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PL 141: «On soutient que le consommateur sera mieux protégé», dit une avocate

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Jean-francois Parent

2018-03-22 15:00:00

Des articles du PL 141 sur l'encadrement du secteur financier doivent être précisés... Mais ne jetez pas le bébé avec l’eau du bain, dit cette avocate.

La présidente pour le Québec de l'Association canadienne des compagnies d'assurance de personne, Me Lyne Duhaime
La présidente pour le Québec de l'Association canadienne des compagnies d'assurance de personne, Me Lyne Duhaime
La présidente pour le Québec de l'Association canadienne des compagnies d'assurance de personne, Me Lyne Duhaime, veut rétablir les faits.

« Dérives », « dérapages », « manipulation », « désinformation », les assureurs ne manquent pas d'épithètes pour qualifier les critiques du projet de loi 141, un mammouth législatif de plus de 700 articles amendant une soixantaine de lois, dont toutes celles encadrant le secteur financier.

Ex-associée chez Fasken, Me Duhaime s'inscrit en faux contre ceux qui soutiennent que l'assurance pourra désormais être vendue par n'importe qui et que la protection du consommateur en souffrira.

Vous n'avez pas la lecture catastrophique du PL 141 que plusieurs en font...

On a vraiment l'impression qu'on manipule le message et qu'on fait de la désinformation. On dirait, à entendre ce qui se dit sur le sujet, que ce projet de loi est télécommandé par les assureurs, ou que les consommateurs se retrouveront sans protection du jour au lendemain, ce qui n'est pas vrai.

Des gens comme l'ex-ministre délégué aux Finances libéral Alain Paquet, ou les conseillers juridiques des associations de consommateurs, qui s'inquiètent des retombées du PL, pratiquent la désinformation?

Je m'explique mal leur position : ils disent que le consommateur ne sera pas protégé, qu'on pourra vendre sans conseil, ce qui n'est pas du tout la lecture que nous faisons du projet de loi. On soutient que le consommateur sera mieux protégé : un fonds d'indemnisation élargi, de meilleurs mécanismes de règlements des différends, et ce n'est pas comme si on allait permettre de vendre tout et n'importe quoi à n'importe qui, n'importe comment.
On encadre mieux la vente par internet, et l'Autorité des marchés financiers surveillera davantage le marché.

Pourtant, le projet de loi a abrogé la notion de conseiller pour la remplacer par « personne physique », ce qui laisse penser qu'on n'a plus besoin de conseiller certifié pour vendre de l'assurance...

Ce n'est pas ce que nous voulons. Sur le plan des risques réputationnels, d'abord, on n'a pas intérêt à vendre n'importe quoi. Il faut le bon produit pour la bonne personne.

Et pour ça, le conseil est important. Quant à la vente par internet, on veut la permettre davantage. Mais cela ne veut pas dire que tous les produits peuvent être vendus en ligne. L'assurance repose sur des relations à long terme. Ce qu'on veut, c'est que quelqu'un achète un produit et le conserve longtemps. On n'a aucun intérêt à vendre des choses qui ne font pas l'affaire du client. En ligne avec conseil et en ligne sans conseil, l'assureur a tout intérêt à vendre le bon produit au bon client.

Les assureurs ont des réseaux de distribution depuis toujours et pensent que le conseil joue un rôle extrêmement utile. Mais on est en 2018 et les consommateurs veulent avoir accès à des produits en ligne.

Vous ne vous opposez pas à ce que la loi inclut le recours à un conseiller certifié?

Si on doit modifier le projet de loi pour y inclure un représentant certifié, nous en serons bien contents.

Tous les projets de loi mammouth comme ça ont besoin d'être revus. S'il y a quelques articles qui ont besoin d'être précisés, faisons-le et ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain.

D'ailleurs, on vient d'introduire une obligation d'informer le client que le conseil est possible dans le projet de loi. L'article 71.1 dirait essentiellement ceci : « Un cabinet peut offrir de l’assurance sans personne physique, mais doit mettre à la disposition de sa clientèle un représentant autorisé pour le consommateur qui le souhaite. »

L'assurance est tout de même un produit complexe, et les assureurs conviennent eux-mêmes qu'il y a des carences du public quant à la littératie financière.

D'où l'importance d'offrir la possibilité d'avoir accès à un conseiller. Et qu'il faut donner la meilleure information au client.

Peu de gens connaissent la différence entre un produit temporaire et permanent. Le spécialiste du marketing financier de ESG-UQAM, Jasmin Bergeron, a déjà observé que 92 % des gens diplômés universitaires ne savaient pas ce qu'est un avenant dans une police d'assurance.

On vit dans ce monde-là, des lois encadrent les transactions, les consommateurs ont des attentes de pouvoir souscrire des produits sur internet. On achète des produits boursiers autrement plus compliqués sans conseil avec le courtage à escompte, par exemple.

La distribution sans représentant existe aussi depuis longtemps pour l'assurance créance. Sur cette question, on est d'accord que les guides de distribution ne comblaient pas leur rôle, et on comprend qu'il faille les revoir de fond en comble.

La vente par internet est aussi une réalité actuelle, on veut simplement se donner la possibilité d'utiliser ce nouveau canal de distribution. Si on doute que les produits ne soient pas adéquats, il ne faut pas oublier qu'il y aura toujours la possibilité pour l'AMF d'intervenir. Les régulateurs ont des attentes, proposent des règles et font la surveillance.

Vous faites passer vos opposants pour des personnes réfractaires au progrès. Sauf qu'ils ne s'opposent pas à la vente en ligne d'assurance, ils en ont contre le manque de protection et veulent qu'on encadre mieux cette pratique.

Ce n'est pas parce qu'on appuie les dispositions qui autorisent la vente en ligne qu'on pense que c'est la meilleure façon de faire les choses. La distribution par l'entremise de conseillers va rester le canal privilégié. On continue de penser que le conseil est important, on va le favoriser. Les conseillers sont précieux pour les assureurs.

Il faut avoir une loi qui soit capable d'évoluer dans le temps, dans un marché qui est sain et où les consommateurs sont bien protégés.
La réalité c'est que c'est difficile de prévoir quels produits seront simples, et quels autres seront compliqués. On est mieux d'avoir un cadre plus souple avec une autorité réglementaire qui a le pouvoir réglementaire d'intervenir plutôt qu'une loi fige les choses et n'évolue pas dans le temps.
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