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Vous ne vous ennuierez pas en lisant ces jugements ! (4e partie)

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Julien Vailles

2017-06-09 15:00:00

C’est dans l’univers des Homère, Aristote et LaFontaine que nous transporte cette fois nos juges érudits...

Aristote est décidément populaire chez les juges.
Aristote est décidément populaire chez les juges.
Lire un jugement est parfois aride... L’écrire aussi. Certains magistrats s’en rendent bien compte et mettent ainsi un peu de piquant dans le leur!

Poésie, fables, épopée homérique et mythologie raëllienne, rien ne les arrête!

Droit-inc a répertorié ces affaires qui se démarquent de par les commentaires des juges... En voici la quatrième partie...


La cigale et la fourmi

Tout récemment, dans l’affaire Les Entreprises Jean-Pierre Poulin inc. c. Jovalco Group Corporation, l’Honorable Carole Julien a fustigé un témoin en ces termes : « Il est rare de rencontrer un témoin dont la crédibilité est aussi pauvre que celle de Lyonnais. Si la perfection n’est pas de ce monde, la faiblesse de ce témoin s’en approche ».

Dans Services financiers Services financiers FBN c. Chaumont, le juge André Rochon débute ses motifs ainsi : « On ne peut avoir le beurre et l'argent du beurre. Celui qui, pour des raisons financières, fiscales ou légales, décide de son plein gré de constituer une société par actions, ne peut "lorsque la bise fut venue" troquer sa veste corporative pour le manteau du salarié et réclamer la protection que la loi n'accorde qu'à ces derniers. » Une référence évidente à la Cigale et la fourmi de Jean de La Fontaine!


Iliade et Odyssée

Homère, de l'Odyssée
Homère, de l'Odyssée
Canada (Environnement) c. Canada (Commissaire à l’information) est une saga judiciaire concernant la communication de renseignements. Au début de son jugement, l’Honorable John D. Richard se permet la pirouette suivante : « Peut-être Homère pensait-il à cette instance relative à la communication de renseignements vieille de plus 12 ans quand il a rédigé ce célèbre vers de l’Iliade : "Le destin a nanti l’humanité d’une âme patiente". »

Ce n’est d’ailleurs pas la seule fois qu’Homère est cité par un magistrat. Le juge Kenneth D. Maclean a décidé de commencer sa décision Shakes c. Canada ainsi : « Voyez comment les mortels vont juger les dieux! C’est de nous que viendraient tous les malheurs alors qu’eux-mêmes par leur propre fureur se les attirent », référant cette fois à l’Odyssée. Puis : « Voici un récit sur l’orgueil (Hubris) et ses conséquences ». Hubris, du grec, signifie en fait « démesure ».


Aristotemania

Tandis qu’on est chez les Grecs : dans R. c. Vallée, le juge Serge Francoeur excuse l’acte d’un accusé, concluant qu’il s’agit d’une erreur de fait. Citant Aristote, il déclare que : « le Tribunal croit l'accusé lorsqu'il mentionne qu'il n'a jamais pensé que ce câble avait une utilité quelconque et qu'il n'était pas abandonné. Lui imposer le même fardeau que celui que le Tribunal n'hésiterait pas à imposer sur terre, est inapproprié. Bref, celui qui agit mal sans le savoir, agit mal sans le vouloir ».

Aristote est décidément populaire chez les juges. L’Honorable Luc Martineau démontre qu’il a bien lu Éthique à Nicomaque en disant qu’« arriver à la conclusion contraire serait de croire que le "feu ne brûle pas aussi bien à Athènes qu’en Perse" », dans l’affaire Taleb c. Canada.


Qui est le bon, qui est le méchant?

L’affaire Roy c. Rufiange, en 2014, est une typique dispute entre voisins qui a dégénéré. Dans cette escalade de tensions, Rufiange a décidé de poser une pancarte afin de nuire à Roy, demandant « à (celui) qui « à (sic) des problème (sic) ou information sur Guy Roy anciennent (sic) inspecteur congédier (sic) » de téléphoner (aux numéros de Rufiange) ». Le juge de la Cour supérieure Pierre Dallaire écrit que « Pour le Tribunal, la principale victime de cette pancarte n’est pas Guy Roy, c’est la langue française qui est malmenée sans bon sens »! D’ailleurs, le juge Dallaire commence son jugement ainsi :

Qui est le bon, qui est le méchant? Qui est la victime, qui est l’agresseur? (...)



Nos amis les extraterrestres

Raël
Raël
Bien sûr, il y a aussi certains incontournables, comme le jugement Église raëlienne c. Gratton, qui est un bijou en soi. En 2006, le célèbre Raël poursuit un chroniqueur qu’il accuse de l’avoir diffamé. Alléguant que sa chronique s’inscrit dans une vaste critique du personnage, Gratton a finalement eu gain de cause. Le juge Maurice Laramée prend cependant le temps de relater en entier l’histoire racontée par Raël! Voici quelques passages de cette affaire mythique :

« Une preuve non contredite, si ce n’est par l’intelligence, nous provient des témoignages de Raël lui-même, notamment de ses écrits. »

« L’extra-terrestre qu’il rencontre est un Eloha (singulier d’Elohim). Le lendemain, il le revoit et pendant une heure pour les six jours suivants, il prendra dictée du Livre qui dit la Vérité. »

« Le 31 juillet 1975, en présence de sa compagne d’alors et d’un ami, il aperçoit une soucoupe volant au dessus (sic) de la maison. À la réunion du mouvement raëlien tenue le 6 août, on lui fait remarquer qu’il s’agit du 30e anniversaire de l’explosion de la bombe d’Hiroshima. "Hasard diront les imbéciles". »

« Il est assis à la droite du premier Eloha rencontré. C’est son père Yahvé qui lui explique qu’ils sont sur la planète des Éternels, petit paradis exclusif à certains hommes et Elohim. Les serviteurs, comme les danseuses, ne sont que des robots biologiques… on en produit pour satisfaire tous les besoins. »

Et le juge conclut en disant :

« Quant à l’Église raëlienne, elle n’a pas l’intérêt nécessaire pour poursuivre, on n’a commis aucune faute à son égard et elle n’a subi aucun dommage. Est donc bien virtuel le troisième élément requis par la loi, soit la relation de cause à effet entre une faute inexistante et un dommage imaginaire... à moins que... »
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