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Elle se fait passer pour avocate et pratique le droit sans autorisation

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Radio -canada

2018-03-16 14:15:00

La directrice générale des Grands Frères Grandes Soeurs (GFGS) de l'Outaouais s'est faussement présentée comme avocate…

Yvonne Dubé a pratiqué le droit sans autorisation, de septembre 2011 à mars 2012
Yvonne Dubé a pratiqué le droit sans autorisation, de septembre 2011 à mars 2012
Yvonne Dubé a pratiqué le droit sans autorisation, de septembre 2011 à mars 2012.

Radio-Canada a appris que le conseil d'administration de l'organisme n'a jamais été mis au courant de ses démêlés avec la justice.

En avril 2015, Yvonne Dubé a consenti à la décision rendue par le juge de la Cour supérieure de l’Ontario, Charles T. Hackland, de « cesser de façon permanente de pratiquer le droit sans autorisation » et « de ne plus fournir de services juridiques non autorisés ».

« C’est ce qui s’est passé en effet », confirme Mme Dubé lors d’une discussion au téléphone.

En dépit d’avoir accepté l’ordre d’injonction qui l’empêche de pratiquer le droit, Mme Dubé nie « absolument » avoir représenté des clients devant les tribunaux sans être membre du Barreau de l’Ontario.

Radio-Canada a consulté près d’une dizaine de documents du Barreau, du Tribunal du Barreau et de la Cour supérieure de l’Ontario.

Dans une autre cause présentée au Tribunal du Barreau de l’Ontario, en février 2018, entre le Barreau de l’Ontario et l’ancien patron de Mme Dubé, Me Christian Deslauriers, l’énoncé conjoint des faits auxquels Mme Dubé n’a pas participé stipule qu’elle s’est présentée au moins à 12 reprises au palais de justice pour représenter des clients dans des causes criminelles, entre septembre 2011 et mars 2012.

La requête déposée dans la demande d’injonction du Barreau à son égard, en février 2015, allègue que Mme Dubé « s’est présentée aux clients, aux avocats, aux juges et à d’autres officiers de la justice comme étant autorisée à pratiquer le droit et offrir des services juridiques en Ontario ».

Yvonne Dubé nie avoir travaillé pour Christian Deslauriers entre septembre 2011 et mars 2012. Elle a cependant effectué son stage dans son cabinet de juin 2010 à septembre 2011.

« Ce n’était pas comme avocate, par exemple. Moi, j’étais au nom de Christian Deslauriers tout le temps, tout le temps; je faisais ce qu’il me disait de faire. C’est tout », se défend-elle quant au rôle qu’elle a joué en tant que stagiaire.

Les Grands Frères Grandes Soeurs tenus dans le noir

 Me Christian Deslauriers
Me Christian Deslauriers
Au téléphone, Yvonne Dubé admet qu’elle n’a jamais avisé ses supérieurs des procédures en cours contre elle avec le Barreau de l’Ontario lors de son embauche, qu’elle situe entre janvier et mars 2015. Elle ne leur a pas communiqué l’issue du processus juridique en avril 2015.

« Je ne les ai pas informés, j’en ai pas parlé à personne parce que c’était ma vie privée. C’est une décision que j’ai prise d’accepter ce qu’on me demandait. Je ne me suis pas chicanée : je me suis retirée », dit-elle.

Marc Philip Laperrière, qui présidait l’organisme au moment de son embauche, confirme qu’Yvonne Dubé n’a pas informé le comité de sélection de ses démêlés avec la justice.

Une pratique illégale du droit, selon un spécialiste

À la lumière des documents présentés, « il semble qu’il y a effectivement eu pratique illégale du droit », analyse Charles-Maxime Panaccio, professeur à la Faculté de droit civil de l’Université d’Ottawa.

« Il y a toutes sortes de raisons d'acquiescer à une injonction, mais on peut tirer la conclusion qu’il y a un certain acquiescement de pratique illégale du droit », explique M. Panaccio.

Pour le professeur de droit, il est pertinent de faire la différence entre les divers types d’emplois que peut occuper une personne impliquée dans une telle affaire. Divulguer ces informations prend toute son importance lorsque la personne visée par l’injonction occupe un poste de direction, selon le professeur, « où on s’attend à une certaine forme de leadership, entre autres moral ».

De sténographe à stagiaire, puis « avocate »

Marc Philip Laperrière, présidait l’organisme au moment de son embauche
Marc Philip Laperrière, présidait l’organisme au moment de son embauche
Avant de lancer sa carrière dans le milieu communautaire, Mme Dubé a travaillé pour l’avocat-criminaliste Me Christian Deslauriers, d’abord à titre de stagiaire.

Me Christian Deslauriers l’avait embauchée en juin 2010 alors qu’elle terminait ses études de droit à l’Université d’Ottawa.

Durant ses études, Mme Dubé était sténographe judiciaire. Selon nos sources, elle était alors « très connue, très respectée » au palais de justice d’Ottawa.

Dans l’énoncé conjoint des faits présenté au Tribunal du Barreau en février 2018, Me Deslauriers soutient qu’Yvonne Dubé lui a annoncé durant l’été 2011 qu’elle allait être admise au Barreau de l’Ontario en septembre.

Mme Dubé nie cette affirmation dans l’entretien téléphonique. « (J’étais au cabinet de Me Deslauriers) seulement pour mon stage; ensuite, j’ai quitté pour aller travailler avec Julie Audet. C’était une de mes professeurs à l’école », explique-t-elle.

Mme Audet est aujourd’hui juge à la Cour supérieure de l’Ontario. Elle n’a pas répondu à notre demande d’entrevue.

Me Christian Deslauriers a refusé nos demandes d’entrevue. Toutefois, il a fait parvenir à Radio-Canada une longue déclaration écrite. Dans cette lettre, il indique : « Alors qu'elle était à mon emploi, j'ai mis toute ma confiance en Yvonne Dubé pour gérer mon bureau, entre autres, pendant que je travaillais sur le dossier de Jacques Mungwarere, ultimement acquitté de génocide au Rwanda ».

La plainte qui fait tout dérailler

Le 19 avril 2012, Me Mélanie Lord, une avocate d’Ottawa, porte plainte contre Mme Dubé au Barreau de l’Ontario.

Me Lord a refusé nos demandes d’entrevue, mais dans sa plainte, on dénote sa surprise lorsqu’elle a été mise au courant par un stagiaire que Mme Dubé n’était pas avocate.

« En octobre 2011, je l’ai félicitée d’avoir obtenu le statut d’avocate, et j’ai commencé à m’adresser à elle comme Me Dubé », lit-on dans la plainte.

Mme Dubé a affirmé lors de notre conversation téléphonique ne jamais avoir été assermentée au Barreau.

« J’en ai passé un (examen du Barreau); ça avait été retiré parce que j’ai abandonné », affirme-t-elle. La réussite de deux examens du Barreau est nécessaire pour être assermenté comme avocat en Ontario.

Or, selon l’énoncé conjoint des faits signé par Me Deslauriers et le Barreau de l’Ontario, Mme Dubé a assuré à son patron qu’elle était avocate.

Le Barreau a déclenché une enquête qui, ultimement, a mené à une injonction permanente pour qu’elle cesse de pratiquer le droit sans être membre du Barreau. Me Deslauriers a collaboré à cette enquête.

Dans la cause du Barreau contre Me Deslauriers, la décision rendue par le Tribunal du Barreau en février 2018 conclut que l’avocat Christian Deslauriers « ne s’est pas assuré que (Mme Dubé), une fois son contrat de stage terminé, était autorisée à pratiquer, et donc, ne l’a pas empêché de pratiquer de façon non autorisée ». Il purge présentement une suspension de trois mois et devra payer une pénalité de 12 500 $.
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