Nouvelles

Les pharmaciens-propriétaires rappelés à l'ordre

Main image

Jean-francois Parent

2018-03-15 10:15:00

L'AQPP doit remettre des factures détaillées tant aux assureurs privés qu'aux patients, tranche la Cour supérieure...

Me Jean-Philippe Groleau de Davies Ward Phillips & Vineberg
Me Jean-Philippe Groleau de Davies Ward Phillips & Vineberg
Depuis l'an dernier, des amendements à la Loi sur l'assurance-médicament obligent les pharmaciens-propriétaires à remettre des factures détaillées aux bénéficiaires de leurs services.

Les factures doivent indiquer clairement « les honoraires professionnels du pharmacien pour chaque service rendu; le prix assumé par le régime général pour chaque médicament ou fourniture; la marge bénéficiaire du grossiste », peut-on lire à l'article 8.1.1 de la nouvelle loi, entrée en vigueur en septembre dernier.

L'Association québécoise des pharmaciens-propriétaires s'opposent à ce que la facture soit remise aussi aux assureurs privés. Ils n'ont qu'à en demander copie à leurs assurés, plaide l'AQPP en substance.

Me Léon Moubayed de Davies Ward Phillips & Vineberg
Me Léon Moubayed de Davies Ward Phillips & Vineberg
Représentée par Me Jean-Philippe Groleau et Me Léon Moubayed, de Davies Ward Phillips & Vineberg, l'AQPP soutient que cela impose un fardeau administratif trop lourd.

Dans le régime public, les pharmaciens-propriétaires doivent déjà fournir la facture remise au patient à l'assureur public, la RAMQ, qui réglemente les prix des produits et services du régime public.

Saine concurrence… et contrôle des coûts

Me Claudia Lalancette de Rousseau Vaillancourt
Me Claudia Lalancette de Rousseau Vaillancourt
Mais pour les assurances privées et les régimes collectifs, une telle obligation n'existait pas jusqu'en septembre dernier. Cela « concède plus de latitude au professionnel. Il conserve le droit de décider des honoraires qu’il additionne au tarif prescrit pour un médicament. Il y a alors variation possible des prix, d’une pharmacie à l’autre », constate le juge Daniel Dumais dans sa décision rendue au début du mois de mars.

Ainsi, les pharmaciens-propriétaires pouvaient se limiter à ne communiquer que le coût total de la prestation, sans divulguer par exemple leurs honoraires. L'AQPP plaide en outre que l'obligation, telle que décrite dans la loi, « se limite aux personnes physiques se procurant les services pharmaceutiques, médicaments ou fournitures, à l’exclusion des assureurs qui sont appelés à contribuer financièrement ».

La RAMQ et Québec, représentés par respectivement par Me Claudia Lalancette et Me Hugo Poirier, de Rousseau Vaillancourt, et par Me Marie-Andrée Garneau et Me Caroline Martin, de Lavoie Rousseau, plaident au contraire que pour permettre la saine concurrence et pour contrôler les coûts dans l'ensemble du régime, toutes les parties doivent recevoir des factures détaillées. Incluant les assureurs privés.

Le tout, dans le but d'assurer une transparence dans la prestation, mais aussi afin de pouvoir établir des comparatifs et ainsi faire jouer la concurrence entre les prestataires de services.

La «personne», pas l’assureur

Me Hugo Poirier de Rousseau Vaillancourt
Me Hugo Poirier de Rousseau Vaillancourt
De son côté, « l’AQPP plaide que le pharmacien n’a d’obligation qu’envers une seule personne soit celle qui se présente à la pharmacie. Il ne peut donc avoir d’engagement envers une personne morale », puisque la loi utilise le singulier «une personne», soit l'assuré. Pour que l'assureur fasse partie de la chaîne, cela devrait être dit de façon spécifique dans la loi.

Une interprétation contre laquelle le juge Dumais s'inscrit en faux. « L’utilisation du singulier n’exclut pas que l’obligation vaille envers plusieurs personnes. L’article 54 de la Loi d’interprétation québécoise le prévoit spécifiquement », dit-il.

Tous s'entendent sur l'objectif de transparence des nouvelles dispositions de la LAM, selon le juge Dumais. « On désire que les payeurs soient informés du coût des médicaments et des services de sorte qu’ils puissent magasiner les prix si tel est leur désir. Une telle concurrence favorise généralement un contrôle des coûts, ce qui ne peut qu’être bénéfique pour tous et favoriser la viabilité du régime. Or, pour comparer les coûts, encore faut-il connaître les honoraires chargés », écrit-il.

Il conclut que l'interprétation de la loi doit se faire au bénéfice du public, ce qui ne se fera que si « on élargit les destinataires de factures plutôt que de les restreindre. La remise de factures aux assureurs payeurs est certainement plus compatible avec la finalité de la loi et ne peut qu’être qu’avantageuse pour les citoyens ».

« L’AQPP peut s’opposer au choix législatif. Elle n’a pas à être d’accord. Cependant, cela ne suffit pas à justifier une interprétation contraire au texte, à son objet et à l’intention de son auteur », conclut le juge Dumais pour rejeter les prétentions de l'AQPP.
4769

Publier un nouveau commentaire

Annuler
Remarque

Votre commentaire doit être approuvé par un modérateur avant d’être affiché.

NETiquette sur les commentaires

Les commentaires sont les bienvenus sur le site. Ils sont validés par la Rédaction avant d’être publiés et exclus s’ils présentent un caractère injurieux, raciste ou diffamatoire. Si malgré cette politique de modération, un commentaire publié sur le site vous dérange, prenez immédiatement contact par courriel (info@droit-inc.com) avec la Rédaction. Si votre demande apparait légitime, le commentaire sera retiré sur le champ. Vous pouvez également utiliser l’espace dédié aux commentaires pour publier, dans les mêmes conditions de validation, un droit de réponse.

Bien à vous,

La Rédaction de Droit-inc.com

PLUS

Articles similaires