l’ancien juge de la Cour suprême débutait par une telle tirade : l’arrêt Desputeaux c. Éditions Chouette, une affaire de droit d’auteur concernant la série pour enfants Caillou, commence ainsi : « La bonne bouille, les joues rondes et les yeux étonnés du petit Caillou ont charmé d’innombrables petits enfants comme ils ont séduit leurs parents et grands-parents. Aujourd’hui, ce charmant personnage, création de l’imagination et de l’art des formes et des couleurs, quitte le monde de la naissance de la petite sœur ou de la préparation à la maternelle. Involontairement, sans doute, il contribue maintenant au développement du droit de l’arbitrage commercial dans le domaine de la propriété intellectuelle. En effet, celles qui s’estiment ses mères s’affrontent. L’intimée prétend à une maternité exclusive. Les appelantes l’estiment partagée. Le mode de règlement de leur désaccord est lui-même devenu l’objet d’un désaccord important, dont notre Cour est maintenant saisie. »

Encore le juge Lebel : dans l’affaire de droit criminel Araujo, il est cette fois appelé à définir les critères auxquels doit répondre un affidavit. « Tant que l’affidavit satisfait à la norme juridique applicable, il n’est pas nécessaire qu’il soit aussi long qu’À la recherche du temps perdu, aussi sémillant que le Kama Sutra ni aussi détaillé qu’un guide de réparation d’automobiles », déclarera-t-il pour expliquer sa position.

Un ado surdoué

Dans une
François Godbout
François Godbout
affaire de protection de la jeunesse, le magistrat de la Cour du Québec François Godbout est appelé à lire des textes d’un adolescent, qu’il compare aux poésies d’Arthur Rimbaud. Plus encore, il illustre son propos en référant au Cid, de Corneille : « Aux âmes bien nées la valeur n'attend pas le nombre des années »!

« Le temps s’écoulant, et prenant son temps... »

Dans un jugement en divorce rendu oralement en 2004, le juge de la Cour supérieure Victor Melançon déclare aux parties que : « Vous aurez des contacts jusqu'à la fin de vos jours parce que vous avez un fils. Ce n'est pas toujours facile, c'est évident. Mais le temps s'écoulant, et prenant son temps, vous trouverez, je vous le souhaite, cette sérénité et les joies, comme Victor Hugo l'a chanté, d'être grand‑père et grand‑mère. Vous trouverez ces joies‑là pour que les irritants, qui forcément existent dans des situations comme la vôtre, soient complètement disparus. »

« Couvrez ce sein... »

Que l’Honorable Brian Jordan, de la Cour supérieure, ait rendu le jugement Conseil québécois sur le tabac et la santé c. JTI-MacDonald Corp en anglais ne l’a pas empêché de débuter ses motifs par une célèbre citation du Tartuffe, de Molière : « Avant que de parler prenez-moi ce mouchoir. (...) Couvrez ce sein que je ne saurais voir; Par de pareils objets les âmes sont blessées, Et cela fait venir de coupables pensées. »

Louis-Charles Fournier
Louis-Charles Fournier
Dans l’affaire Genois c. Leclerc, rendue en 2004, le juge Louis-Charles Fournier, ayant à analyser le sens du mot « pharmacie », réfère à Gustave Flaubert. En effet, il souligne que les pharmacies, de nos jours, ne s’entendent certainement plus au sens de celle de M. Homais dans Madame Bovary!

« ...Sertie de 110 carreaux, Reflétant cieux et flots. »

Bien sûr, il y a aussi certains incontournables, comme St-Onge c. Rioux, en 1983, que le juge Gilles Bélanger avait rédigé en vers. Cette affaire était une simple action sur compte intentée par un vitrier pour son travail... en voici un extrait :

Un jurisconsulte distingué, prénommé Michel,
Qui, sans vantardise, excelle,
Habitait sur le bord du lac St-Louis,
Une demeure, joyau d’orfèvrerie.
Sertie de 110 carreaux,
Reflétant cieux et flots.

Maints d’entre eux, hélas!
Avaient subi la casse,
Ou lâchaient leurs montures.
Il leur fallait une cure.

Comme bien si précieux,
Demande doigts amis et minutieux,
Michel commanda Albert, tel un joaillier,
Pour les remplacer et enchâsser.

Forcément, il y mit beaucoup de temps,
Faisant plus cher qu’un simple artisan,
Ce dont Albert prévint Michel.
Mais en vain, et de là, querelle.

C’est finalement le vitrier qui l’a emporté.

Et vous, pensez-vous à d’autres jugements du style?
7623

Publier un nouveau commentaire

Annuler
Remarque

Votre commentaire doit être approuvé par un modérateur avant d’être affiché.

NETiquette sur les commentaires

Les commentaires sont les bienvenus sur le site. Ils sont validés par la Rédaction avant d’être publiés et exclus s’ils présentent un caractère injurieux, raciste ou diffamatoire. Si malgré cette politique de modération, un commentaire publié sur le site vous dérange, prenez immédiatement contact par courriel (info@droit-inc.com) avec la Rédaction. Si votre demande apparait légitime, le commentaire sera retiré sur le champ. Vous pouvez également utiliser l’espace dédié aux commentaires pour publier, dans les mêmes conditions de validation, un droit de réponse.

Bien à vous,

La Rédaction de Droit-inc.com

PLUS

Articles similaires