Nouvelles

Plaidoirie orale : ce que veulent les juges en appel

Main image

Jean-francois Parent

2017-11-27 14:29:00

Ne répétez pas votre mémoire, les juges l’auront lu! « Et parlez de ce qui compte vraiment, on ne parle pas des arbres, mais de la forêt », dit une d’elle...

Marie St-Pierre, , juge à la Cour d’appel du Québec
Marie St-Pierre, , juge à la Cour d’appel du Québec
Pour mener une plaidoirie orale à bon port, il faut rien moins que le plaidoyer soit « de la musique à nos oreilles », lance d'entrée de jeu Marie St-Pierre, juge à la Cour d’appel du Québec.

Avec son collègue Guy Gagnon, également de la Cour d’appel, et le plaideur Raymond Doray, de Lavery, la juge St-Pierre répondait à l'invitation de la Société des plaideurs de livrer leurs conseils pour susciter leur intérêt - et emporter leur adhésion.

Dans ce précédent article, les juges Yves-Marie Morissette, de la Cour d’appel, et l'ex-juge Pierre Dalphond, aujourd'hui chez Stikeman, ont livré les secrets des meilleurs plaidoiries écrite.

La discussion était animée par Pierre Bienvenu, de Norton Rose.

Au-delà du mémoire

S'ils vous entendent, c'est que les juges auront lu votre mémoire. Ils s'attendent donc à ce que vous ne le lisiez pas. « Ne répétez pas. Complétez. Et parlez de ce qui compte vraiment, on ne parle pas des arbres, mais de la forêt », explique Marie St-Pierre.

Me Pierre Bienvenu, associé principal chez Norton Rose
Me Pierre Bienvenu, associé principal chez Norton Rose
En outre, il ne faut pas tenter de couvrir l'ensemble du mémoire. Tenez-vous en notamment aux moyens d'appels : « Chacun de vos moyens doit faire l'objet d'une présentation claire », ajoute Guy Gagnon. Posez la question à laquelle vous voulez que le tribunal réponde, et donnez la réponse que vous souhaiteriez recevoir afin de guider les juges dans leurs réflexions est particulièrement utile.

Et surtout, n'oubliez pas d'expliquer sur quoi repose la réponse que vous aimeriez que les juges fassent leur.

L'état du droit

Il n'est pas vain de vouloir susciter la curiosité des juges. Ce qui intéresse les juges, ce sont « les règles de droit ou la jurisprudence pertinente, préconise Marie St-Pierre. Si ce que vous voulez, c'est une permission d'appeler hors délai, identifiez les critères qui nous feraient décider en ce sens. »


Il faut également prendre la peine d'expliquer au banc en quoi la question que vous soulevez mérite l'intérêt. « Si la jurisprudence est contradictoire, expliquez comment », ajoute la juge St-Pierre, selon qui les juges d'appel n'aiment rien mieux que l'occasion de faire évoluer le droit.

Guy Gagnon, également de la Cour d’appel
Guy Gagnon, également de la Cour d’appel
Cela étant, le juge d'appel est à la recherche de l'erreur de droit ou de fait commise en première instance. On ne refait pas le procès, insistent les juges St-Pierre et Gagnon. « Précisez l'erreur manifeste et l'erreur de droit. Faites ressortir la valeur de vos différentes affirmations, et guider les juges dans la bonne direction », dit Guy Gagnon.

Ensuite, il faut établir les raisons pour lesquelles l'appel a des chances raisonnables de succès.

Enfin, dans le contexte actuel, il convient d'expliquer en quoi la demande d'appel respecte la proportionnalité et l'usage des ressources. « Énoncez vos arguments en suivant une telle structure et vous nous intéresserez », dit Marie St-Pierre.

Faire référence à la jurisprudence et se préparer. « Vous n'avez pas à tout citer, certains arrêts, on les connait très bien », assure Guy Gagnon. Quand vous citez un arrêt, il faut tenir compte du contexte dans lequel il a été rendu. La règle de droit tient compte du contexte », martèle-t-il.

Le temps est compté

Surtout si l'on se retrouve devant un juge unique. « Son rôle est chargé certaines journées. Et donc votre temps sera très limité – présumez 15 minutes maximum », cautionne Marie St-Pierre.

Raymond Doray, de Lavery
Raymond Doray, de Lavery
D'où l'importance d'éviter les envolées lyriques, les effets de toge, les superlatifs et la redite. Cela dit, inutile de parler trop vite, vous risquez d'être incohérent et on aura du mal à vous suivre. « La plaidoirie n'est pas de l'impressionnisme, mais un exercice rhétorique. et la rhétorique se base sur des propositions », ajoute Raymond Doray, de Lavery.

Et le mieux, pour pouvoir aller rapidement dans le vif du sujet, c'est de connaître son dossier sur le bout des doigts.

Mais aussi d'avoir un plan de plaidoirie. « Peut-être ne vous en servirez-vous pas, mais il est très utile lorsqu'on veut retomber sur ses pieds après avoir essuyé plusieurs questions des juges », relate Raymond Doray, qui a souvent plaidé en Cour suprême.

Un tel plan—et les notes idoines—aident aussi à la synthèse des arguments.

Quelques astuces

L'improvisation, « ça n'a pas sa place, explique Marie St-Pierre. La technique « question=réponse, voici pourquoi », c'est facile à suivre. Avoir un plan de match, en début de plaidoirie, ça nous annonce où vous allez ».
Guy Gagnon ajoute : « La cour aime qu'on lui signale les interprétations du droit sur lesquelles on doit se pencher. » Il est très utile aussi de proposer des compromis. Quand le droit n'est pas clair ou que les faits sont non concluants, proposer une deuxième voie aux juges, s'ils refusent la première voie que vous leur soumettez, peut vous faire marquer des points.

Le plaideur Raymond Doray soutient quant à lui qu'il « faut aborder les faiblesses de nos arguments d'emblée, et ne pas attendre que «la partie adverse vous les envoie dans les dents ».

À cet égard, il n’aime pas la tendance à sous-estimer l'importance des faits. « Il n'y a rien de plus dévastateur qu'un fait. On peut se trouver complètement déculotté lorsqu'on nous assène un fait pour lequel on n'est pas préparé. »
10827

5 commentaires

  1. DSG
    ce que veulent les juges en appel
    What they really want is for people to stop appealing judgments. At that stage in their careers they don't want to work that much.

  2. Anonyme
    Anonyme
    il y a 6 ans
    ignorant comment
    You truly show you have no knowledge of what the Court of appeal does. Appeal judges work extremely hard - just spent five minutes chatting with one and you will understand the magnitude of what they have to read, understand and decide on....week after week, day after day, it never stops.
    I know your comments are usually tongue in cheek and perhaps this one was too but please show some depth.

  3. Me Stéphane Lacoste
    Me Stéphane Lacoste
    il y a 6 ans
    Quand même
    DSG is a troll and I know I should probably not feed it.

    Mais son commentaire remet en cause le respect dû à la Cour d'appel et à ses juges dont on sait pourtant qu'ils sont très occupés et prennent leurs tâches au sérieux. Comme membres du Barreau, nous avons la responsabilité de protéger les tribunaux. Maybe DSG is not really a member of the Bar.

  4. KL
    Pas le vrai DSG
    Je ne crois pas que le "vrai" DSG ait fait ce commentaire, ni celui de ce jour concernant l'article de Me Cloutier.

    Trop bête et DSG n'utilise pas le français dans le titre.

    • DSG
      I did both
      I copy pasted from the title.

      I thought the one for Me Cloutier was rather funny. This one, surprisingly, I almost didn't post because it seemed kind of lame. Yet it got the most reaction. Go figure.

Annuler
Remarque

Votre commentaire doit être approuvé par un modérateur avant d’être affiché.

NETiquette sur les commentaires

Les commentaires sont les bienvenus sur le site. Ils sont validés par la Rédaction avant d’être publiés et exclus s’ils présentent un caractère injurieux, raciste ou diffamatoire. Si malgré cette politique de modération, un commentaire publié sur le site vous dérange, prenez immédiatement contact par courriel (info@droit-inc.com) avec la Rédaction. Si votre demande apparait légitime, le commentaire sera retiré sur le champ. Vous pouvez également utiliser l’espace dédié aux commentaires pour publier, dans les mêmes conditions de validation, un droit de réponse.

Bien à vous,

La Rédaction de Droit-inc.com

PLUS

Articles similaires